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La représentation difficile des Italiens à l’étranger

Publie le mardi 13 mars 2007 par Open-Publishing

de Enrico Pugliese Traduit de l’italien par karl&rosa

Les récents évènements concernant le vote de confiance au Sénat et le rôle déterminant du sénateur Pallaro, élu en Amérique du Sud sur la liste des "Associations italiennes dans le monde", pousse à des réflexions ultérieures sur la question du vote des Italiens à l’étranger en général.

Dans le monde de l’émigration – dans les associations de droite, de centre et de gauche, catholiques et laïques, nouvelles et anciennes, nationales, régionales et communales – il y avait depuis longtemps une orientation très favorable à une loi à ce sujet. La loi – critiquable à plusieurs égards – a quelques aspects méritoires. Avant tout, elle donne aux citoyens italiens qui ont dû quitter leur pays la possibilité de s’exprimer sur les problèmes qui les intéressent directement (prévoyance, assistance, conditions pour le retour etc.) ou en tant que citoyens en général.

L’avis de M. Berlusconi est qu’ils ne devraient avoir aucun droit de vote parce qu’ils ne payent pas de taxes. Il s’agit là d’une vieille théorie. Au XVIIIème siècle on pouvait considérer comme révolutionnaire le fait de lier la représentation politique au payement des taxes et de faire chavirer dans la mer les bateaux chargés de thé en soutenant "No taxation without representation".

Mais on a fait ensuite quelques pas en avant et je pense que le droit de vote revient aussi aux pauvres diables, même s’ils sont des émigrants. Je trouve donc incompréhensibles les affirmations du camarade Ramon Mantovani, selon lequel il s’agit « d’une loi qui se base sur la démagogie et la désinformation » et que « si les immigrés qui payent les taxes en Italie n’ont pas le droit de vote, je ne vois pas pourquoi les Italiens résidents à l’étranger devraient l’avoir ».
Je suis, hélas, obligé de répéter que la loi n’étend pas un droit à ceux qui n’en jouissaient pas mais qu’elle permet seulement qu’on l’exerce différemment (plus ou moins comme dans les autres pays civilisés).

Ensuite, pour des raisons diverses, aux élections de 2006 cela s’est mieux passé que prévu. En dehors du fait que le droit de vote aux émigrants doit aussi être reconnu quand ils choisissent Pallaro – et se laissent représenter à la manière démocrate-chrétienne par son rassemblement corporatiste – on doit dire que le choix électoral a été différent et a choisi le camp des démocrates. En effet les électeurs – localisés, justement parce que ce sont des émigrants et pas des arrière petits-enfants d’émigrants, particulièrement en Europe – ont fait majoritairement un choix – pour ainsi dire – de classe.

Et il y a plus. Même le mécanisme électoral a fini par être plus démocratique grâce à l’existence du vote de préférence. Si on examine à l’intérieur de l’Unione la situation politico sociale on remarque qu’en général les plus actifs et les plus représentatifs ont été élus. La patrouille des parlementaires du centre-gauche est constituée par des gens ayant travaillé méritoirement parmi les Italiens émigrés en Europe et aussi outre-mer : des personnes liées aux institutions de solidarité, aux associations d’émigrants, aux institutions catholiques et laïques qui se sont investies historiquement dans l’intérêt de cette partie moins favorisée de la population italienne qui a essayé de se construire un avenir à travers le chemin de l’espoir, rhétorique à part.

La question ouverte concerne le type de représentation et le type de drapeau qu’on promeut. Tremaglia et la droite ont aussi été battus parce que la thématique qu’ils agitaient le plus a été celle du corporatisme, du nationalisme et de la rhétorique patriotarde : de l’identité culturelle, comme le diraient les postfascistes dans le Cnr. Les autres ont su miser sur des thématiques plus concrètes : moins de Duce et plus de retraites, moins de romanité et plus d’écoles.

Entendons-nous bien : pour le moment cela s’est bien passé, mais il n’est pas dit que cela se passera toujours ainsi. Beaucoup de choses dépendronta à l’avenir d’une large série de variables : le comportement des élus, le rapport avec les associations, l’action de ces dernières, l’effet médiatique des comportements et des prises de position. Et puis il faut considérer l’action du gouvernement en général et en référence aux instances dont il est porteur. Tout cela avec un lourd élément de complication représenté par le fait que les députés élus à l’étranger sont des représentants d’un camp qui n’est pas seulement défini territorialement, mais aussi socialement : les émigrés.

Après la juste autocritique à cause du mépris vis-à-vis des émigrés votants, il serait maintenant très dangereux de se reposer sur des lauriers. Enfin – et ici entre en jeu l’hétérogenèse des buts – il ne faut pas non plus sous-estimer certains éléments absolument hasardeux ayant favori l’Unione et le gouvernement Prodi. Théoriquement, juste pour rendre la chose encore plus compliquée, le système électoral à l’étranger contient aussi, outre la persistance des préférences, quelques autres vieux éléments, c’est-à-dire le caractère proportionnel. Mais ce même caractère est à son tour automatiquement contredit dans les situations où l’on peut élire un seul parlementaire.

En ce cas, par définition ceux qui se rassemblent gagnent : comme l’ont justement fait les partis de l’Unione tandis que Tremaglia et Berlusconi sont partis chacun pour son compte. Ce qui ne signifie pas qu’ils feront la même chose la prochaine fois : la leçon est facile à apprendre. Il y a ensuite des problèmes concernant tout le camp de la représentation des Italiens à l’étranger. Personnellement, mon avis a toujours été que ce qui tranche est la différence entre « les citoyens italiens résidents à l’étranger » et « les Italiens dans le monde », c’est-à-dire des personnes qu’on peut considérer comme appartenant à une sorte de diaspora italienne par rapport à leur origine et à l’identification avec leurs racines nationales et culturelles. Naturellement, seuls les premiers votent. Et c’est juste ainsi. Mais même de ce point de vue les choses sont un peu plus complexes qu’on peut le penser à première vue.

Et surtout, récemment elles sont en train de se compliquer. Les titulaires de la nationalité italienne à l’étranger changent vite (des centaines de milliers chaque année). Beaucoup disparaissent pour des raisons naturelles (les émigrants les plus âgés) tandis que certains autres accèdent à la nationalité du pays de résidence. Mais il y a aussi ceux qui naissent à l’étranger en tant que citoyens italiens et ceux qui réacquièrent la nationalité italienne à laquelle ils avaient déjà le droit (un phénomène qui aura tendance à augmenter). En outre, les associations des Italiens à l’étranger et même le travail à l’étranger d’institutions italiennes de solidarité (Inca, Acli, Filef, Colonie Libere etc.) n’ont aucune orientation discriminatoire vis-à-vis des ex-citoyens. Tout cela sans considérer le nombre croissant de personnes ayant la double nationalité.

En somme, la question est plutôt difficile et les intérêts et les problèmes de représentation s’entremêlent. Mais peut-être peut-on avancer un peu si – plutôt qu’opposer les droits des immigrés à ceux des émigrés – on prend acte des intérêts généraux et communs des migrants dans la société globalisée, en commençant par les droits sociaux de citoyenneté des travailleurs étrangers résidents, qu’ils soient Marocains en Italie ou Italiens en Allemagne.

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