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Le film australien "SALUTE" : 16 octobre 1968 l’histoire de Peter Norman

Publie le jeudi 15 mai 2008 par Open-Publishing
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de Annick Cojean

C’est l’histoire de trois hommes qui, par la magie d’une photo - l’une des plus symboliques du XXe siècle - resteront liés à jamais.

L’histoire de trois athlètes, magnifiques et ardents, qui, au sommet de leur gloire, lors des Jeux olympiques de Mexico en 1968, firent un geste inouï pour dénoncer devant le monde entier la condition du peuple noir aux Etats-Unis.

L’histoire de deux Noirs américains, qui trouvèrent en un sportif blanc, australien, fraternité et solidarité. L’histoire enfin d’une amitié inaltérable : trente-huit ans plus tard, en octobre 2006, les deux Américains ont fait le voyage à Melbourne pour porter en terre le cercueil de leur compagnon valeureux.

Il s’appelait Peter Norman. Il avait 64 ans. Et il est mort, le 3 octobre, d’une crise cardiaque. Les journaux de la planète ont aussitôt annoncé que venait de disparaître "le troisième homme de Mexico". Appellation injuste quand on sait que le temps éclair de 20’’06 qu’il avait réalisé sur 200 mètres - record à ce jour non battu en Australie - lui avait valu la deuxième marche du podium et la médaille d’argent. Mais ce fut l’occasion de ressortir la photo sulfureuse : on en avait retenu le poing brandi par les deux athlètes noirs, sans faire suffisamment attention au jeune homme blond et raide qui, en solidarité, avait épinglé sur son survêtement le badge d’un mouvement pour les droits civiques.

Pour la fédération américaine d’athlétisme, comme pour les sportifs noirs qui ont mythifié ce moment, l’Australien est pourtant devenu un héros. Aussi, quand le neveu de Peter, Matt Norman, a téléphoné de Melbourne aux deux autres protagonistes de la photo - Tommie Smith (médaille d’or) à Los Angeles et John Carlos (médaille de bronze) à Palm Springs - tous deux ont immédiatement accepté de venir enterrer leur vieux complice.

"Cela avait un sens qu’ils soient une dernière fois réunis, raconte Matt Norman, qui vient tout juste de finir un documentaire en hommage à son oncle et a déjà filmé ensemble les trois hommes. Ils étaient liés à vie par cette posture de Mexico et Peter partageait entièrement les convictions des deux autres sprinteurs sur l’égalité entre les hommes et la lutte contre le racisme. Il était très croyant, issu d’une famille engagée depuis des générations dans l’Armée du salut. Et l’ostracisme dont souffraient les Noirs d’Amérique n’était pas sans lui rappeler l’affreuse condition des Aborigènes en Australie qui ont attendu jusqu’en 1967 pour être considérés comme de vrais citoyens.

Peter était sensible à tout cela. Et c’est en toute conscience et fierté qu’il s’est solidarisé avec les deux Américains."

C’est ce qu’ont confirmé Tommie Smith et John Carlos lors de la cérémonie d’adieu organisée le 9 octobre 2006 dans la mairie de Williamstown, où s’étaient réunis la famille, les amis et des milliers de personnes à qui fut projetée la vidéo de Mexico. L’occasion de revenir à ce 16 octobre 1968, à la course fabuleuse qui voit s’intercaler le jeune Australien entre les deux Américains réputés invincibles, et à ces deux heures précédant la cérémonie du podium pendant lesquelles Smith et Carlos mettent au point leur coup d’éclat.

La menace d’un boycott des Jeux par les athlètes noirs américains avait été abandonnée, mais certains s’étaient juré de saisir l’occasion d’une médaille pour dénoncer les discriminations raciales. C’est pourquoi Tommie Smith s’est muni de gants de cuir et a minutieusement planifié l’image du podium. Il en discute avec John Carlos, qui partage les mêmes idées. Peter Norman, qui les entend parler, sympathise aussitôt. C’est même lui qui suggère que les deux athlètes noirs se partagent la paire de gants.

