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Le drame de l’exil doit être réparé intégralement
Publie le jeudi 16 octobre 2008 par Open-PublishingCOLOMBIE : Communiqué de la Commission Ethique de la Vérité
A Paris, du 1er au 3 octobre 2008, nous avons participé à une session à huis clos de la Commission Ethique de la Vérité et à la première Audience citoyenne Internationale en mémoire des Victimes de Crimes d’Etat, exilés, réfugiés et demandeurs d’asile en présence du Délégué Spécial du Défenseur du Peuple de Colombie, Alonso Ojeda Awad. Nous étions 8 des 27 membres qui constituons la Commission Ethique.
Au cours de la session à huis clos, nous avons reçu les témoignages de 10 exilés colombiens qui vivent dans différents pays d’Europe et nous avons reçu d’autres preuves qui se trouvent sous réserve. Dans toutes les situations, il s’agissait de témoignages de femmes et d’hommes qui parlaient de leurs angoisses et de leurs douleurs. Dans certains cas, ils sont survivants de la violence criminelle de l’Etat et des paramilitaires : Ils ont été prisonniers politiques dans des institutions officielles, ils ont subi des tortures, on a attenté à leur vie ou ils ont été cibles des paramilitaires. Au long des gouvernements successifs de leur pays d’origine, tous ont été persécutés, victimes du terrorisme d’Etat, aux mains des militaires, des policiers, des paramilitaires ou des collaborateurs civils d’organismes officiels. Certains témoins ont fait état de déplacements forcés et de la perte de leurs biens et propriétés. Un des témoins a raconté que sept membres de sa famille ont été détenus puis disparus et que deux autres ont été assassinés. Dix-sept membres de sa famille sont exilés en Suède.
Bien que tous remercient la solidarité et l’accueil dans leurs lieux de résidence actuels, ils ont expliqué qu’en tant qu’exilés, ils vivent le drame de l’isolement et de la solitude et qu’ils connaissent des difficultés de communication à cause de la langue et du manque de travail. Ce qui produit peurs, insécurité et dépression.
Dans certains cas, ils se sentent objets de discrimination, victimes de xénophobie ou bien ils sont soumis à des nouvelles lois restrictives et à des mécanismes de contrôle subtiles dans leur pays de refuge, avec le risque d’être jugés comme des dissidents, criminalisés, suspectés de subversion, à la demande de la diplomatie colombienne. Le terrorisme médiatique exercé par le gouvernement d’Alvaro Uribe à l’échelle internationale affecte d’ailleurs des personnes d’autres nationalités qui s’engagent dans la défense des droits de l’homme en Colombie et qui sont accusées d’être « collaboratrices » de la guerrilla.
Dans leurs témoignages, tous ont expliqué avoir souffert une rupture de leur projet de vie (social, politique, familial, économique, culturel) et avoir vécu une perte d’identité puisqu’ils sont considérés apatrides. Dans certains cas, suite au déracinement, leurs familles se sont désintégrées. Dans d’autres, ils souffrent de délires de persécution en raison du stress post-traumatique ou des effets psycho-sociaux et des troubles qui ont laissé des traces dans leurs vies. En majorité, ils se sentent impuissants face à l’incapacité de pouvoir intervenir dans leurs propres procès judiciaires en Colombie et, en conséquence, face à l’impunité dont jouissent ceux qui ont provoqué leur exil forcé. Dans certains cas, les agissements du service diplomatique colombien ont été dénoncés, comme étant une extension des organismes d’espionnage du régime à l’extérieur.
Ils réclament le droit à participer librement à la vie politique. Ils réclament également la reconnaissance publique, de la part de l’Etat Colombien, de sa responsabilité dans les actes de violence criminelle commis contre eux et leurs familles. Ils réclament enfin le droit à la réparation intégrale des dommages subis et à ce que l’exil soit reconnu comme « crime contre l’humanité ».
Paris, 3 octobre 2008
Commission Ethique de la Vérité
Mirta Baravalle, Mère de la Place de Mai – Ligne fondatrice, Argentine / Libertad Sanchez, Mémoire Historique, Espagne / Stephen Nathan Haymes, Professeur Université De Paul, Chicago / Enrique Pastor, Hijos e Hijas, Argentine / Charity Ryerson et Elizabeth Deligio, Observatoire pour la fermeture de l’Ecole des Amériques SOAW, Etats-Unis / Alberto Giraldez, Communauté Chrétienne Saint Thomas, Espagne / Carlos Fazio, Professeur UNAM, Journaliste de La Jornada, Mexique.
Traduction : Coordination Populaire Colombienne à Paris