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La descente aux enfers
Publié par Paul Jorion dans Economie, Monde financier
Ce texte est un « article presslib’ » *
Jetez un coup d’œil à ce graphique emprunté au Wall Street Journal de ce matin : ce genre de profil ne dure pas parce que quelque chose se passe alors qui y met fin et c’est pourquoi il faut le capturer dans l’instant. La légende dit « Défauts de paiement dans le secteur de la construction ». Les condos sont des appartements en copropriété, les single family sont des maisons individuelles, le reste se comprend aisément.
Les banques régionales et de taille moyenne s’étaient petit à petit retrouvées exclues du marché du prêt hypothécaire américain : le « mortgage », et s’étaient spécialisées dans le prêt à la construction. Elles sont aujourd’hui aux abois : elles accordent des sursis à leurs emprunteurs sans qu’il s’agisse là de générosité de leur part : elles se contentent de retarder le moment de vérité où elles devront enregistrer les pertes. Inutile de préciser qu’au vu des courbes, la fin est proche.
Je vous ai tenu au courant du sort des banques commerciales : Citigroup voit ses résultats se dégrader lentement et doit encore encaisser pleinement l’impact des pertes que signifiera pour lui la rétrogradation des rehausseurs de crédit : les monolines, j’en ai déjà parlé.
Les banques d’investissement ne vont guère mieux : Lehman Brothers qui est engagé sur la même pente savonneuse que Bear Stearns, a fait passer aujourd’hui la part maximale de la rétribution de ses employés pouvant être versée en titres de la firme de 50 % à 65 % ; c’est ce qui explique paradoxalement qu’isolé parmi les établissements financiers, le cours de son titre ait gagné aujourd’hui 6,7 %.
Il va de soi que l’opération de rattrapage in extremis de Bear Stearns par la Federal Reserve de New York et la banque commerciale J. P. Morgan Chase en mars dernier ne pourra pas être renouvelée. Le ministre des finances américain, Henry Paulson, aujourd’hui à Londres, s’inquiète : il rappelle qu’un système de redressement judiciaire semblable à celui en vigueur pour les banques commerciales n’existe pas pour les banques d’investissement.
C’est d’ailleurs ce qui avait justifié une opération inédite accompagnée d’une avance de 28 milliards de dollars consentie par la Fed à J. P. Morgan Chase pour l’aider dans son absorption précipitée de Bear Stearns. Dans les jours qui suivirent, la Fed autorisa ces banques d’investissement à emprunter auprès d’elle en mettant des titres en gage, comme seules avaient le droit de le faire jusque–là les banques commerciales. Les acteurs du monde financier comptent sur le gouvernement américain pour tirer d’affaires les firmes « trop grosses pour tomber » ou « trop interconnectées à d’autres pour tomber » – comme ç’avait été le cas de Bear Stearns – mais personne n’est dupe : mises ensemble, cela fait aujourd’hui beaucoup trop de monde.
La bourse américaine a amorcé une lente plongée dont rien n’exclut désormais qu’elle débouche sur un véritable krach. L’indice Dow Jones a perdu en deux mois, 13,8 % de sa valeur et est retombé à son niveau d’août 2006. Le NASDAQ, le marché spécialisé dans les compagnies de technologie a lui plongé de 9,6 % au cours du seul dernier mois et de 15,1 % depuis le début de l’année. Drapeau en berne, les agences de presse ont annoncé aujourd’hui qu’avec plus de 20 % de baisse depuis leur sommet d’octobre dernier, les marchés boursiers américains sont désormais officiellement « bear » : baissiers.
Dans son rapport publié avant–hier, la Banque des Règlements Internationaux (BRI) à Bâle, le régulateur des régulateurs du monde bancaire, affirme qu’une panique sur le dollar n’est désormais plus à exclure : les nations qui avaient pris l’habitude de se constituer des réserves en dollars pourraient décider de se dégager brutalement pour stopper l’hémorragie, après avoir assisté impuissantes à une déperdition du dollar par rapport à l’euro de 14 % en un an.
La compagnie automobile Chrysler est elle au bord de la faillite (– 36 % de ventes sur l’année écoulée). Ford et General Motors ne sont pas en meilleure forme : l’action de cette dernière a perdu plus de 15 % de sa valeur au cours de la seule séance d’aujourd’hui pour retomber à son niveau de… septembre 1954, les analystes voient mal en effet comment elle pourrait émerger indemne de l’année 2009 : ses lignes de production continuent de cracher les « gas guzzlers », les « bâfreuses », 4 ?4 et pick–up trucks, victimes aujourd’hui d’un rejet généralisé bien compréhensible. Bien davantage que d’autres désastres à la valeur affective moins marquée, la fin indigne de leur industrie automobile constituerait pour les Américains un choc psychologique tout à fait déterminant : le symbole le plus parlant sans doute de la fin de l’empire.
* Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
Messages
1. La descente aux enfers, 3 juillet 2008, 11:07
Symboles
Par Aureliano Buendia le jeudi 3 juillet 2008, 00:06 -
Il y a 15 jours, Chiquita, ancienne "United Fruit", perdait 28.6% en une journée. Depuis, les affaires de ce symbole de 50 ans de domination US sur l’Amérique latine ne se sont pas arrangées. Ils ont encore perdu près de 15% supplémentaires, dont 9% aujourd’hui...
Et ce n’est pas le seul grand symbole d’une splendeur passée qui ait du plomb dans l’aile, loin s’en faut.
La star de la semaine est assurément General Motors, bien connu pour ses gros pick-ups, ses Cadillac, Buick, GMC et autre Hummer,un peu moins pour sa généreuse contribution à la construction de la machine de guerre nazie ou ses non moins généreux financements d’une bonne part de l’extrême-droite européenne après-guerre. "De l’histoire ancienne" direz-vous. Pas tant que ça : General Motors, fleuron de l’industrie américaine, premier constructeur US, a perdu depuis octobre dernier la bagatelle de 76,6% de sa valeur, ce qui les ramène à leur cours de... 1954 ! C’était bien la peine de se donner tant de mal, tiens.
A tel point que Merrill Lynch (énorme banque d’investissements) estime aujourd’hui qu’une faillite de GM n’est pas exclue ! (Merrill qui, au passage, affiche aussi un resplendissant -66% depuis un an)
Toujours au chapitre "symboles en berne", Starbucks a annoncé hier la fermeture de 600 enseignes aux US. Enfin, Citigroup, première banque du pays, a déjà perdu plus de 70% de sa valeur boursière et ce n’est surement pas fini.
Voilà pour les bonnes nouvelles.
Bon évidemment, Exxon, Microsoft, Mc Do, Nike, Monsanto et Coca vont encore plutôt bien, (quoique, Coca commence à tirer la gueule), mais ça fait quand même une jolie tripotée de porte-drapeaux qui ont plus qu’un genou à terre.
Pour finir, le graphe de l’année : c’est le cours de bourse, depuis 1991, de mon chouchou, Ambac, réhausseur de crédit de son état et -98,79% depuis le 18 mai 2007, "sous vos applaudissements" !
Tout ça pour vous souhaitez, un peu en avance, un Happy Independance day !
(merde, j’ai oublié de parler d’Ingrid Betancourt) Bon, à la place, une petite citation de Hugo avec le mot "symbole" : "le meilleur symbole du peuple est le pavé : on marche dessus jusqu’au jour où il vous tombe sur la tête".
http://www.lafinducapitalisme.net/post/2008/07/03/Symboles
2. La descente aux enfers, 3 juillet 2008, 11:49, par oeil de bison
elle arrive pile poile l’Ingrid ,elle va polarisée le monde médiatique
ET PENDANT CE TEMPS ???? PAR DERRIERE ??? SANS VASLINE ??
A SEC ??? ENTENDRE HURLER DE DOULEUR que de JOUISSANCES ?
,demandez au GI,S et a l’ARMÉE ISRAELIENNE
bonne journée camarade
1. La descente aux enfers, 3 juillet 2008, 15:14
Ingrid aurait dit qu’il lui tardait de retrouver la "douce France". Ben dis-donc, elle va être servie ! Je sais pas si elle va reconnaître notre France de 2002, l’eau ayant coulé sous les ponts depuis son enlèvement ! Aimera-t-elle Sarkozy ?
3. La descente aux enfers, 3 juillet 2008, 12:10
BANQUE - Jeudi 3 juillet 2008
Ses errements américains conduisent UBS à la ruine
Malgré les propos rassurants des autorités politiques, les menaces se font plus précises.
Pierre Pauchard à berne
Hans-Rudolf Merz pense que son travail, sa mission plutôt, est de rassurer. Alors, il essaie de paraître calme, tranquille, maître de la situation. Mais les événements se succèdent et le ministre des Finances ne peut pas ne pas dire son inquiétude. Oui, il est inquiet. D’ailleurs, tout le monde en Suisse l’est. Mais c’est pour ajouter qu’il est aussi confiant dans la stratégie du Conseil fédéral, que les objectifs retenus visent à donner confiance au marché financier. C’est son message distillé mercredi.
UBS dans le collimateur des Américains
Curieux ou heureux pays ! La principale banque est en crise et le ministre des Finances vient parler pendant près d’une heure, devant des journalistes accourus en nombre et alléchés par les événements, de la caisse de pension des CFF et des quatre variantes pour renflouer ladite caisse. C’était au menu de la dernière séance du Conseil fédéral avant les vacances et pas question d’y déroger. Puis, l’épineuse question ayant été disséquée, Hans-Rudolf Merz a répondu aux questions sur la crise.
