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La relance du nucléaire en Allemagne en question

Publie le samedi 20 janvier 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

La nouvelle présidente de l’Europe, la chancelière allemande Angela Merkel, a tout dernièrement accordé un entretien aux journalistes français C. Ockrent et J.M. Colombani dans le cadre de l’émission de télévision France Europe Express.

Abordant la question des perspectives énergétiques européennes, et après avoir évoqué les menaces sur les fournitures d’hydrocarbures en provenance des pays de l’est, Christine Ockrent, visiblement tout émoustillée, a enfin lâché la question que tout le monde attendait :
L’Allemagne va-t-elle (enfin) revenir sur le moratoire de 2000 et relancer l’industrie nucléaire ?
Apparemment un peu déçus de la réponse négative de la chancelière, les journalistes ont poursuivi en demandant si cette question était taboue en Allemagne.
Angela Merkel, s’est tout d’abord déclarée en faveur de l’énergie nucléaire et très confiante dans les installations de son pays. Elle a expliqué qu’elle devait cependant respecter la décision prise dans le cadre du contrat de coalition sur cette question.
Elle a poursuivi en disant que cette question n’était certainement pas taboue mais qu’en tout état de cause, une politique de l’énergie ne pouvait se ramener à un débat pour ou contre la relance de l’industrie nucléaire.
Après avoir rappelé les contraintes spécifiques de cette industrie, avec en particulier le problème du traitement des déchets non (ou mal) résolus, la dépendance vis à vis de l’uranium qui est une ressource limitée, elle a expliqué aux journalistes un peu gênés, que les français accordaient trop d’importance à cette question et que les allemands quant à eux, préféraient mettre en œuvre un ambitieux programme d’économies d’énergie, d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables.
Elle a insisté sur le fait que ce programme faisait consensus et était très populaire.
Il permettra selon elle, à l’Allemagne de se placer sur un secteur économique aux perspectives prometteuses pour l’emploi et l’innovation technologique.
Ce programme donc sera un facteur d’enrichissement pour le pays et de progrès pour l’environnement.
C’est aussi l’avis des syndicats allemands qui ne partagent pas l’optimisme vigoureux de la C.G.T. quant aux perspectives florissantes qu’offrirait une relance de l’énergie nucléaire.
Nos candidats aux responsabilités politiques seraient bien inspirés d’aborder cette question de politique énergétique (et d’autres) avec le même niveau d’intelligence pragmatique et de sens de l’intérêt général.
Recevoir une leçon d’intelligence et de tolérance de la part d’une personnalité, a priori de droite et réactionnaire, nous fait mesurer par contraste à quel point c’est bien chez nous en France, que règne le malaise et le « tabou » sur la question de notre modèle de production tout nucléaire.

Tant que nos politiques énergétiques n‘auront que ce modèle comme horizon, les quelques éoliennes qui suscitent tant d’émois parmi les chasseurs, ne seront que le cache-sexe d’une fuite en avant et d’un renoncement à engager notre pays dans la mutation énergétique inéluctable qui s’annonce.

Tant que les arguments « Indépendance Nationale », « Effet de Serre » seront utilisés comme des obus tirés depuis une ligne Maginot, la question de nos dérives vers la surconsommation des richesses naturelles sera esquivée, et l’avenir- s’il y en a un- se fera sans nous.

François Dumas.

Messages

  • Ah , merci beaucoup, continuez sur Bellaciao SVP.
    Encore merci de cet article.

    jyd.

  • Monsieur Dumas, j’imagine que vous êtes engagé contre le système néo libéral qui, sous l’impulsion de la commission européenne, détermine les politiques européennes depuis au moins quinze ans. Depuis ce moment là, les dirigeants des principaux pays d’Europe ne font que des politiques d’accompagnement de ce système économique. Depuis ce moment là il y a un véritable moratoire en Europe sur l’engagement de centrales nucléaires.

    Ce système ne veut pas du nucléaire pour la simple et bonne raison que les investissements initiaux sont trop lourds et le retour trop lointain. Et, puis il préfère de beaucoup spéculer sur le pétrole et le gaz, sans aucun souci de préservation des réserves, ni de l’environnement.

    Mme Merkel est un bon serviteur de l’ultralibéralisme, comme l’était Shröder. La continuité de la politique allemande sur le plan énergétique n’est donc pas étonnante.

    Quant à croire à ce qu’elle raconte !

    Parce que cela fait déjà un certain temps que les allemands ont voté la sortie du nucléaire.
    Que se passe-t-il ?

