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La police et la justice ordinaires

Publie le samedi 29 novembre 2008 par Open-Publishing
13 commentaires

Un ex-PDG de Libération brutalement interpellé à son domicile

Du jamais vu dans une affaire de presse : le journaliste Vittorio de Filippis, qui a été directeur de la publication de Libération de mai à décembre 2006, a été interpellé à son domicile pour une banale affaire de diffamation. Récit.

Recueilli par Eliane Patriarca

Quand il arrive dans les locaux de Libération, ce vendredi peu avant midi, il a encore la trace des menottes au poignet. Journaliste économique, actuellement membre de la direction du journal, Vittorio de Filippis a été PDG et directeur de la publication du journal de mai à décembre 2006. Il vient de passer plusieurs heures, d’abord au commissariat de police du Raincy (Seine-Saint-Denis), la commune où il réside, et plus tard dans la matinée de ce vendredi au tribunal de grande instance de Paris. Avant d’être mis en examen. Il est pâle, fatigué, outré.

« J’ai été réveillé vers 6h40 ce matin par des coups frappés sur la porte d’entrée de ma maison, raconte-t-il. Je suis descendu ouvrir et me suis trouvé face à trois policiers, deux hommes et une femme portant des brassards, et j’ai aperçu dans la rue une voiture de police avec un autre policier à l’intérieur. »

Les représentants de l’ordre lui disent qu’ils ont un mandat d’amener au TGI de Paris contre lui. « J’imagine tout de suite que cela concerne la période de cogérance durant laquelle j’ai été PDG et directeur de publication de Libération en 2006, et je pense à l’affaire Xavier Niel, du nom du fondateur de Free, le fournisseur d’accès à Internet, parce que c’est tout simplement l’affaire la plus récurrente parmi toutes celles dont j’ai eu à répondre comme directeur de publication. Et celle qui a suscité le plus de contacts avec les avocats de Libération, Jean-Paul Lévy et Emmanuel Soussen. »

Xavier Niel a déjà attaqué plusieurs fois en diffamation Libération et le journaliste Renaud Lecadre, auteur d’articles dans le quotidien et sur le site liberation.fr, évoquant les démêlés judiciaires du fondateur de Free.

Vittorio de Filippis a chaque fois été convoqué par la justice car sa responsabilité est engagée : l’article 42 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 dispose que le directeur de publication d’un journal est « l’auteur principal » du délit de diffamation publique envers un particulier alors que le journaliste auteur du papier incriminé n’est que « complice ».

Mais Xavier Niel et la société Free ont été déboutés systématiquement, lors de procès qui se sont tenus au deuxième trimestre 2008. A chaque fois, ils ont en plus été condamnés à verser des dommages et intérêts à Libération pour procédures abusives.

Ce matin, le ton est vite monté entre les policiers et le journaliste, celui-ci leur faisant remarquer qu’ils ont profité de son portail sans serrure pour pénétrer chez lui.

« Habillez-vous, on vous emmène », répliquent-ils en lui interdisant de toucher à son portable dont l’alarme-réveil se déclenche. « Je commence à m’énerver, raconte Vittorio de Filippis. Réveillé par le bruit, mon fils aîné, qui a 14 ans, assiste à toute la scène. Son frère, 10 ans, ne sort pas de sa chambre mais j’apprendrai par la suite qu’il était réveillé et a très mal vécu ce moment… Je dis aux flics qu’il y a peut-être d’autres manières de se comporter. Réponse devant mon fils : « Vous, vous êtes pire que la racaille ! » J’ai juste le temps de rassurer mon fils, de lui dire que je ne suis pas un malfrat et que tout cela concerne le journal et qu’il est en train d’assister à une injustice. Je lui demande, en l’absence de ma femme qui est en déplacement, d’accompagner son frère à l’école et d’aller lui aussi en cours. »

Les policiers emmènent le journaliste au commissariat du Raincy.

