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La riposte ou la révolution ?

Publie le samedi 29 décembre 2007 par Open-Publishing
9 commentaires

N’acceptant pas de me résigner face aux ravages du capitalisme, j’ai adhéré au PCF il y a environ deux ans, pour rejoindre ceux qui luttent contre ce système, ceux qui n’acceptent pas la fin de l’Histoire et proposent une alternative.

Aujourd’hui je m’interroge : le PCF est-il la bonne organisation pour lutter contre le capitalisme ? Que lui manque-t-il ? Que faudrait-il faire ?

Les paragraphes qui suivent proposent quelques réponses à ces questions, avec l’espoir de susciter un dialogue et des réactions pour élaborer les projets dans lesquels des militants comme moi auront envie d’investir leur temps et leur énergie.

Le PCF est-il encore révolutionnaire ?

Au-delà des références théoriques, l’organisation PCF n’a aujourd’hui plus aucune stratégie révolutionnaire, à savoir une idée concrète des actions à mener pour réellement bouleverser la société et ébranler le capitalisme. Même si sa base militante est d’une richesse politique extraordinaire, son encadrement et sa direction nationale ne proposent aujourd’hui comme seul horizon que "la riposte". Cette stratégie est une impasse. Elle est totalement passive. On subit le rythme des coups de l’adversaire, on le laisse choisir son terrain (qui change tous les 10 jours), on épuise petit à petit toute crédibilité politique et surtout on ne construit rien. Le tout en implorant le PS de nous aider à conserver quelques élus. Pitoyable.

Pendant que les professionnels de la politique font mine de chercher notre projet et les formes politiques qu’il conviendrait d’adopter (surtout pour leur assurer un avenir personnel), les militants ne se posent pas ce genre de questions (les réponses sont connues), mais se demandent plutôt que faire concrètement aujourd’hui.

L’urgence et la possibilité d’une stratégie révolutionnaire !

Prenons du recul. Choisissons notre combat. Contre-attaquons. Avec trois impératifs :

 Choisissons notre rythme et notre terrain, prenons l’initiative.
 Inscrivons-nous dans la durée, indépendamment du calendrier électoral.
 Gardons toujours une perspective réellement révolutionnaire : notre objectif est de bouleverser en profondeur la société, pas de jouer les dames patronnesses.

L’une des clés absolument essentielles est de combattre concrètement, par la preuve, l’idée qu’il n’y aurait plus d’alternative : nous devons faire du communisme maintenant. Pour y parvenir, il faut attaquer le capitalisme au cœur, en déstabilisant les piliers sur lesquels il s’appuie. Cette stratégie pourrait s’articuler autour de trois axes :

 La révolution dans les têtes : la fraternité contre la peur.
 La révolution dans les villes : les coopératives contre la plus-value capitaliste.
 La révolution dans les campagnes : l’agriculture naturelle contre la malbouffe.

Même si le pouvoir institutionnel reste un objectif car lui seul permet de modifier en profondeur certaines règles, nous allons voir qu’il est possible d’agir tout de suite et très concrètement dans ces trois axes, pour créer une dynamique autrement plus efficace que l’impasse mortifère que représente la stratégie avant tout électoraliste dans laquelle s’est enfermé le PCF depuis 20 ans.

La révolution dans les têtes : la fraternité contre la peur

La peur du chômage. La peur de la rue. La peur des jeunes. La peur de tomber malade. La peur des banlieues. La peur des étrangers. La peur de la Chine. La peur des autres.

Cultivée par les médias (comme l’a brillamment montré Michael Moore), la peur est le terreau dans lequel prospère le "libéralisme" : elle favorise le repli sur soi, sur l’individu.

Combattre la peur, c’est assécher le terreau idéologique du capitalisme. Et on peut la combattre :

 D’abord en la nommant, en la montrant du doigt. Ce qui suppose des campagnes de communication frappantes, imaginatives et décalées. Ca ne coûte pas cher mais ça suppose d’accepter de prendre des risques.

 Ensuite en affirmant que la peur n’est pas une fatalité, car les solutions existent. Ainsi, c’est pour ne plus avoir peur des conséquences sociales de la maladie que les travailleurs se sont dotés de la sécurité sociale à la Libération. Et si le patronat s’est appliqué depuis à la démolir petit à petit, en espérant en venir à bout définitivement ("refermer la parenthèse du Conseil National de la Résistance"), c’est bien sûr pour reprendre en main ce secteur économique, mais c’est aussi pour raviver cette peur et casser cette solidarité.

