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La droite en miettes

Publie le dimanche 28 mars 2004 par Open-Publishing

Tout est à refaire à droite : se ressouder, trouver un cap, combattre le Front national, choisir un candidat à la prochaine présidentielle. La droite n’a pas seulement perdu les élections régionales ; c’est toute la stratégie imaginée au lendemain de la reconduction à 82 % de Jacques Chirac qui est en miettes.

Cette déroute prévisible depuis le premier tour impose à la droite une cohabitation avec des exécutifs régionaux massivement dominés par la gauche. Cette cohabitation d’un nouveau genre s’annonce d’autant plus périlleuse pour la droite qu’elle sort morcelée de ces deux tours. Même si François Bayrou a perdu son pari en Aquitaine et si Anne-Marie Camparini doit céder la place en Rhône-Alpes, l’UDF a marqué des points à peu près partout. Le problème c’est qu’elle en a marqués aussi contre son camp.

Le vieux rêve de Jacques Chirac et de ses proches de fédérer la droite parlementaire, à l’image de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou de l’Espagne, ce vieux rêve s’écroule. Les querelles de personnes et le refus identitaire de l’UDF de se dissoudre dans la Chiraquie ont joué leur rôle. Mais l’ambition à vif de François Bayrou n’explique pas tout. Tout se passe comme si les électeurs de droite ne voulaient pas d’un parti unique ni même dominant.

L’UMP, Nicolas Sarkozy en tête, rêvait de réduire le Front national. Elle espérait aussi marginaliser l’UDF dont nombre de dirigeants l’avaient rejoint en 2002. Rien n’y a fait. L’électorat de droite reste structuré selon des lignes de fractures que les historiens connaissent bien : une droite bonapartiste (les héritiers du gaullisme), une droite orléaniste (le centre) et une droite légitimiste, anti-républicaine, dont Jean-Marie Le Pen est aujourd’hui l’héritier.

Ramené à ses frontières naturelles, le parti chiraquien doit en même temps composer avec un électorat qui ne s’est pas diversifié. C’est ce que montre un sondage réalisé après le premier tour pour Le Monde RTL et LCI. Au sein de l’échantillon étudié par TNS Sofres, les plus de 50 ans sont fortement majoritaires parmi les électeurs de l’UMP (60 %). A comparer avec l’électorat de l’UDF (41 % de 50 ans et plus) et de la gauche parlementaire : 41 % également. Plus âgé, l’électorat de l’UMP compte aussi beaucoup de retraités et d’inactifs (57 %) mais peu d’ouvriers et de salariés (19 % au total).

Ces données contrarient l’ambition de l’UMP de devenir un parti entreprenant et populaire. Concurrencé par la percée de l’UDF et l’enracinement du Front national, le parti de Jacques Chirac manque aujourd’hui d’espace. Sociologiquement, c’est la gauche qui prend sa revanche, avec le retour dans son giron des jeunes et de l’électorat salarié.

Le "21 avril à l’envers" dont parle François Fillon, le battu inattendu de dimanche, rappelle à la gauche qu’il y a eu un 21 avril et que l’électorat est plus imprévisible que jamais. Mais il serait suicidaire pour la droite d’attendre un retour de balancier. Elle doit surmonter les divisions qui la minent et dont l’équation se résume à un choix simple : Chirac ou Sarkozy ?

Pour le premier, les résultats de dimanche ont un avant-goût de fin de règne. Comme tous les leaders politiques condamnés par l’âge et menacés par les urnes, il peut choisir de se raidir, de faire comme si de rien n’était. Planera sur les trois ans qui restent avant la présidentielle la perspective d’une nouvelle candidature de Jacques Chirac, la cinquième… Celui-ci peut au contraire choisir de faire passer les intérêts de son camp avant ceux de son clan. Surmontant son aversion et sa rancune à l’égard de Nicolas Sarkozy, se résoudra-t-il à faire appel à lui ? Divisée et battue, la droite ne dispose plus que de cet atout-là. Elle attend que Jacques Chirac joue cette carte ou elle ne comprendra pas.

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