7h10. Au commissariat, des policiers lui lisent les motifs de son interpellation. C’est bien de l’affaire Niel dont il s’agit et particulièrement d’un article du journaliste Renaud Lecadre paru sur le site liberation.fr. Après lecture du document, Vittorio de Filippis demande à plusieurs reprises la présence des avocats du journal. Réponse : « Ils ne seront pas là. » Vittorio De Filippis refuse alors de signer quoi que ce soit. « Je suis assis sur un banc, boulonné au sol, dont pendent plusieurs paires de menottes. Face à moi, affichée au mur, la Charte d’accueil du commissariat ».

D’autres policiers demandent au journaliste de vider ses poches. Il s’exécute.

7h30. Trois policiers viennent le chercher, lui demandent de mettre les mains dans le dos et le menottent. Puis ils le conduisent à une voiture et prennent l’autoroute A86. Dans la voiture, les policiers se réjouissent de pouvoir « voir en vrai les bureaux de Navarro ».

8h30. Vittorio de Filippis est emmené dans les sous-sols du TGI au dépôt, « quartier des hommes ».

« On contrôle mon identité puis on m’emmène dans une pièce glauque, avec un comptoir en béton derrière lequel se trouvent trois policiers dont un avec des gants, précise Vittorio de Filippis. Derrière eux, un mur de casiers qui contiennent les effets des personnes « en transit ». On me demande de vider mes poches, puis de me déshabiller. Dans mes papiers d’identité, ils isolent ma carte de presse et la mentionnent dans l’inventaire de mes effets. A aucun moment, jusqu’alors, je n’avais mentionné ma qualité de journaliste ».

« Je me retrouve en slip devant eux, ils refouillent mes vêtements, puis me demandent de baisser mon slip, de me tourner et de tousser trois fois. »

Le journaliste s’exécute puis se rhabille, mais on lui a retiré ses lacets, sa ceinture, la batterie de son portable. et tous ses papiers et effets.

9h30. Les policiers l’accompagnent dans une cellule « qu’ils referment à triple tour ».

« La pièce comporte une table, un rouleau de papier hygiénique, une paillasse en béton sur laquelle sont posées deux couvertures. Dans un recoin, j’aperçois un WC. Je m’asseois sur la table pour éviter les cafards et les mites. »

10 heures. Deux gendarmes viennent le chercher, et l’isolent à nouveau derrière un paravent en béton qui se trouve dans le long couloir bordé de cellules.

Ils lui demandent de se déshabiller complètement.

« Je signale alors que j’ai déjà été fouillé d’une manière un peu humiliante deux heures plus tôt et je refuse de baisser mon slip à nouveau. Bien que comprenant l’absurdité de la situation et mon énervement, ils me répondent que c’est la procédure et qu’ils doivent appeler la juge devant mon refus. Celle-ci leur répond que soit je respecte la procédure et dans ce cas-là elle m’auditionnera et je serai libéré ; soit j’assume mes actes ».

Le journaliste accepte donc de se laisser fouiller à nouveau, de baisser son slip, de se tourner et de tousser.

Rhabillé, il est menotté « mais cette fois avec les mains devant », et escorté par les gendarmes dans les couloirs interminables du TGI, jusqu’au bureau de la juge Muriel Josié, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris.

10 h 40. Dans le bureau de la juge, les gendarmes lui retirent les menottes. La juge, qui « au départ », selon Vittorio de Filipis, « a l’air un peu gêné », lui signifie qu’elle l’a convoqué parce qu’elle a déjà procédé à de nombreuses convocations par courrier dans le cadre de l’affaire Niel et qu’il a toujours été « injoignable ».

Le journaliste lui répond alors que, comme pour chacune des affaires qui concernent des articles écrits par des journalistes de Libération, il transmet les courriers aux avocats du journal. Et il demande alors à parler à ceux-ci. « La juge me demande leur adresse, puis me lit une liste d’adresses d’avocats dans laquelle j’identifie celles de nos avocats ».

Puis Vittorio de Filippis refuse de répondre à toute autre question. La juge s’énerve, hausse le ton. Mais, en l’absence de ses avocats, le journaliste refuse tout échange verbal avec elle.

