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LE BAL DES NAÏFS (suite)
Eh bien, ça y est ! La bipolarisation de la vie politique française, commencée en 1981, semble être arrivée à terme. Accouchement difficile mais réussi.
Sarkosy et Royal, les deux poulains de la presse aux ordres, sont arrivés en tête. Tout le monde se réjouit d’un taux de participation à plus de 84% . Le monde nous l’envie. Ce qui prouverait un renouveau de la vie politique, de la démocratie. Mon œil !
En flirtant avec impudence avec les thèses du néo-fasciste Le Pen, N.Sarkosy a réussi à maintenir le borgne en quatrième position, ce qui constitue à la fois, une défaite personnelle, pour le vieux trublion et en même temps une victoire, dans la mesure où ses thèmes favoris : immigration, nationalisme, sécurité, travail, famille, patrie ont été repris à la fois par la droite ultra libérale et aussi un peu par la gauche modérée, entre les républicains à l’états-unienne et les démocrates.
Revenu à 11% des suffrages, le Front national n’a plus qu’à se fondre dans l’UMP en obtenant quelques strapontins. Ils seront éjectables, dans la mesure où son leader est un traître professionnel et qu’il n’est pas prêt de changer quoi qu’il dise.
Bayrou a tenu son pari d’exister entre les deux « monstres », en jouant sur le ni, ni. Que va-t-il faire de son capital de voix ? Ses électeurs vont-ils lui procurer des députés et des élus locaux en plus grand nombre ? Pour le moment, il jouit à la fois de sa défaite, il aurait quand même bien voulu être au deuxième tour, et de sa victoire dans la mesure où, parti de loin, il échoue avec les honneurs en devenant plus ou moins l’arbitre du deuxième tour. Rôle inhérent aux centres qui, sous la quatrième République ou en Italie font et défont les gouvernements en votant tantôt à droite tantôt à gauche. Mais aucun des candidats n’est propriétaire de ses voix et les électeurs feront ce qu’ils auront envie de faire, comme toujours. Aux deux protagonistes de leur donner envie de voter pour l’un ou l’autre.
Le discours vespéral de Sarkosy n’a été qu’un inventaire larmoyant à la Prévert où le candidat du CAC 40 et du MEDEF a compati sur les exploités, les sans grade, les petits, les chômeurs, les bas salaires en leur donnant l’espoir qu’avec lui comme « protecteur », ils iraient paître dans les vertes prairies du Seigneur. Il y avait de quoi pleurer de rire et de rage à la fois, dans la mesure où l’on sentait bien qu’il s’étonnait lui-même de lire un tel texte à la limite du rire et des larmes.
Et puis « protecteur », ça sent bon son maquereau. La foule est une « femelle » qu’il faut mettre sur le trottoir, caresser et taper quand il le faut, à condition qu’elle rapporte. Toute la considération de la droite pour son électorat populaire se trouve fort bien résumée dans ce « protecteur des humbles ».
Au Moyen-Âge, le seigneur du lieu était protecteur de ses serfs et autres libres paysans. Que voilà une manière bien réactionnaire d’envisager l’avenir et une curieuse manière de « rompre » avec le passé.
Mais ce qu’il y a de merveilleux dans la démocratie bourgeoise c’est justement cet art de la séduction qui réussit à convaincre des citoyens que tout oppose qu’ils ont les mêmes intérêts. L’ami des Lagardère, le champion des fortunes de France, le chouchou de la bourse, toujours incertaine, a réuni des milliers de pleupleux sur son nom en leur faisant croire qu’il allait œuvrer pour eux. Ah ! la rigolade ! Dans les deux ans qui viennent, « il n’y aura plus de SDF en France » si Sarkosy est élu. Ne pas l’oublier. Comme nous n’avons pas oublié la promesse du très jeune Chirac d’aller faire trempette dans la Seine après sa politique d’assainissement du fleuve. Vous vous souvenez ? Et du traitement de la fracture sociale ? Et « ces profits d’aujourd’hui qui sont les emplois de demain » ? Et la compréhension qu’il faut mettre en place pour « réconcilier le monde du travail avec le monde de la finance » ? C’était le bon temps du mitterrandisme. Il y avait même un certain Tapie qui sévissait à l’époque et qui, avec Yves Montand, nous chantait les joies de la crise et que tout irait mieux demain, à condition que l’on abandonnât cette vieille lune de lutte des classes, cette analyse marxienne complètement dépassée avec la preuve par l’implosion imminente de l’URSS que personne n’avait espérée si rapide et même possible. A croire que nous étions déjà gouvernés par des nuls, des incapables, des gens sans expérience.
