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La terre en tremble

Publie le mercredi 11 octobre 2006 par Open-Publishing

de Patrick Apel-Muller

Les sismographes enregistrent la secousse à 1 h 35 GMT. À Moscou et à Pékin, les autorités, prévenues deux heures auparavant, la redoutaient. La première bombe atomique nord-coréenne vient d’exploser.

Si aucune radiation n’a été relevée dans les régions voisines, l’onde de choc n’a pas fini de secouer la planète.

L’acte est grave, en effet. En s’affranchissant des exigences internationales contre la prolifération des armes nucléaires, la dictature de Pyongyang ne se contente pas d’aggraver la catastrophe économique que subissent les 23 millions de Nord-Coréens.

Dans une péninsule qui a connu un des pires conflits de l’après-guerre et qui demeure un des lieux de tension internationale, cet essai compromet les relations de bon voisinage et encourage les nationalismes les plus dangereux.

Au Japon où gouverne une droite revancharde -elle célèbre déjà ses criminels de guerre-, cet essai peut servir de prétexte pour rompre avec la dénucléarisation de l’archipel qui a tant souffert des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki.

Ou pour y installer un arsenal américain qui menacerait également la Chine la Russie. Cette explosion apparaît aussi comme une gifle à la face du voisin du Sud, dont le ministre des Affaires étrangères, Ban Ki-moon, s’apprête à prendre la tête de l’ONU. Pourtant Séoul était partisan d’une réconciliation depuis qu’un sommet, en 2000, avait réuni les dirigeants.

Kim Jong-il, qui a hérité du pouvoir en Corée du Nord, cherche peut-être dans un retour à l’isolement et dans des rodomontades nucléaires de quoi faire oublier sa faillite. Et à resserrer les rangs en suscitant de nouveaux ennemis extérieurs. Ce faisant, il joue avec la sécurité du monde.

Il n’est pas le premier. L’Inde et le Pakistan, et encore Israël, l’ont précédé dans cette voie. Mais le contexte international la rend encore plus périlleuse. Il y a une douzaine d’années, l’Afrique du Sud se débarrassait de l’apartheid et de ses armes nucléaires.

Aujourd’hui il n’est plus guère question de non-prolifération ni de désarmement.

Les États-Unis, qui ont semé la guerre ici et là - au point d’avoir accru les menaces terroristes, selon la CIA même -, sont les plus mal placés pour exiger le respect de la sécurité internationale. George W. Bush, qui a violé la légalité internationale en mettant l’Irak à feu et à sang, n’a pas la moindre crédibilité quand il réclame que les décisions de l’ONU soient respectées.

En ne considérant que ses intérêts de superpuissance et que l’appétit des multinationales, Washington porte une responsabilité écrasante dans les jeux dangereux de docteurs Folamour tel Kim Jong-il.

L’engagement pacifiste n’est donc pas un combat archaïque. La résolution de cette crise comme de celle qui se prolonge avec l’Iran implique une nouvelle vision des rapports internationaux et doit conduire à de nouvelles étapes de démantèlement des arsenaux nucléaires existants. La relance d’un processus de désarmement devient urgente. La France peut en être la force dynamique qui entraînera avec elle l’Union européenne, et dès lors une grande majorité des pays de la planète pourront se retrouver dans cette ambition de salut général.

Il faut pour cela le courage de ne pas subordonner ses choix aux ordres de la Maison-Blanche.

Une vision internationale émancipée des brutalités de la mondialisation capitaliste devient nécessaire.

Du réchauffement climatique aux risques d’affrontements atomiques, la notion de biens communs de l’humanité est en train de prendre corps. Pour quprenne force de loi internationale, les opinions publiques devront la faire leur. C’est l’un des enjeux majeurs qui devra se frayer son chemin lors des échéances de 2007.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2006-10-10/2006-10-10-838358