La juge lui fait signer le procès-verbal de l’entretien et lui notifie sa mise en examen pour « diffamation ». Elle lui demande s’il sera joignable d’ici à la fin du mois de décembre.

Ensuite, les deux gendarmes reconduisent Vittorio de Filipis à travers les méandres des couloirs du TGI — « mais cette fois je ne suis plus menotté ». Ils lui rendent ses papiers et ses effets. Et le libèrent.

11h30. Sur le trottoir devant le TGI, Vittorio de Fillipis appelle immédiatement les avocats du journal et la direction de Libération.

Aussitôt informée, la Société civile des personnels de Libération (SCPL, actionnaire du journal) dénonce, dans un communiqué, « ces méthodes inadmissibles ». « La SCPL veut manifester sa solidarité vis à vis de Vittorio de Filippis, écrit-elle. Nous protestons auprès des autorités politiques et judiciaires. Nous demandons qu’une enquête soit ouverte sans délais sur ces méthodes. »

L’un des avocats de Libération, Me Jean-Paul Levy, dénonce les conditions de cette interpellation, « une première », selon lui, en matière de délit de presse. « Je suis l’avocat de Libération depuis 1975 et c’est la première fois que je vois un directeur de publication faire l’objet d’une interpellation et d’un mandat d’amener », déplore-t-il. « Je suis scandalisé que l’on inflige un tel traitement pour un délit qui n’est pas passible de prison ».

La Société des lecteurs de Libération (SLL), « scandalisée par les méthodes employées par la police judiciaire et la magistrature dans une affaire de presse », s’associe à l’indignation et à la protestation de l’équipe.

Laurent Joffrin, PDG du journal et directeur de la rédaction, s’exprimera demain samedi dans la page consacrée par le quotidien à cette arrestation, sans précédent dans les annales judiciaires.

http://www.liberation.fr/medias/010...

Messages

  • La police et la magistrature de Vichy sont entrain de revenir peu à peu... si tant est qu’elle s aient un jour disparu.

    Le jour où on leur redemandera d’arrêter des Juifs, des arabes, des communistes, francs maçons et autres, ils n’hésiteront pas une seconde.

    Le syndicats de police ne sont que des instruments de collaboration.

  • La Police de Sarkozy fait des dégâts parmis ceux qu’elle doit protéger depuis 2004...

    De plus, tous les jours, ces mêmes policiers font régner l’ordre et le droit selon les régles de l’UMP...

    Bavures policières, abus de pouvoirs et intimidations sont le lot quotidien qu’offre cette Police française nauséabonde...

    Pourtant, devant les puissants et autres amis de Sarkozy, ils rampent tous comme des lâches...

    Je suis content d’avoir quitté cette France où j’ai grandi mais qui ne ressemble plus à rien si ce n’est un état policier aux seuls ordres des puissants...

    ...

  • C’est scandaleux, mais lorsque de plus en plus de journalistes auront été traités comme des "citoyens ordinaires", leurs articles ne seront peut-être pas exactement les mêmes...

  • Bien sûr !

    Ils ont viré PPDA, et d’autres encore !

    Et c’est pas fini avec le sarkonazi !

  • ET vous voulez connaître la suite ?

    C’est pourtant clair, imaginons ce que signifie la phrase jouissivement prononcée par Sarkozy "il va y avoir du sang et des larmes".

    Ils se retiennent encore jusqu’aux fêtes de fin d’année pour exprimer toute leur haine contre les Français.
    Mais d’ores et déjà les arrestations arbitraires se font plus nombreuses, les filatures plus fournies pour échafauder toutes sortes de scénarios afin de construire des fausses preuves qui se tiennent juste un petit peu au cas où les enfermés auraient l’impudence de résister aux interrogatoires...

    Puis les prisons vont être remplies à 150%, l’alimentation des prisonniers va se réduire et personne ne s’en occupera puisque 1 demi millions de chômeurs vont venir grossir les rangs des 4 millions actuels.