Madame Royal, s’est fait attendre. A croire qu’elle n’avait rien préparé, ne croyant point trop à sa double victoire : celle qu’elle a dû mener contre ses « amis » et celle qu’elle a mené contre ses ennemis. Elle voulait sans doute forcer ses adversaires à sortir du bois, pour pouvoir chanter sa partition en essayant de se démarquer. Tout de blanc vêtue, elle a, depuis Melle, lu assez péniblement comme d’habitude, un texte de présidente de la République. Elle a parlé de la grandeur de la France, d’espoir, de perspectives d’avenir à construire ensemble, avec les français. Toutes sucreries un peu convenues. Il y manquait du souffle, de l’enthousiasme, de l’envolée et un zeste de lyrisme.
Pas maternelle, pas « protectrice » comme l’autre, mais chef de file. L’un dit « Faites-moi confiance, laissez-moi faire », l’autre annonce « j’ai besoin de vous, nous bâtirons ensemble », l’un se garde bien d’évoquer sa future politique étrangère puisque c’est celle de l’atlantisme bushien, l’autre annonce qu’il y aura un nouveau referendum à propos d’une nouvelle constitution européenne. « Cela ne se fera pas dans votre dos ». Comment va-t-elle convaincre nos autres partenaires qui ont déjà entériné la première mouture ? A suivre !
Promesses de droite, promesses de gauche. Pourquoi ai-je l’impression qu’en dépit du mal qu’ils semblent se donner à écrire un « programme », c’est un chèque en blanc que je vais signer pour celle pour laquelle je vais voter ?
Mais auparavant, avaient défilé sur les étranges lucarnes, les vieux chevaux de retour : Lang, Fabius, Strauss-Kahn, Raffarin, MAM, et les nouveaux agités, les frétillants, les sémillants qui attendent un maroquin : les Montebourg, les Fillon, les Coppé, les Hortefeux, tous dans les starting-blocks. On a même vu Simone Veil venue mollement défendre le « petit » gardien de son porte-feuilles. J’ai entraperçu le nain de jardin venu faire le constat de la mort du PCF. Mémé Arlette ne vaut plus un pet de lapin, Besancenot, de plus en plus notable bien que n’atteignant pas les 5%, était tout content de son score. C’était pitoyable comme l’a été aussi le score des verts qui ne valent même plus une feuille de bananier. Tous ces partis qui ont été ou auraient pu être noblement populaires, ont été laminés, éreintés, éliminés. Il fallait « voter utile », ne pas rejouer le 21 avril 2002, cela a été compris et fait. Sans doute fallait-il qu’il en fût ainsi. Mais nous venons d’assister, peut-être, à la fois, à la plus grande et à la dernière des participations populaires à une élection. Il n’y a qu’à voir le nombre ridicule d’électeurs états-uniens qui participent vraiment aux élections. A quoi bon se déplacer quand de toute façon, que ce soit l’un ou l’autre, cela ne changera guère le quotidien des plus faibles.
Une page vient d’être tournée. Désormais, le socialisme n’est plus qu’une idée appartenant au passé jusqu’à ce qu’une exaspération populaire vienne au jour, passe de la révolte à la réflexion et redécouvre quelques principes d’espérance et de justice sociale. Le peuple est en voie de désespérance. Les extrêmes, ces fallacieux mirages, ont été marginalisés, broyés. Ne demeurent que des machines à bobos de droite et de gauche, républicaine et démocrate. La moraline va pouvoir couler à flots.
Nous avons connu le triomphe africain de Chirac, suivi de son « Pourquoi se gêner ? », nous allons peut-être connaître l’apogée de Narcisse Sarkosy suivi de son « Tout pour moi ! ».
Si c’est Sarkosy qui passe, attendons-nous au pire, si c’est Ségolène au moins pire.