 Enfin, en mettant en place très concrètement des actions de rencontre et de solidarité, pas pour "faire du social" mais pour apprendre à se connaître et restaurer le sentiment de fraternité entre les travailleurs, le meilleur antidote de la peur. Quelques exemples : la marche pour l’emploi organisée par les communistes du Nord – Pas-de-Calais, l’Appel aux Sans Voix (http://www.appelauxsansvoix.org), des permanences d’écrivain public, etc. A l’opposé du caritatif, c’est la dignité de lutter ensemble qu’il faut restaurer.

Dans un deuxième temps, quand nous aurons (re)trouvé une audience importante, on peut imaginer de constituer des services publics alternatifs pour reconstruire les mécanismes populaires de solidarité que le capitalisme débridé aura démolis.

La révolution dans les villes : les coopératives contre la plus-value capitaliste

A la base du capitalisme, de l’accumulation du capital financier, il y a l’extraction de la plus-value sur le travail salarié. C’est le moteur du système. On peut s’y attaquer dès aujourd’hui, en favorisant le développement des coopératives, les SCOP (Sociétés Coopératives Ouvrières de Production).

Les SCOP, c’est autant de salariés dont le travail ne vient pas grossir le capital. C’est une partie de la production qui échappe aux logiques purement financières. C’est une preuve concrète que l’on peut produire autrement, que la démocratie sur le lieu de travail n’est pas contradictoire avec l’efficacité économique. C’est la subversion au cœur du système.

On peut agir concrètement :

 Créer un site Web de promotion des SCOP, avec une notation et un label décerné aux plus "révolutionnaires", une rubrique emploi, une bourse aux projets, des témoignages, le calendrier des fêtes (voir ci-dessous), etc.

 Constituer un réseau de soutien juridique et de formation : aide à la reprise d’une entreprise par les salariés, aide à la création.

 Organiser des fêtes ! Chaque salarié qui abandonne le secteur capitaliste pour rejoindre le secteur coopératif est une victoire : cette victoire doit être fêtée. On peut même imaginer une cérémonie à la manière des baptêmes républicains, pour souligner la portée subversive et révolutionnaire de chacun de ces petits événements. Ces fêtes seraient une réponse (parmi d’autres) à la perte du lien social et aux ravages qu’engendre l’absence de rites de passage dans notre société (mais ça c’est un autre débat !).

Aujourd’hui, en France, il n’y a que... 36 000 salariés travaillant dans des SCOP ! Faisons tout pour que ce chiffre soit multiplié par 10, par 100, et ceux d’en face commenceront alors à vraiment s’inquiéter ! Quand ils tenteront de réagir, par exemple en légiférant contre les SCOP, nous aurons gagné : la mobilisation sera immédiate et... ils seront venus sur le terrain que nous aurons choisi.

La révolution dans les campagnes : l’agriculture naturelle contre la malbouffe

L’agriculture industrielle constitue un axe essentiel du développement du capitalisme. Elle est aliénante tant dans ses modes de production (nouveau prolétariat agricole) que dans ses conséquences (destruction de l’agriculture vivrière et de la paysannerie) et même dans ses produits : la malbouffe est en elle-même une forme d’aliénation qui touche les plus pauvres et anéantit leur santé.

Même si la finitude et la fragilité de notre environnement n’étaient pas aussi palpables à son époque, Marx lui-même l’avait déjà affirmé : le capitalisme c’est aussi la surexploitation des ressources naturelles.

Promouvoir le développement d’une autre agriculture dans nos campagnes, c’est aussi semer les graines de la révolution ! Et les solutions existent. Je pense en particulier à l’agriculture naturelle, mise au point par le Japonais Masanobu Fukuoka. Cet ancien microbiologiste a consacré toute sa vie à mettre au point une méthode d’agriculture obtenant des rendements comparables à ceux de l’agriculture dite "moderne", mais sans mécanisation, sans chimie, sans surexploitation des ressources... ni du travail humain ! Et il ne s’agit pas de théorie, mais d’expérimentation pratique menée dans sa ferme pendant des dizaines d’années. Simple paysan, Fukuoka a d’ailleurs eu le tort d’écrire des livres et de donner des conférences pour faire connaître sa méthode. Ceux d’en face ne s’y sont pas trompés : l’armée japonaise (carrément !) a détruit ses cultures et saisi ses semences.

On pourrait ainsi :

 D’un côté, mener des campagnes pour dénoncer les méfaits de l’agriculture industrielle, mais en mettant en évidence leur dimension politique et leurs conséquences sur la société.