    Les gens après être abasourdis vont commencer à réagir, à se mobiliser. Mais les traques des plus enhardis va se renforcer pour casser le mental de ceux qui y pensent mais n’ont pas encore fait le pas.

    Il faut dire que les manifs anti-cpe et anti-lru ont été leur terrain de jeux pour détecter les esprits indépendants de la nouvelle génération.

    ILS piaffent d’impatience et vont embrayer la vitesse suivante. Les collabos sont nombreux et motivés.

    CE que vous vivez au quotidien n’est plus la réalité, juste l’ombre d’une réalité qui n’existe plus depuis 2001.

    • Je suis tout à fait d’accord avec toi ! On est en plein dedans.

      Il semble aussi d’après certains commentaires que certains n’ai pas tout a fait compris ou bien font des amalgames que je trouve un peu bizarre quand même... Ou bien ils font exprès pour dire des choses un peu louches et un peu "réacs" (en un mot : nazes).

      C’est de liberté de la presse, d’intimidation et de censure pour ne pas dire de terreur qu’il s’agit là et le commentaire de Mam et dati disant qu’il n’y a pas eu d’irrégularités dans cette histoire le prouve. Ils ont suivi la procedure.

      Ce n’est pas le gouvernement de Vichy ni les années 40 aujourd’hui et il ne faut pas tout mélanger même si il faut rappeller sans cesse. Les références ne servent pas a ajouter de la confusion à un probleme qui est clair sur le fond mais a argumenter, a rappeller.

      Ce n’est pas non plus le gouvernement de vichy mais c’est le gouvernement sarkosy ajouté à la terreur du fmi et des industriels, des commercants et des marchands en tout genres, des banquiers, des financiers et des assurances.

      La police et ce gouvernement à tous les droits semble t-il et ce qui facilite ce type d’intimidations envers les journalistes mais aussi envers tous les citoyens c’est les lois, la procedure et la quantité de regles qui la définie. Et ca, la procedure, ca reste à l’appreciation de la police qui peut choisir de l’appliquer a la lettre juste dans le but d’humilier dans certains cas ou pas.

      C’est comme la loi, c’est a la guelle du "client".

      Voilà, c’est mon avis

      En attendant ,si tu veux, viens taper le boeuf avec les robots derriere la cour de l’usine pour soutenir les grevistes (à partir de la page musique) united.robots de cette petite planete.

      Ciao Bella

  • Je suis effaré de la teneur de certains commentaires qui tirent à boulets rouges sur les journalistes alorts que pendant le même temps le pouvoir semble décidé à mettre au pas un secteur déja sinistré par la précarité et les concentrations capitalistes. Il existe dans l’industrie automobile des cadres qui participent à l’exploitation des salariés. Ce n’est pas pour ça que tous les employés de l’industrie auto sont des vendus...
    Plusieurs signes devraient inquiéter et mobiliser tous les progressistes.
     Cette arrestation musclée pour un délit de presse (c’est une première)
     La mise au pas des rédacteurs des journaux appartenant à Lagardère
     La réforme de France Télévision
     L’attaque en règle contre le Canard Enchaïné
     La mise en place d’un réseau de contrôle du Net
     La concentration énorme des journaux régionaux (Ouest France d’un côté, l’Est Républicain de l’autre)
     L’irruption des fonds de pension dans le capital des entreprises de presse
     etc...

    La situation est gravissime pour la liberté de la presse.

    Sans doute que quelques nostalgiques de Stalinen s’en réjouiront

    Pas les véritables progressistes

    • ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA PRESSE : Enjeu de société

      Rouge n° 2276, 27/11/2008

      N’en déplaise à Nicolas Sarkozy, la presse n’est pas une marchandise. Face à la concentration des titres, il est nécessaire de défendre le pluralisme et les droits des salariés.

      On a connu le Grenelle de l’environnement. En reprenant le terme de « Grenelle » – du nom de la rue du ministère du Travail, où gouvernement et patronat durent négocier, sous la pression de la grève générale, en Mai 68, avec les syndicats –, Sarkozy et Borloo détournaient déjà le sens d’une vraie négociation, qui n’a lieu que dans un rapport de force construit. Du moins, le monde associatif était-il invité.