    Le nucléaire continue chez eux comme chez nous. Les allemands envisagent seulement l’arrêt d’une vieille centrale qui arrive en fin de vie. Bêtement, j’appelerais "sortir du nucléaire" le fait d’arrêter toutes les centrales nucléaires dans un délai de 5 à 7 ans ; Laps de temps nécessaire pour remplacer le nucléaire par des énergies alternatives (je n’ose pas dire gaz et charbon !) combiné à un plan d’économies d’énergie. Vous voyez cela en Allemagne ?

    De plus, la référence allemande, déjà utilisée par jyd précédemment pour démontrer ce qu’à votre avis la France devrait faire en matière d’énergie électrique, n’est pas valable :

    1) L’Allemagne peut acheter du courant à l’ouest, nucléaire et hydraulique, comme à l’est, fossile.

    2) La balance commerciale de l’Allemagne lui procure actuellement au moins 12 milliards d’euros par mois, tandis qu’elle nous coûte plus de 2 milliards d’euros par mois dont un bon pourcentage de facture énergétique.
    Alors, pour elle, acheter du courant, n’est pas un problème en ce moment.

    3) L’Allemagne après un gros investissement dans l’Eolien (environ 20 000 MW), qui pose un problème au réseau de distribution (voir 4/11 2006 .. ) est en train de réduire son engagement dans ce domaine. Comme le Danemark d’ailleurs.

    4) Il n’y a aucune commune mesure entre les moyens dont dispose la France en matière de traitement des déchets nucléaires et ceux de l’Allemagne. La France est en fait très en avance sur ces questions, ainsi que sur les problèmes de demantèlement.

    5) Enfin, l’Allemagne continue les recherches dans le domaine de l’électronucléaire, en coopération assez étroite avec la France d’ailleurs.

    Jean-Marie Berniolles

    • Monsieur Berniolles

      L’opposition entre d’une part, - un néo-libéralisme qui serait par nature inapte à gérer l’industrie nucléaire par culture du laisser-faire, emballée dans une bonne conscience écolo à 100 sous, et d’autre part, - un interventionnisme planificateur qui se donnerait les moyens d’une politique énergétique nucléaire sur le long terme, me semble une présentation binaire de la situation qui n’aide pas à avancer dans un débat complexe.

      N. Sarkozy, Angela Merkel, G. Bush, T. Blair, G. d’Estaing sont tous des ultra-libéraux qui sont tous partisans déclarés du nucléaire et oeuvrent dans la mesure du possible à sa reprise.(C’est au moins une chose sur laquelle M.G. Buffet et N. Sarkozy sont d’accord.)

      Dire que le moratoire sur le nucléaire n’est qu’un laisser-fairisme inconséquent qui revient à piller les réserves naturelles sans penser au lendemain, est méconnaître l’investissement financier, humain, social et technologique que représentent les politiques énergétiques qui accompagnent ce moratoire.

      Le problème n’est pas de savoir si l’Allemagne sort ou non du nucléaire. L’intérêt de mon point de vue, est que les allemands ont su s’accorder sur un consensus qui ne lèse personne, qui permet de garder les options ouvertes et de mettre en pratique une approche nouvelle de la question énergétique tout en maintenant les acquis d’un productivisme classique.

      Il n’y a pas de raison de ne pas croire A. Merkel car cette nouvelle approche de la question énergétique est déjà une réalité. Ainsi en Allemagne, le secteur des énergies renouvelables a créé 170 000 emplois (et 250 000 sont prévus d’ici 2010) contre 40 000 pour le nucléaire avec un volume de production équivalent. (Selon un responsable syndical Attac Allemagne)

      Les énergies renouvelables ne sont qu’un aspect de cette nouvelle approche.

      La question fondamentale est celle posée par le rapport « Facteur 4 » commandé par le Club de Rome il y a maintenant 10 ans : comment augmenter de 2 fois le bien-être de l’humanité en consommant 2 fois moins de ressources naturelles.
      Il s’agit donc de multiplier par 4 la productivité des ressources naturelles et donc, de passer d’une culture du productivisme à une culture de la productivité.

      Là, se trouve notre salut et force est de reconnaître que le choix du tout nucléaire à la française qui pousse à la surproduction et à la surconsommation (avec en particulier le gâchis organisé que représente la promotion du chauffage électrique), ne va pas dans le bon sens. (Faut-il rappeler que l’uranium est aussi une ressource limitée ?)