 De l’autre, promouvoir des démarches comme celles de Fukuoka, susciter ou appuyer des expérimentations, pour montrer là aussi qu’une alternative est possible.

Le rôle déterminant des élus

Avoir des élus peut parfaitement s’inscrire dans le cadre d’une telle stratégie, mais il s’agit alors d’un moyen (parmi d’autres) de démultiplier et d’accélérer les actions menées. Toutefois, ce moyen n’est en aucun cas central, et ne saurait prendre une importance démesurée au point de devenir... une fin en soi.

La dimension internationale

Dans toutes ces actions, la dimension internationale doit systématiquement être développée.

Des coopératives se sont développées dans d’autres pays, en Amérique du Sud mais aussi en Europe même. Tisser des liens privilégiés avec elles est essentiel, pour partager des expériences mais aussi pour mettre en place des coopérations industrielles et commerciales, ou encore travailler ensemble la question du protectionnisme et de la mondialisation.

De même, des projets d’agriculture naturelle voient le jour aux Etats-Unis ou en Australie, ils constituent de précieuses références et des appuis indispensables pour développer cette alternative en France.

Bon alors, faut-il rendre sa carte ?

Ce ne sont là que quelques pistes et suggestions d’actions concrètes que l’on peut mener dès aujourd’hui. A partir de là, plusieurs hypothèses se présentent pour lancer ces initiatives :

 Doit-on ou peut-on les lancer dans le cadre du PCF ?
 Faut-il créer une autre organisation pour mettre en œuvre cette stratégie ?
 Ou plutôt constituer un réseau ouvert, axé sur chaque action, en invitant les militants du PCF (et d’ailleurs) à s’investir dans les actions opérationnelles qui seront imaginées ensemble ?

Qu’en pensez-vous ?

Mouton Noir
http://alter-politique.blogs.com

Messages

  •  le principal obstacle à ces réalisations est le manque de sens de l’organisation, aussi cet article est pas mal ;
     la libre concurrence fait qu’on a le droit de créer une coopérative à but non lucratif ou social ;
     le caractère non lucratif est ce qui permettrait de rivaliser de façon indéniable contre les marchands ;
     toute la stratégie logistique d’une coop tiendra aux bienfaits de l’informatique ;
     une suggestion serait de modifier légèrement le fonctionnement de ces coops (http://fr.wikipedia.org/wiki/Scop) : il doit y avoir un système de membres qui achètent des parts et peuvent retirer leur gage sous forme de produits finis (ce qui équivaut à des achats groupés donc moins cher et directement chez les producteurs sans intermédiaires) ;
     les travailleurs n’auraient pas à en acheter (puisqu’il y travaillent) ;
     le champ d’action doit être orienté vers le social, avec un système de retraite, de redistribution équitable, de presse et de droits d’auteur libres (sans but lucratif toujours) ;
     des parts pourront être octroyées par vote aux activités humanitaires ou culturelles ;
     une banque gratuite pourra être mise en place (c’est juste une base de données sécurisée) ;
     des biens publics pourront être produits ;
     le but est d’entrer en concurrence avec l’état français en montrant qu’une bonne gestion rationnelle et équitable est possible, si on n’est pas orienté vers le but lucratif.
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    • Merci pour ces pistes et suggestions.

      Un point important toutefois : je pense qu’il ne faut pas s’enfermer dans le secteur "non lucratif" ou "social". C’est le gros écueil dès que l’on parle de coopératives : on se retrouve vite enfermé dans le solidaire ou le social, alors que ce qui me semble essentiel, et d’une portée politique plus forte, c’est justement de développer des coopératives dans le secteur industriel ou marchand "classique", mais avec d’autres rapports de production et d’autres logiques de développement. C’est ça qui est vraiment subversif. Des expériences intéressantes ont eu lieu dans de domaine, et pas qu’en France. Je pense notamment à l’Argentine.

      Mouton Noir

  • Les SCOPs par le fait qu’elles retirent des travailleurs à l’exploitation directe, qu’elles entrainent les travailleurs à la gestion et au contrôle, sont la démonstration vivante que de telles structures sont plus respectueuses des hommes et des femmes, et largement aussi efficaces que des entreprises capitalistes.

    Elles sont très précieuses et méritent effectivement un développement plus intense. Et un appui des forces politiques et syndicales de "lutte de classe".

    En sachant bien évidemment que ces types de structures évoluent dans une société capitaliste et que cette situation est le principal levier qui favorise dedans l’autonomisation des dirigeants, des échelles de revenus exacerbant les différences entre travailleurs, une faiblesse en termes de capitalisation, de fonds de roulement (même si des progrès ont eu lieu) et un environnement en grande partie hostile (les entreprises capitalistes tiennent quand même le haut du pavé).