      Avec les états généraux de la presse, la parodie de concertation est poussée encore plus loin puisque, pour l’essentiel, les participants sont des patrons. Comment croire à la légitimité d’un processus de relance d’une presse pluraliste, lorsqu’il est décrété par le chef de l’État, inauguré par lui, et soutenu par ses très proches amis (Bolloré, Lagardère, etc.), personnages clés du secteur ? Il suffit de lire les rapports de l’Institut Montaigne et de la députée UMP Danièle Giazzi pour comprendre ce qu’il sortira de ces prétendus états généraux : précarité, flexibilité, déréglementation, concentration.

      Objectifs connus

      Dans un tel cadre, les camarades de la LCR et du NPA travaillant dans le secteur – journalistes, employés, ouvriers – ont cherché à convaincre qu’il fallait boycotter cette comédie et construire une riposte unitaire des salariés, de leurs organisations professionnelles et syndicales, mais aussi des associations de lecteurs et de tous ceux qui s’intéressent à la défense de la liberté d’expression et du pluralisme. Participer sur un strapontin ne faisait que légitimer des mesures décidées à l’avance.

      Sarkozy l’a dit : la presse doit être une marchandise comme une autre, elle doit juste être rentable. Pour ce faire, il doit surgir en France quelques grands groupes multimédias capables de rivaliser avec les plus grands au niveau mondial. Rien de bien nouveau, à vrai dire, cette politique étant déjà à l’œuvre. Mais que reste-t-il du rôle décisif de la presse d’opinion dans une démocratie ? Rien. Elle devrait être remplacée par une presse aux ordres et rentable, touchant des subventions (au nom du pluralisme) bien que les groupes auxquels elle appartient soient parmi les premiers du CAC 40 !

      Les conséquences de cette logique sont lourdes pour les salariés. Pour les journalistes : insuffisante protection des sources, révision du droit d’auteur pour utiliser un article sur différents supports et ne le payer qu’une fois, reprise en main de la Commission de la carte par les patrons, privatisation de l’AFP. Pour les imprimeries, un seul mot d’ordre : réduire les coûts. Cela signifie poursuivre les coupes dans les effectifs (comme si les milliers d’emplois perdus depuis dix ans avaient amélioré la situation des journaux), remettre en cause les conventions collectives, « moderniser » avec des aides financières considérables de l’État. Idem pour la distribution : détruire les emplois à statut des ouvriers NMPP pour précariser le travail en le transférant à la sous-traitance, en toute précarité ; remettre en cause la loi Bichet (qui permet à tous les titres, y compris aux plus petits, une égalité d’accès au réseau de vente) ; aggraver la précarité pour les salariés du transport et pour les porteurs à domicile, ces emplois sous-payés de quelques heures (très tôt le matin) que Sarkozy veut voir se multiplier au nom d’un travailler plus pour tous ceux qui ne gagnent pas assez pour vivre, y compris les retraités ; multiplier les points de vente annexes, en fragilisant un peu plus les kiosques.

      Les éditeurs de presse quotidienne répètent à l’envi que le papier a un avenir, à condition d’offrir un plus : un plus de décryptage, un plus de réflexion, un plus d’opinions. Voilà qui est bien dit ! Hélas, en feuilletant les journaux, on est bien souvent en peine d’en trouver un qui parle d’autre chose que du consensus autour duquel s’articule la vie politique réelle. Dans la presse régionale, la démonstration est poussée à l’extrême, quelques groupes concentrant l’essentiel des titres. Qui ne connaît pas ces journaux qui fusionnent peu à peu leurs moyens au point de publier des dizaines de pages communes ?

