Accueil > Le con existe, je l’ai rencontré ! 1

Le con existe, je l’ai rencontré ! 1

Publie le mardi 11 mars 2008 par Open-Publishing
6 commentaires

On a beau dire,
On a beau faire,
Le cul du berger
Sentira toujours Le thym
.
H.GOUGAUD

Mauvaise nouvelle ! Le con existe, je l’ai rencontré.

de Mengneau Michel

Il m’arrive peu souvent de fréquenter la grande Ville.

Malheureusement, quelquefois des obligations impérieuses m’y contraignent.

Après avoir déchaussé à regret mes bottes de caoutchouc, d’autant qu’elles rechignent souvent à retrouver leur indépendance, puis ôté mon pantalon de velours si confortable, je me pare d’atours plus en harmonie avec mon futur état de citadin forcé et, enfin prêt, je me véhicule vers l’inconnue.

Pas celle dont les bras accueillants attirent ma tête vers le moelleux coussin de deux seins rebondis, mais celle que je regarde avec circonspection, celle qui me rebute tant ses bras sont tentaculaires et froids : la grande ville.

Malgré tout, pour mettre un peu de baume enchanteur à mon esprit rendu maussade par cette perspective, en faisant fi de mes préjugés défavorables, je sacrifie une belle journée de Printemps. Un après-midi où le jeune soleil vous regarde en souriant, sa douce chaleur réchauffe, la terre émane le parfum des fleurs en éclos.

En ville, le cœur heureux d’un si beau temps, le regard plein de lumière, je flâne au gré des rues.

J’admire, ce que souvent l’on ne regarde pas, les hauts des maisons de nos villes.

L’une au toit de tuiles romanes, rose passé, quelque fois moussu, l’autre couverte d’ardoises grises et luisantes qui en porte ainsi la rigueur de l’époque protestante, celle du dix-huitième siècle ornée d’entre-lacs sculptés dus au génie de quelque architecte à l’inspiration tarabiscotée, quelles merveilles ! C’est un chaos de cultures harmonisées.

Mais comme le bonheur ne peut pas être parfait, un sombre souvenir vint noircir le plaisir que me donnait ces ensembles si discordants, et pourtant si bien accordés par le hasard du temps.

Comme des fleurs disséminées ça et là apportaient un peu de poésie au tableau que j’admirai, il m’était revenu à l’esprit, qu’un jour, un technocrate de bas étage avait émis l’idée que l’on devrait interdire les pots de fleurs sur les balcons ; sous le fallacieux prétexte qu’ils étaient un danger pour les passants. Ce mauvais goût dans la bouche, laissé par une telle aberration, sera toutefois de courte duré car, doté d’une nature heureuse, ma bonne humeur reprit vite le dessus. J’ai toujours pensé en effet que s’il fallait être assommé, il valait mieux que ce fût par des fleurs plutôt que par la matraque d’un CRS. Surtout si c’est la jolie fille sur le balcon du troisième étage qui, après une tendre rencontre, lors d’adieux pathétiques, renverse maladroitement les fleurs de son jardin d’extérieur et envoie ainsi par les airs le lourd message de son cœur amoureux.

Chassant définitivement loin de mon esprit les turpitudes des fonctionnaires et des hommes politiques je reprends ma flânerie, je déambule, au hasard des rues, les sens en éveil à l’appel du Printemps….

Un parfum vient flatter mon odorat, pas le patchoulis de la parfumerie d’en face, mais plus fin, plus subtil, un mélange presque insaisissable : le thym, le serpolet, la sarriette qui donnent ce charme indéfinissable au souffle du mistral. Il émane d’une affiche. L’une de ces belles affiches publicitaires, souvent scotchées sur le bas des portes en verre des magasins, où j’y lis :

AU CINEMA, LE PROVENCAL

A LA GLOIRE DE MON PERE

D’après Marcel PAGNOL

Il n’en suffisait pas plus pour réveiller mon naturel rêveur. A cet instant, je m’imagine, les mains dans les poches, les pieds dans la bruyère, écoutant dans les garrigues l’envol des bartavelles….

« Boum ! Crac ! Floc…. »

Interrompu au milieu d’une si agréable rêverie, interloqué par tant d’outrecuidance, je baisse les yeux et jette un regard réprobateur vers l’objet de ce vacarme intempestif.

Un petit costard anodin, une cravate grise, des lunettes d’écailles, en parodiant les paroles de Coluche dans l’un de ses sketchs, je dirais : la tronche du premier de la classe. C’était ce quidam là, assis le cul posé sur une crotte de chien, qui était l’auteur de tout ce remue-ménage.

C’était la rencontre !

Bien qu’il ait rompu brutalement le charme d’un instant de poésie, je rougis. Confus devant cette situation ambiguë.

Je regardai en l’air, lui, pas pour les mêmes raisons, en bas, il essayait tant bien que mal d’éviter les crottes de chien.

