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La bulle idéologique.

Publie le vendredi 10 octobre 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

La chronique de Favilla, publiée sur le site du journal Les Echos, mardi 7 octobre 2008 :

La bulle idéologique.

Nul ne connaît encore le volume de la bulle immobilière américaine ni celui de la bulle financière occidentale. Elles restent toujours en partie cachées dans d’insondables rondelles de titrisation qui, à force de titriser du vent, récoltent la tempête. En revanche, la bulle idéologique apparaît en pleine lumière, dans toute son ampleur.

Cette bulle idéologique, la religion du marché tout-puissant, a de grandes ressemblances avec ce que fut l’idéologie communiste. Elles ont régné sans partage pendant plusieurs décennies : sept pour le communisme, presque quatre pour l’ultralibéralisme. C’est lors de la chute du Mur que l’on a découvert l’immensité du mensonge du premier système. On le pressentait, des esprits indépendants et courageux comme Soljenitsyne ou Havel l’avaient écrit depuis longtemps, mais soudain l’empire du mensonge était nu. On comprenait que tout n’avait été que propagande, que tout n’était que rêves frelatés, escroqueries intellectuelles et escroqueries tout court. Une bulle idéologique aux tragiques conséquences bien réelles.

La crise actuelle reproduit un scénario comparable. Depuis la mise en oeuvre, par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, de la doctrine de Milton Friedman, le rouleau compresseur idéologique libéral a tout balayé sur son passage. Un grand nombre de chefs d’entreprise, d’universitaires, d’éditorialistes, de responsables politiques ne juraient plus - et avec quelle arrogance ! - que par le souverain marché. Ils avaient réussi à ringardiser Keynes au point de faire croire que même son fameux proverbe selon lequel les arbres ne montent pas jusqu’au ciel était faux. Toute voix dissonante, fût-elle timidement sociale-démocrate en rappelant les vertus d’un minimum de régulation publique, passait pour rescapée de Jurassik Park.

Et voici que tout à coup, la vérité apparaît.

L’autorégulation du marché est un mythe idéologique, le jeu des acteurs économiques affranchis de toute règle ne converge pas mais, au contraire, diverge gravement, aidé en cela par le naufrage éthique de certaines élites financières.

Bref, la doctrine friedmanienne est erronée parce que toute mécanique humaine sans contre-pouvoirs ne tend pas vers l’équilibre mais vers la spéculation, c’est-à-dire vers la déraison.

C’est le sage Montesquieu et sa théorie de l’équilibre des pouvoirs qui a vu juste sur la nature humaine, pas les théoriciens du marché intégral.
L’effondrement des marchés fait ainsi figure de chute du Mur pour les fondamentalistes libéraux. Leur bulle doctrinale est nue comme le fut la bulle communiste en 1989. Quand, après tant d’arrogance idéologique productrice de tant d’excès, le moment viendra de reconstruire, il conviendra de doser le bon mélange de libertés, de règles et de contrôles, et se garder de tout esprit de système, car c’est avec des systèmes que l’on crée les rêves les plus fous et les malheurs les plus grands.

http://www.lesechos.fr/info/analyses/4781344-la-bulle-ideologique.htm

Messages

  • Les subprimes ont été le déclencheur de la déroute mais ce n’est pas le moteur de la déroute. Ce sont les mécanismes du capitalisme qui sont à nu et on voi maintenant les joueurs de marionnettes qui tirent les ficelles. Personne ne veut plus jouer dans la combine. Il est temps que sarkozy arrête de livrer notre argent en pature aux requins qui tirent ces ficelles.

  • Le système Stalinien était un capitalisme d’état, je souhaiterais qu’on le rappelle plus souvent au lieu d’employer des termes erronés comme le communisme etc..
    Ceci dit, cette analyse me parait etre raisonnable et devrait etre débattue plus que ça ;
    Il faut tout de même arriver à dire que les moyens de production ne doivent pas etre aux mains de quelques privés dont on voit les turpitudes ;
    On peut imaginer un marché mixte avec des règles strictes, on peut aussi imaginer que chacun cotise suivant ses revenus afin qu’une redistribution des richesses produites ait bien lieu ; nous assistons depuis des décennies au pillage des biens produits par les ouvriers, n’ayons pas peur d’employer ce mot non plus Un précaire sous-payé n’est pas on collaborateur pour le partron, mais une sous-merde.
    Il faudra aussi penser à revenir aux termes exacts : exploitation, ouvrier, maffia patronale etc...Ce serait un bon début .

    • Nuance : le terme capitalisme d’état pour l’URSS était utilisé par soljénistsine, une victime innocente du système mais aussi un fervent nationaliste tendance populo-royaliste.
      Le vrai capitalisme d’état c’était les pays occidentaux en période keynésienne.

      La plupart des courants qui n’adhéraient pas au système stalinien mais voulaient quand même défendre l’URSS (ou en tout cas s’opposer à toute tentative militaire étrangére de rétablir la "démocratie" en URSS) parlaient d’état ouvrier dégénére,

      en mettant l’accent plutot sur ouvrier ou sur dégénéré suivant qu’ils voulaient inciter gentiment les bureaucrates à se réformer ou qu’ils voulaient inciter les travailleur à virer ces bureaucrates pour régénérer ledit état ouvrier.

    • Mettre face à face le communisme stalinien et le néolibéralisme capitaliste pour réhabiliter le "milieu" le "hors système", le pragmatisme ; voilà une belle entourloupe débouchant sur Keynes et Montesquieu ! Bref le maintien du capitalisme et de sa logique !

      Christian D