      Presse et démocratie

      Défenseurs du libéralisme et de la concurrence, les patrons de presse se bâtissent des empires où la concentration tue la pluralité. À l’inverse, il faut proposer un projet qui permette à une presse pluraliste et libre d’exister. Dans une société régie par la « libre concurrence », nous savons que toutes les libertés sont formelles, au sens où elles sont immédiatement limitées par la question des moyens financiers. La liberté d’expression n’échappe pas à cette règle. Elle nous est pourtant précieuse, pour aujourd’hui et pour demain dans une société socialiste, non seulement parce qu’elle laisse la possibilité, aux esprits critiques et aux révolutionnaires, de s’exprimer (et ce droit est fragile) mais, plus profondément, parce que notre conception de la transition vers une société libérée des lois du marché exige l’action consciente du peuple. Or, il ne sera de peuple conscient et actif que celui qui possédera l’information et la débattra. C’est pourquoi les révolutionnaires préfèrent le combat idéologique à la censure, le choc des opinions au choc des slogans, et ils restent en toutes circonstances les fervents défenseurs de la liberté d’expression, y compris pour les pires ennemis de la liberté, comme le disait le journaliste communard Jules Vallès.

      Aussi, le pluralisme doit-il être organisé et protégé par la loi. D’abord, avec l’interdiction de la concentration des grands médias d’information, quel que soit le support (presse écrite, radio, télé, Internet). À côté d’un secteur laissé à la libre initiative d’individus ou de groupes d’intérêt (social, culturel, cultuel, économique, sportif…), où les droits du journaliste doivent être étendus, nous proposons que soit créé un véritable service public de la presse quotidienne. Depuis l’outil industriel nécessaire à la confection des journaux jusqu’à leur distribution, à prix modique, aux lecteurs.

      Chaque parti politique pourrait ainsi rédiger, imprimer et faire distribuer son quotidien, doté de moyens identiques. Cela suppose la création d’un pool pour la réalisation des pages ; la création de centres d’impression à Paris et en régions, avec la consolidation de la convention collective ; la restauration du rôle des NMPP sur ses principes initiaux, permettant un traitement égal des titres des deux secteurs (service public de la presse quotidienne et secteur laissé à la libre initiative) avec la réintégration de toute la sous-traitance. Cela suppose aussi que La Poste restaure un service public de distribution de la presse, intégrant et développant le portage matinal chez l’abonné, avec de vrais emplois. Cela suppose encore de donner aux kiosquiers, pour en développer le nombre, un statut avec une garantie de salaire ne pouvant être inférieur au Smic et des kiosques modernisés.

      Enfin, nous proposons que cette offre puisse être élargie à des associations ou à des syndicats groupés pour la défense de causes sociales, écologiques, intellectuelles, majeures. Ces principes pourraient, pourquoi pas, avoir une déclinaison régionale. ■

      • À lire : www.encre-rouge.org.

      Jean-Yves Lesage

  • Ce qui est terrible, c’est que cette révoltante affaire nous soit contée par le menu parce que la victime en est un cadre d’un journal du sérail. Choquante cette bavure ! La victime est un ponte d’un quotidien dont Sartre aurait honte s’il revenait.

    La classe médiatique crie "maman bobo" quand, par excès de zèle ou sentiment d’impunité, la Justice et la police aux ordres font à un des siens ce qu’elles font chaque jour à d’autres, pas plus coupables.

    Les menottes dans le dos, les "à poil et tousse", les injures et tutoiements, les gifles aussi sont devenus pratiques routinières. Il suffit parfois d’avoir contesté une banale infraction au code de la route.

    Dans cette affaire, Libé devrait s’abstenir de nous faire pleurer : c’est de sa faute à 50 %.

    Quand est-ce que Libé nous fait un article sur la supériorité de notre démocratie (réelle) comparée à celle de, disons, au hasard, le Venezuela ?

    Libé, c’est un officier du Titanic qui regarde les femmes et les enfants sauter dans l’eau glacée et qui s’insurge contre le manque de canots de sauvetage quand il s’aperçoit qu’il n’y en a pas un pour lui.

    Une suggestion : puisque ce journal a des liens très forts avec Sarko et même avec sa femme, il devrait intervenir auprès d’eux. Et SURTOUT nous tenir au courant (sinon, Libé va intervenir pour son cas et se taire sur la pratique généralisée des abus).