Ce qui est sûr, c’est qu’avec l’ex maire de Neuilly, il va y avoir de l’argent à se faire. Privatisation des services de l’Etat, diminution des fonctionnaires, santé et éducation à deux ou trois vitesses, privatisation des prisons réservoir de main d’œuvre pas chère payée à tarif chinois, recherche fondamentale abandonnée aux States, droit de grève aboli, augmentation de la durée du travail sans grande compensation financière, chasse aux chômeurs et autres bénéficiaires d’aides avec culpabilisation de leur situation. Alignement compréhensive sur les principes religieux en vigueur et prise en considération des tendances psychologiques des enfants dès la maternelle. Le totalitarisme rampant va s’ériger lentement et inexorablement. De pays policé nous allons sombrer dans un régime policier. Mais, apparemment, c’est ce que désire la majorité des français. Alors… On a connu ce peuple un peu plus courageux. Mais TF1 et la presse des avionneurs et autres marchands d’armes ne sont tout de même pas là pour lui inculquer le goût de la liberté et de la responsabilité, le désir de solidarité et de fraternité.
« Chacun pour soi et tous pour le chef ! Dormez les petits, le « protecteur » veille sur vous ! »
Mais ce qui est certain c’est que dans un cas comme dans l’autre, la mondialisation va pouvoir agir en toute liberté, les intérêts des plus forts seront sauvegardés et les plus faibles encore plus exploités, abêtis, abrutis, grugés et culpabilisés.
Vive la vie !
23/04/2007
Messages
1. Le bal des naïfs (suite), 24 avril 2007, 10:18
La question.
Etrange soirée que celle de dimanche, et aujourd’hui, étrange journée. Le silence au téléphone, le silence sur mon ordinateur. Puis tout à coups en fin de soirée une frénésie de courriels, une frénésie de coups de téléphone, la cafetière qui ne cesse de se vider, et toujours la même question : « Qu’est-ce qu’on fait ? ».
Doit-on, en allant à l’encontre de nos aspirations profondes, voter pour Madame Royale afin d’empêcher Sarkozy de passer ? Ou s’abstenir, voter blanc, pour pouvoir se regarder en face comme se ne n’est pas le cas de ceux qui ont regretter depuis d’avoir voter Chirac au deuxième tour de 2002.
D’ailleurs, il peuvent amèrement se le reprocher puisque, malgré les simagrées offusquées du président envers son ministre d’état, il a nourrit dans son sein celui qui prétend à sa succession ! Si quelques années comme Ministre de l’Intérieur accordées à celui-ci n’est pas une volonté délibérée de sa part, c’est qu’il est -était- encore plus incapable que ce qu’il a bien voulu nous laisser croire, ce dont je doute.
Sarkozy est un homme dangereux, un Le Pen caché. C’est d’ailleurs là l’une de ses principales forces. Le Pen dit tout haut se que l’autre pense tout bas en maniant un discours tellement manichéen que certains se laissent subjuguer.
Cet homme est l’ennemi du peuple. Mais pour l’empêcher de sévir encore plus, doit-on faire des concessions à une envie de société différente en votant pour celle que nous propose Madame Royal ? Ou alors, prendre le risque de voir le pays se diviser encore plus en espérant qu’il en sortira l’étincelle qui nous mènera vers une conception d’une société plus humaniste !
Michel Mengneau
2. Le bal des naïfs (suite), 24 avril 2007, 15:27
Sarkosy c’est ça :
""Les premières mesures annoncées sont emblématiques de ce projet. Dès cet été : l’instauration d’un « service minimum garanti en cas de grève », la création de peines planchers pour les récidivistes et la réforme de l’ordonnance de 1945, de nouvelles lois contre l’immigration et le regroupement familial, la fin des 35 heures et l’exonération de charges sur les heures supplémentaires. Le signe est fort et sans ambiguïté : l’élection de Sarkozy inaugurerait un quinquennat de combat – contre les syndicats, contre les salariés, contre les migrants, contre les jeunes, contre les pauvres.