Je savourais et respirais la douceur de la vie. J’errais lentement au petit bonheur. Lui, courait après un destin tracé d’avance et sans beaucoup de fantaisie. Cela peut paraître peut-être bizarre dans une société bien ordonnée, mais j’étais debout, lui, le cul dans la merde. – aparté : Malheureusement pour ses habitants, cette ville n’est pas encore Chiraquée. Que voulez-vous le bonheur n’est pas partout ! Ne soyons pas étonné de cette appellation car, si l’on se souvient, c’est lorsque le sieur Chirac était maire de Paris qu’apparurent dans la capitale les premières moto-crottes, appelées par le fait plus communément Chiraquettes. Nous n’épiloguerons pas plus sur cette initiative qui aurait pu être judicieuse si, l’effet d’annonce, l’effet publicitaire de cette bonne idée n’avait pas aidé à cacher les carences évidentes de la gestion de la capitale. –

En bredouillant des excuses, je lui tends une main condescendante – vous l’aurez compris, celle descendant vers le con – pour l’aider à retrouver la position du bipède pensant, c’est-à-dire, la verticale. Avec toutefois une certaine réticence car, quoique qu’il en fut le lointain descendant, il n’avait rien de la simplicité de l’Homo erectus. Bref, le quidam, le regard outré, repousse de dépit ma main bien pensante tendue dans sa direction. Puis il m’injurie, m’invective, et finalement me traite de bouseux et d’iconoclaste !

Bouseux ! Bouseux ?

Si j’ai interprété correctement ses propos : je veux bien !

En tout état de cause cette condition ne m’a jamais déplut. D’ailleurs j’ai labouré le jardin ce matin pour y semer quelques graines, mes mains en portent encore les traces : des ampoules. Ou peut-être sentent-elles mauvais ? Car j’ai couru après les vaches de mon voisin qui, rendues amoureuses par les premières effluves du printemps, avaient envie de faire des galipettes avec Kiki. Kiki, c’est le taureau. Ce ne fut pas une partie de tout repos puisque le dénommé Kiki, un très beau Maine-Anjou d’un peu plus d’une tonne, n’avait aucunement l’intention de laisser partir ses nouvelles compagnes vers un destin duquel il eût été absent.

Donc cette condition de bouseux ne me gênait absolument pas, et, pour bien le convaincre, je lui précise pourquoi tout cela faisait partie quelques fois des inconvénients de la nature. Car s’il voulait boire du lait, il fallait bien que certains se salissent les mains !

Que n’avais-je pas dit !!!

Redoublant de vindicte, il me crie : « moi, Monsieur, j’ai un bac, plus cinq ! Vous, vous n’êtes qu’un arriéré, un résidu du néolithique… ».

In petto un remous me secoue : force cinq ? Devant une telle situation catastrophique il va être urgent que l’on achète des gilets de sauvetage. Car s’ils continuent à surcharger les bacs de bagages intellectuels parfois superfétatoires, j’ai bien peur, dans ces cas là, de les voir couler de suffisances. La suite de son discours ne m’a d’ailleurs pas plus rassuré, ni stoppé le tangage et le roulis occasionnés dans mon esprit par tant de fatuité.

Vous allez comprendre pourquoi. Mes pensées et mon vague à l’âme ne l’ayant pas interrompu, le quidam m’explique….

Tous les ratios sont mauvais, les dernières statistiques le prouvent, le plus moderne des ordinateurs l’a confirmé : il est complètement dépassé et de surcroît inutile de traire les vaches ! Puisque, dans nos usines d’avant-garde, l’on va fabriquer des pilules de lait avec du pétrole où l’un de ses produits dérivés.

N’étant pas au fait des dernières techniques, je change de sujet pour cacher mon incompétence. Et peut-être pour oublier l’effroi qui commençait à me glacer à de telles paroles.

Si je me souviens bien, il m’avait traité aussi d’iconoclaste.

Iconoclaste ?

Apparemment ce vocable lui plaisait. Il avait dû le repérer à travers les jurons du capitaine Haddock en lisant dans sa jeunesse les aventures de Tintin. Je ne lui fis pas de réflexion à propos de cet insignifiant petit personnage à la houppette blonde, malgré que son iconographie trop bien pensante ait souvent emmerdé ma conscience d’adolescent. Bref, cette expression me rendait quelque peu mal à l’aise.

Pourtant, je suis un contemplatif. J’adore les images, surtout, et particulièrement, celles avec lesquelles nous parfument les fleurs de la poésie. Aussi, ces hauts de maisons entrevus, ces balcons enfleurés, ces rues tortueuses et indisciplinées, ne se croisant pas où il faudrait, oui j’admire. Par contre, j’apprécie peu les icônes religieuses pour le symbolisme idiot qu’elles représentent et perpétuent. Avec toutefois un regard bienveillant sur la qualité de certaines peintures, et un respect admiratif pour l’artiste qui les a peintes.

Finalement dans ces cas là, afin ne pas polémiquer sur les mots, j’élude les aphorismes. Après tout, on a bien détruit le mur de Berlin, pourquoi ne pas essayer de passer à travers celui de l’incompréhension ?

Donc, je lui retends une main secourable pour l’aider à se relever, d’autant qu’il me semblait le connaître.

Petit costard gris anodin, cravate grise, lunettes d’écaille, baise en ville, la tronche du premier de la classe.

N’était-ce pas le petit banquier rencontré tout à l’heure ?

Celui à qui, faisant une démarche pour l’un de mes camarades artistes peintres, j’avais tenté d’emprunter quelques sous pour permettre à ce compagnon de Bohême, un peu gêné aux entournures, de s’acheter des tubes de gouache et des pinceaux. Car même si l’on a du talent ce n’est pas toujours facile de vivre de son art.

Je me suis fais virer ! Le plus déplaisant, c’est que ce fût avec un peu de mépris dans le regard, et surtout, que ce banqueteux m’ait pris pour un inconscient. Moralité, nous ne nous étions pas compris sur la valeur de certaines valeurs. Ou alors, il avait entendu Léo Ferré chanter : « ces grands fauchés sont riches à crever », à mon avis, il n’avait pas dû tout comprendre !

Ce n’était peut-être pas lui, ce devait être probablement un autre…

A suivre...

Messages