      C’est donc bien d’un débat de société dont il s’agit.
      Il y a plusieurs façons d’être libéral, comme il y a plusieurs façons d’être anti-libéral.
      L’étiquette ne vaut pas débat, et ce débat on l’attend toujours, que ce soit dans ce qui reste de nos collectifs anti-libéraux qui ne sont pas fichus de regarder dans un dictionnaire ce que signifie le mot « consensus », que ce soit au niveau national où de pseudo débats publics sans enjeu, ne servent qu’à justifier la relance du nucléaire et bafouent notre démocratie.

      Ce débat pourrait commencer par cette question :
      Comment redimensionner le service public de l’électricité dans le cadre d’une décentralisation de la production et de la gestion des ressources, décentralisation incontournable pour une mise en œuvre de l’efficacité énergétique et le développement des renouvelables. ?
      Comment organiser la cohérence entre les deux types de productions (centralisée et décentralisée) avec des référents locaux (type régies) qui auront la mission de fournir une production constante (en panachant différentes sources renouvelables avec du conventionnel) ?

      Pendant que nous nous battons comme des chiffonniers et que nos vaillants chasseurs alimentent la chronique des chiens écrasés avec des rumeurs d’attentats à l’éolienne, nos voisins trouvent tranquillement des réponses à ces questions et doivent parfois douter de notre sérieux.

      Quelques points pour terminer :

      Le Danemark produit 65% de son électricité par cogénération (dont 24%en biogaz) et 15% en éolien (étude « un courant alternatif pour le Grand Ouest ») alors s’il réduit son engagement dans l’éolien, ce dont je n’ai pas entendu parler (vos sources ?), c’est peut-être qu’il n’a plus de gros besoins, ce qui ne l’empêche pas de rester leader mondial dans ce domaine.

      Pour la panne de Novembre : dès le lendemain J.M. Sylvestre, le chantre de la mondialisation heureuse et des marchés financier (il ne s’y connaît pas plus que vous ou moi en énergie) mettait en cause les éoliennes et en profitait pour stigmatiser l’Europe de ne pas vouloir adopter le modèle énergétique français. Tant de précipitation et d’opportunisme font paraître la ficelle un peu grosse. Cela rappelle le fameux nuage de Tchernobyl que nos décideurs avaient stoppé uniquement par la force de leur désir. Attendons le rapport définitif (qui j’espère ne sera pas celui de R.T.E) avant de saisir les moindres prétextes pour dénigrer.

      Pour la facture énergétique source de déficit de la balance commerciale : nous sommes parfaitement d’accord et cela relativise l’argument de l’indépendance énergétique avancé par les partisans du tout nucléaire.

      Quant au fait que la France soit leader dans le domaine du démantèlement et du « retraitement » des déchets cela ne fait aucun doute.
      Le problème c’est qu’elle risque de le rester très longtemps, ... peut-être des siècles.

      Qui peut dire ce que sera la France dans un siècle ?

      François Dumas

      .

    • Lorsque l’on vous voit émettre des affirmations péremptoires telles que : l’uranium est une réserves énergétique limitée (les réserves s’expriment en coût d’extraction et dans les faits il y a déjà pas mal d’uranium notamment sur les fonds marins, mais avec les réacteurs rapides on peut brûler du plutonium (réserves d’uranium x 60 au moins et le thorium, soient plusieurs centaines d’années) on ne peut comprendre que vous déclariez ne pas vous y connaître en matière énergétique !

      Si c’était mon cas je m’abstiendrais d’écrire sur le sujet.

      Pour le reste :
       le système néo libéral rejette le nucléaire parce que, en fonction des investissements nécessaires, le gain n’est pas assez rapide. C’est aussi une vieille histoire marxiste de capital constant.

       Ce que vous dites sur le DK montre bien que c’est un gros pollueur CO2. (Biogaz ne veut pas dire sans émission CO2). Tout investissement éolien nécessite un appoint important en fossile.. ou nucléaire.

       C’est un fait que l’Eolien pose un sérieux problème au réseau classique.

       Il faut servir à d’autres cette histoire d’arrêt des vents chargés d’aérosols radioactifs aux frontières de notre pays. On ne peut pas dire cela (Le professeur Pellerin a déjà gagné plusieurs procès contre Mamère et autres) et affirmer en même temps que les doses d’activités mesurées sont trop faibles. (Il faut reconnaître et d’ailleurs ça l’est officiellement, que le maillage des mesures n’était pas totalement satisfaisant parce que trop lié aux installations nucléaires nationales)

       Il faut plus d’électricité dans les transports si l’on veut vraiment limités les rejets GES.

      Jean-Marie Berniolles