Au-delà, son programme,
*- C’est le droit quasi-illimité des patrons d’exploiter les salariés, avec la mise en place d’un contrat de travail unique copié sur le CNE ; l’augmentation du temps de travail au nom du principe « travailler plus pour gagner plus » (pas de hausse du SMIC et exonération des heures supplémentaires que je viens d’évoquer) ; l’obligation d’activité pour les bénéficiaires de minima sociaux.
*- C’est la France transformée en « paradis fiscal », avec la suppression des droits de succession et, dans les faits, de l’ISF ; l’allègement de la taxe professionnelle ; la multiplication des zones franches…
*- C’est la casse comme jamais des services publics et de la protection sociale, avec de nouvelles privatisations ; le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (c’est-à-dire, d’ici à 2015, d’un poste sur quatre dans la santé et l’éducation !) ; la fin de la carte scolaire ; la liberté d’implantation des écoles privées ; la poursuite de la loi Fillon contre la protection sociale et la suppression des régimes spéciaux ; de nouvelles exonérations de cotisations patronales… *- C’est la chasse aux immigrés et le pillage des compétences dans les pays pauvres. *- C’est la soumission à l’Europe libérale et aux États-Unis, avec la proposition d’un « mini-traité » sauvegardant les institutions et les politiques libérales de l’Union européenne et la dénonciation devant Bush de « l’arrogance française » – sans doute au nom de la défense de « l’identité nationale »…
c de T.
3. Le bal des naïfs (suite), 24 avril 2007, 21:25
Je suis tout à fait dacord avec toi, même si je pense qu’un peu d’optimisme ne ferait pas de mal, surtout quand on a 27 ans, ce qui est mon cas, et qu’on compte un jour avoir un boulot potable et des enfants !!
Cela dit, c’est vrai que la situation a de quoi nous faire desespérer ! Les gens qui se sont fait berner en votant pour le charisamatique protecteur des français ne tarderont pas à déchanter ! et ils n’auront que ce qu’ils méritent comme on dit.... le pb c’est q’au passage nous aussi on aura ce qu’on ne mérite pas !
Et ce qui me blase le plus, c’est de voir qu’il y a un certain nombre non négligeable de personnes (j’en connais) qui ont voté pour Sarko pour le seul pretexte qu’il est le seul à pouvoir "redresser" la France, alors qu’ils ne sont même pas de droite et qu’ils sont par ailleurs proches des idées de gauche ! c’est dingue ! parce qu’il est clair que la majorité d’entre nous ont "intérêt" à voter à gauche, je veux dire par là que les idées de qq’un comme Sarko ne feront que bénéficier un tout petit pourcentage de la population au détriment de tout le reste....Bref, donc ces gens ont voté Sarko pour résoudre les graves problèmes auquels se trouvent confrontée la France. Mais Sarko n’est-il pas du même bord que Chirac, dont la politique n’a fait que dégrader la situation de bc de gens ? Espèrent-ils que ce soit un homme de droite qui opère un changement par rapport à la politique de droite, la même droite, qu’on subi depuis 10 ans ? Je m’excuse d’avance auprès des gens qui ont cru bien faire en votant Sarko ou qui seraient tomber un peu par hazar sur ce site, mais.....il faut vraiment être con !
1. Le bal des naïfs (suite), 24 avril 2007, 22:31
Certes ! Mais la connerie n’étant pas génétique mais culturelle, donc sociale, il y a de l’espoir. Pour cela, il faut de déscotcher des étranges lucarnes, lire les auteurs les plus formateurs et avoir envie de se bouger.
Cela a toujours été difficile. Pourquoi est-ce que ce serait plus facile aujourd’hui ?
L’humanité est assez étonnante sur le long terme et pourtant encore très primitive.
Elle va muter. Sera-ce dans le bon sens ?
La lucidité est rarement optimiste. Mais la connerie, c’est de croire que tout va bien.
Max Angel
2. Le bal des naïfs (suite), 24 avril 2007, 22:42
Madame Royal dans son programme propose des heures de soutien pour les enfants en difficulté et donc les parents vont travailler plus pour gagner plus et payer les enseignants qui sont des fainéants parce que ils ne veulent pas travailler gratuitement. Jules Féry doit se retourner dans sa tombe et moi je ne comprends plus rien ou plutôt j’ai tout compris !!!