Le sort de Bradley Birkenfeld, l’ancien gérant de fortune d’UBS, inquiète ou intéresse, c’est selon. Normalement, son procès commence le 13 août prochain devant la Cour de Fort Lauderdale. Côté helvétique, ce serait plutôt l’angoisse. Il y a d’abord eu la demande d’entraide judiciaire. Puis la tension est montée d’un cran. Le ministère américain de la Justice veut qu’UBS dévoile les noms de ses clients américains qui auraient profité des conseils de la banque pour dribbler le fisc américain. Côté américain, c’est l’allégresse. Les autorités, les concurrents et les médias ont la grande banque suisse au bout de leur fusil.
Hans-Rudolf Merz dit que l’affaire est grave. Il y a cette demande d’entraide judiciaire et il a envoyé une délégation à Washington pour bien expliquer les méandres du droit suisse. « Nous sommes prêts à accorder l’entraide administrative. » Quant à cette fameuse liste des clients de l’UBS qui auraient fraudé le fisc américain, le conseiller fédéral ajoute qu’il n’a bien sûr pas connaissance de cette liste de noms, qu’il y a pour le moment soupçon de délit fiscal et pas de preuve. Il rappelle surtout que l’UBS a signé en 2001 les accords de Qualified Intermediary avec les autorités fiscales américaines. Cet accord prévoit que les personnes assujetties au fisc américain fournissent les données concernant leurs gains en intérêts et en dividendes. La question est centrale : l’UBS a-t-elle violé cet accord en aidant des clients à le contourner ? C’est donc, pour le ministre suisse, un problème privé entre le fisc américain et l’UBS. Il ajoute qu’il n’en a pas discuté avec le ministre de la justice ou des finances des Etats-Unis. « Sur ce plan-là, l’affaire, conclut-il, n’a pas atteint le niveau politique. »
Hans-Rudolf Merz avait fait la même interprétation de la situation, mardi, devant les membres de la commission de l’économie et des redevances du Conseils des Etats, présidée par la socialiste bernoise Simonetta Sommaruga. Le sujet à l’ordre du jour était les importations parallèles, mais les sénateurs avaient profité de la présence du ministre des finances pour l’interroger sur le cas américain et la demande d’entraide judiciaire. Après avoir entendu le conseiller fédéral, les conseillers aux Etats expriment leur souci dans un communiqué publié mercredi. « La Commission s’inquiète des éventuelles conséquences négatives de cette affaire pour la place financière suisse et compte suivre la situation avec attention. »
Le ministre se veut toutefois rassurant
Hans Rudolf Merz veut rassurer donc. Il répète que l’UBS a toujours des bases solides. Il entend aussi montrer sa fermeté par une défense constante du secret bancaire. Il entend enfin souligner que le gouvernement a une stratégie. Le conseiller fédéral ne se contente pas d’aligner les séances avec les responsables de la CFB et de la BNS. Encore faut-il bien sûr ne pas prendre des décisions hâtives ou inadéquates. Dans ce contexte, il est juste, selon lui, de demander aux deux grandes banques suisses d’augmenter drastiquement leurs fonds propres. Les experts vont s’étriper, et pas seulement cet été, sur la question. Le conseiller fédéral, lui, persiste et signe. Cela ne se fera pas en quelques semaines. Mais c’est l’objectif du gouvernement et c’est la bonne mesure pour rétablir la confiance des marchés financiers (lire également en page 12)
Pour l’ASB, l’affaire ne remet pas en cause le secret bancaire
L’enquête américaine basée sur des soupçons d’aide à la fraude fiscale par l’UBS ne remet pas en cause le secret bancaire, estime l’Association suisse des banquiers (ASB). Pour elle, le cas est un problème spécifique à la grande banque.
« Selon les informations dont nous disposons actuellement, il ne s’agit pas d’une question touchant au secret bancaire », a dit à l’ATS Thomas Sutter, porte-parole de l’ASB. Le problème « devrait par conséquent pouvoir être réglé en passant par les accords en vigueur d’entraide judiciaire ou administrative » entre la Suisse et les Etats-Unis, selon lui. – (ats)
http://www.agefi.com/Quotidien_en_ligne/detailArticle.php?articleID=314672
4. La descente aux enfers, 3 juillet 2008, 12:38
on nous aurait menti, le modèle capitaliste ne marcherait-il pas
1. La descente aux enfers, 3 juillet 2008, 15:23
C’est normal ce qui arrive, le capitalisme semble toucher à sa fin, selon la courbe de vie toute chose qui "naît", "mûrit" et "meurt" !
Chouette, nous devons repenser nos sociétés et tout le monde doit pouvoir y trouver sa part de "vérité" pour l’exprimer, et inventer un autre système de valeurs socio-économique viable ! Les "jeux" sont ouverts à présent : le communisme ou socialisme a autant sa place et ses chances qu’un capitalisme moribond mais encore tenace ! Reste plus que la raclée mémorable pour réveiller tous les esprits encore endormis ou aterrés !