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La grogne de la fonction publique

Publie le vendredi 16 mai 2008 par Open-Publishing
5 commentaires

La grogne de la fonction publique

La grève organisée hier dans la fonction publique, et en particulier à l’éducation nationale, a été largement suivie, et les manifestations de protestation – contre les fermetures de postes annoncées pour l’an prochain notamment – ont rassemblé des foules importantes, en province mais aussi à Paris où quelque 50.000 personnes ont défilé.
De notre correspondant Bernard Brigouleix, Paris

Les chiffres officiels publiés par le ministère de la Fonction publique sont, il est vrai, moins éloquents, puisque l’on évoque, du côté gouvernemental, un peu moins de 29% de grévistes. Soit tout de même, toujours selon les estimations officielles, plus de neuf points de plus que lors des grèves analogues du mois de janvier. Mais surtout, le chiffre est, de l’aveu même du ministère, largement supérieur dans l’Education nationale : plus de 46% de grévistes dans le primaire, par exemple, et 63% selon les syndicats.

Suite en septembre 2009 ?

Ceux-ci considèrent qu’au total, tous secteurs confondus, ce sont environ 60% des enseignants qui ont cessé le travail hier. Leur détermination à ne pas laisser passer sans réagir les 11.200 suppressions de postes annoncées pour la rentrée de l’automne prochain est manifestement sans faille, et même grandissante alors que les manifestations lycéennes, elles, traversent actuellement une évidente période d’accalmie, dont le proche avenir dira si elle était provisoire ou plus durable. L’inquiétude des enseignants est d’autant plus grande que cette première vague de non-remplacements de départs à la retraite pourrait bien être suivie, l’an prochain – en septembre 2009, donc – d’une autre, sensiblement plus large : on parle déjà de 20.000 nouvelles suppressions de postes. Même en comptant que nombre d’enseignants actuellement placés en détachement dans des activités qui ont souvent assez peu à voir avec l’education pourraient être remis en service actif dans les établissements, et les „remplaçants” en attente d’affectation temporaire titularisés dans des postes fixes (ce qui représenterait au total un retour vers les établissements d’enseignement d’environ 23.000 personnes), il est clair que les effectifs de l’enseignement sont appelés à diminuer régulièrement dans l’Hexagone, si le pouvoir va jusqu’au bout de ses projets.

Le grand mal-être des enseignants

D’autres dispositions moins emblématiques du dispositif prévu par le gouvernement passent elles aussi très mal auprès d’une majorité de professeurs. Ainsi de l’instauration d’un service minimum d’accueil des élèves les jours de gève, pour lequel le ministre Xavier Darcos s’appuie sur un sondage montrant – sans surprise ! – que près des deux tiers des parents y sont favorables. Il existe aussi d’autres points de friction. Ainsi des heures supplémentaires et des cours de soutien pour les enfants et adolescents en difficultés, que les syndicats appellent à boycotter et que la fédération de gauche des parents d‘élèves considère comme „un leurre”, de même pour les conditions de travail, dont beaucoup d’enseignants estiment qu’elles ne cessent de se dégrader, en termes de rémunérations et de crédits d‘équipement des établissements notamment. Enfin, et pour s’en tenir aux principales discordances, la plupart des représentants syndicaux estiment que la réforme des organismes de recherche va en fait démantibuler sans réelle nécessité un système qui ne fonctionnait pas si mal. Mais au-delà de ces points relativement précis, et de l’affaire générale de la réduction des effectifs, il y a actuellement en France un immense mal-être chez les enseignants du primaire et du secondaire. Ceux-ci ont le sentiment d‘être de moins en moins respectés, tant par le pouvoir politique que par les élèves ... et leurs parents. Sans même parler des cas d’agressions verbales et même physiques dont certains sont périodiquement victimes, les maîtres d’aujourd’hui évoquent avec nostalgie le temps où, „hussards noirs de la République”, les instituteurs jouissaient du respect et de l’estime de tous, et les professeurs des lycées et collèges plus encore.

Les fonctionnaires montrés du doigt ?

Or face à une dégradation générale de leur image – „ On nous dit toujours que nous avons choisi ce métier à cause du petit nombre d’heures de cours, comme si notre travail s’arrêtait là, ainsi que pour la longueur des vacances et la sécurité de l’emploi”, se plaignent nombre d’entre eux – les enseignants français ont aujourd’hui le sentiment que, loin d‘être protégés et de voir leur mission défendue et exaltée par leur propre ministre, ils sont au contraire montrés du doigt comme au temps où Claude Allègre, alors ministre socialiste de l’Education nationale, évoquait à propos de l’Université la nécessité de „dégraisser le mammouth”. Mais c’est un peu l’ensemble de la fonction publique qui a aujourd’hui ce sentiment d’être montrée du doigt comme improductive et surnuméraire. Ce qui explique d’ailleurs que les manifestations et grèves d’hier n’aient pas touché que l’éducation nationale, tant s’en faut. Au total, ce sont pour l’instant, en comptant celles des enseignants, presque 23.000 suppressions de postes qui y sont déjà inscrites au budget 2008, et quelque 35.000 en 2009. Certes, il ne peut statutairement s’agir que du non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite : les licenciements collectifs sont impossibles dans la fonction publique française. Et certaines réductions d’effectifs peuvent en effet être plaidables, pour des secteurs où l’informatisation des services, par exemple, permet de mobiliser moins de personnel : la Poste, la Sécurité sociale, certains services d’Administration générale ... Mais c’est, plus globalement, toute cette approche très „libérale”, autrement dit très favorable à la réduction du périmètre d’action de l’Etat, qui inquiète en fait les fonctionnaires ... et bien des usagers des services publics.

Messages

  • Certains, y compris sur le site BELLACIAO, n’ont toujours pas compris qu’utiliser le vocabulaire-novlangue de ses adversaires, c’était se condamner à se résigner à subir leur domination ...


    Pourquoi utiliser le terme "grogne" plutôt que le terme colère ?

    • tu voudrais que Bellaciao demande à Taglebatt de changer son titre ?

      ca risque d’etre difficile !

    • Bellaciao n’est pas en cause, dans ce recours compulsif à la novlangue de nos adversaires.
      Je voudrais simplement que, sur un site militant en faveur du mouvement social, chacun relise attentivement ce qu’il publie avant de poster.
      Je sais toutefois que c’est difficile, que ca prend du temps et de l’energie.

    • Je suis d’accord pour dire que le vocabulaire à une importance considérable et qu’il ne fait pas se laisser envahir par les mots vides de sens.

      Merci pour cette remarque qu’il faut toujours avoir à l’esprit quand on publie.

      Il est un fait que le vocabulaire dégénère en se diffusant de plus en plus du haut vers le bas avec les moyens de diffusion écrits et parlés énormes dont dispose le capitalisme.

      Internet pourrait être un moyen de se ré approprier la création et la régénération du sens des mots à la condition d’avoir une attention de tous les instant sur ce sujet.

      JP

    • chacun relise attentivement ce qu’il publie

      tiens, j’ai une pensée pour Lolita :)