La révolution culturelle selon Sarkozy

Le candidat UMP propose un programme libéral-sécuritaire inspiré des recettes du passé.
La révolution culturelle selon Sarkozy

par Christophe GIRARD et Eric FERRAND

Christophe Girard
adjoint au maire de Paris chargé de la culture
et
Eric Ferrand adjoint au maire de Paris chargé de la vie scolaire et de l’aménagement des rythmes scolaires.

Culture, éducation, que veut le candidat Nicolas Sarkozy ? A quelques jours d’intervalle le président de l’UMP a délivré à ses amis et aux Français ses pensées et ses visions sur l’éducation et la culture. Le tableau dressé est alarmant, les solutions préconisées inquiétantes pour notre république. Elles relèvent de la plus pure idéologie libérale, puisque c’est le marché omnipotent qui déciderait de presque tout, et rappellent plus une « France d’avant » qu’elles ne préparent la France de demain.

Car, en guise de rupture, c’est un programme profondément conservateur, qui se maquille sous les attraits du marketing, pour prôner un individualisme forcené, bien loin des valeurs de solidarité et de fraternité qui sont au coeur de la culture et de l’éducation françaises.

Le ministre de l’Intérieur travestit les faits, noircit la réalité, oubliant à l’occasion qu’il est un acteur omniprésent de la scène politique depuis plus de quinze ans, et, à ce titre, coresponsable à part entière de la situation qu’il décrit.

Ainsi, il n’est pas sérieux d’affirmer que « la démocratisation de l’accès à la culture est l’échec incontesté de nos politiques culturelles depuis cinquante ans ». A qui fera-t-on croire ce genre de sentences péremptoires alors que la décentralisation culturelle, pour ne citer qu’un exemple, oeuvre de nombreux gouvernements de gauche mais aussi de droite (André Malraux, Michel Guy), a fortement contribué à un dynamisme culturel que beaucoup de pays européens nous envient.

Et que propose Nicolas Sarkozy ? « Un vrai programme d’éducation culturelle et artistique à l’école », alors même qu’il a été le ministre du gouvernement qui a condamné les projets artistiques et culturels à l’école et notamment les classes à projet artistique et culturel (PAC), lancées avec grand succès par Jack Lang et Catherine Tasca en 2000.

Le sarkozysme, souvent schizophrène, espère prospérer sur les terres abîmées par la politique des gouvernements Raffarin et Villepin. Et, de cette politique de 60 000 emplois supprimés depuis quatre ans dans les établissements scolaires (politique qui a fragilisé et découragé une partie de notre système éducatif et préparé sa privatisation), le président de l’UMP tente aujourd’hui de tirer les dividendes.

Nous voilà bien aux confins de l’hypocrisie et de la démagogie. Et pour séduire la France populaire, telle que l’imagine le président de l’UMP, une bonne dose de réaction ne saurait nuire.

Le procès du modernisme n’est-il pas la meilleure façon de contenter « le peuple » : « Admettons que le modernisme et la nouveauté ne sont pas les seuls critères de l’esthétique, que l’on est allé trop loin dans certains domaines. » Voilà le programme de la « France d’après » en matière culturelle : la chasse aux avant-gardes. Le chantre de la rupture en appelle à la révolution conservatrice. Nicolas Sarkozy aurait-il comme modèle George W. Bush ?

De même, l’éducation gratuite et obligatoire ne serait plus un droit pour tous les citoyens mais « une main tendue par l’Etat », financée « par les impôts de ceux qui se lèvent tôt le matin pour travailler ». C’est dire combien sous le président Sarkozy l’accès aux savoirs serait un droit précaire, et la préférence nationale une préférence matinale.

Nous sommes bien dans les recettes du passé. Il suffit pour s’en convaincre d’égrainer le programme éducatif de l’UMP.

Suppression de la carte scolaire et des zones d’éducation prioritaire, mise en place d’un système de concurrence généralisé entre les établissements scolaires, détection des futurs délinquants dès l’âge de 3 ans. C’est un programme libéral-sécuritaire qui remise l’égalité des chances au rayon des chimères et la solidarité au rebut. Un catalogue de solutions inspirées des grandes heures du thatchérisme, qui sont désavouées partout où elles ont été mises en oeuvre.

Le projet du candidat Sarkozy culmine dans la constitution d’un grand ministère « des Médias de la Culture et de l’Education, aux capacités stratégiques supérieures », qui pourrait ainsi être entièrement dévoué aux volontés des marchés des médias, de la culture et de l’éducation.

Cette idéologie nouvelle est un néoconservatisme qui rêve de partager la France entre ceux qui se lèvent tôt et paient forcément des impôts et... tous les autres. La France a tout au contraire besoin de se rassembler autour d’un projet républicain, dont la culture et l’éducation seraient le pivot central. La gauche doit se saisir rapidement de cette mission car il y a urgence à contrecarrer les desseins inquiétants de l’UMP et de son président.

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