    Les SCOP sont un appui précieux dans la propagande pour une autre société, en tenant compte de ce qu’on ne peut leur demander d’être .

    Coaps

  • cher Mouton Noir,

    merci de ta lucidité ;

    ces perspectives sont mises en oeuvre et etudiées notamment sur le site :

    cooperatives municipales

    http://jeanzin.free.fr/wiki/index.php?title=Accueil

  • Il y a longtemps que je partage ces idées d’autogestion par les salariés de tout le système économique .Le PCF,avec d’autres organisations communistes et associatifs,peut être un moteur productif de cette mise en application définie par Mouton Noir .Prenons l’exemple du "Vélib" parisien confié à la famille Decaux au lieu de l’avoir confié à une coopérative de professionnels du cyclisme sur une base autogestionnaire.Beaucoup de marchés publics renforcent le capitalisme et permettent l’enrichissement des Dassault,Bouygues,Lagardère,Bolloré et consorts et cela depuis des dizaines d’années .

    Les idées de Mouton Noir doivent être débattues dans le PCF et le congrès futur de 2008 ne doit pas simplement être la mise en place d’un nouveau système démocratique en interne,mais aussi la construction de la socièté communiste dés maintenant en contre-pouvoir performant .La "pleureuse" revendicative ne suffit plus car elle nous accule à la défensive et permet à la bourgeoisie de négocier des accords à son avantage comme nous le voyons actuellement avec la bande à Sarko .En retrouvant notre hargne d’invention créative nous pouvons remobiliser les salariés,redonner à la jeunesse de l’espoir et mettre en mouvement cette nouvelle socièté fraternelle que nous appellons "communiste" .

    Bravo,Mouton Noir,le temps est venu de retrouver le sens de l’histoire face au conformisme bourgeois qui a gangrené notre pays,y compris notre famille politique .Comme disait mon Pére,ouvrier maçon, c’est au pied du mur qu’on voit le vrai maçon .Après avoir détruit le mur de Berlin,mal construit à la va vite,le capitalisme s’est engouffré partout et reconstruit même des murs en Israël,en Irak et autour des quartiers bourgeois .Je lui souhaite que ces murs soient plus solides que celui de Berlin.La faiblesse des hommes est légendaire devant l’effort,mais parfois,groupés,cette addition de faiblesse devient une force incommensurable pour braver l’adversité de la misère par un travail en commun fraternel si enrichissant.Alors on a plus besoin de construire des murs de protection avec des maçons de pacotille,mais plutôt un paradis sans Dieu comme dans cette provence où j’habite .

    Bernard SARTON,section d’Aubagne

    • Le PCF même si je suis en désaccord avec sa direction pour l’essentiel des camarades travail sur ce créneau Voir le lien suivant http://www.pcf.fr/spip.php?rubrique132 animé par Sylvie Meyer
      Que les camarades créautour d’eux comme nous le faisons sur le Bassin d’Arcachon une AMAP
      http://pagesperso-orange.fr/amap.bassin/ voir aussi le site des communistes du Bassin http://www.pcfbassin.fr/ Salutations Bernard Trannoy PCF Bassin Arcachon

    • J’ai effectivement vu les textes produits au PCF par le groupe "solidaire" animé notamment par Sylvie Meyer. Mais pour ce que j’en sais (j’ai échangé quelques mails avec elle), elle prêche un peu dans le désert à Colonel Fabien...

      Mouton Noir

    • Bravo Mouton Noir, et merci,

      Il y a longtemps que je pense aussi au développement des scop et des réseaux où nous pourrions démontrer déjà que l’on peut fonctionner autrement, et en même temps donner la possibilité à des gens sans travail ou précaires de s’organiser pour s’en sortir tout en ne nourrissant plus le système capitaliste.

      Ton texte mérite d’être imprimé cogité et enrichi de propositions déjà au sein du parti communiste, car c’est tout un travail d’organisation différente, d’imagination, de créativité sur les bases de justice sociale d’équité et de partage chers aux communistes.

      Vraiment à suivre et pourquoi pas rester en contact avec Sylvie Meyer. Comment S’organiser ?

      Fraternellement

      Maguy

  • Je suis tombée sur cet article par hasard et j’en suis ravie. Un peu de baume au coeur...
    Juste une question : en quoi le PCF et la LCR divergent-ils désormais ?

    Evelyne