" Crois-tu aux droits de l’homme ?", demandent-ils à Norman. "Oui", répond le jeune homme. " Et crois-tu en Dieu ?" "De tout mon coeur", dit fermement l’Australien, qui veut lui aussi participer au mouvement. Il décide alors de revenir sur le stade en portant sur le torse le badge du Projet olympique pour les droits de l’homme. L’image sera impeccable.

Au moment de l’hymne américain, Tommie Smith et John Carlos, sans chaussures pour signifier la pauvreté frappant les Noirs, un foulard au cou pour le premier, un collier pour le second pour évoquer les lynchages longtemps pratiqués dans le Sud, et le poing ganté brandi vers le ciel pour symboliser l’unité du peuple noir, baissent la tête. Norman regarde droit devant lui. "Je pensais voir la peur dans son regard, rappela John Carlos aux funérailles. Je n’y vis que de l’amour. Jamais il n’a détourné les yeux ou la tête. Jamais il n’a flanché.

Vous avez perdu en lui un sacré soldat !" Norman était "un grand humaniste", a déclaré de son côté Tommie Smith, convaincu qu’aucun athlète blanc américain n’aurait eu le cran de faire un tel geste. " L’héritage de Peter est un roc, dit-il. Accrochez-vous bien à ce roc."

L’impact de l’image fut immédiat. Les trois sportifs quittèrent le stade sous les huées et les sifflets. Dès le lendemain, les deux Américains furent expulsés du village olympique. Leurs contrats et promesses d’emplois s’annulèrent un à un. Insultes, menaces de mort, attaques contre leurs familles, traque du FBI... La femme de Carlos se suicida, celle de Smith divorça.

En Australie, Peter Norman ne connut pas la même violence, mais des médias le boudèrent, certains responsables du mouvement olympique le traitèrent comme un paria et, assure aujourd’hui son neveu, "il fut délibérément exclu de la sélection pour les Jeux de Munich de 1972", alors même que ses records le qualifiaient. "Il en était malheureux, sachant qu’il avait ainsi perdu la chance de gagner une médaille d’or, mais il n’en parlait pas. Pas le genre à s’épancher ou se plaindre. Très engagé dans le social et l’humanitaire, faisant aussi du théâtre amateur, Peter s’est davantage préoccupé des autres que de lui-même." Y compris dans l’épreuve qu’il subit après une opération des ligaments où il faillit perdre une jambe.

Les trois hommes se sont revus une poignée de fois depuis 1968. Et notamment l’an passé, à l’université de San José en Californie - dont Smith et Carlos sont anciens élèves - pour l’inauguration d’une statue inspirée par la scène de Mexico... mais sans le "troisième homme".

A sa place, sur le podium, l’artiste a laissé un espace vide afin de permettre aux visiteurs de se faire prendre en photo en défendant une cause personnelle qui leur tiendrait à coeur. Peter Norman n’en a pas pris ombrage, convaincu d’avoir rallié un mouvement qui le dépassait. Fier d’en avoir été. Et désireux que les ondes créées dans ce moment fugace puissent un jour toucher d’autres consciences.

http://www.lemonde.fr/web/article/0...


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de Matt Norman Victoria, Australia

Cher Roberto,

C’est un sentiment de profond dégoût qui m’est venu en apprenant la situation délicate dans laquelle tu es par rapport à un l’article publié sur votre site concernant les Chantiers Navals de St Nazaire

Je souhaiterais que tu me tiennes informé de tout ce qui sera engagé par le gouvernement ou le système judiciaire envers toi dans cette affaire. J’attirerai toute l’attention de l’opinion publique sur le gouvernement et la Justice français si les gens ne peuvent plus dire ce qu’ils pensent et parler librement de ce qui se passe dans leur pays.

Les Français ne devraient JAMAIS tolérer un gouvernement qui place la libre parole comme otage de l’existence même d’un pays libre. La France est un beau pays avec des gens et une culture étonnants. Si, pour quelque raison que ce soit, la France décide de revenir à des temps obscurs en maltraitant ceux qui ont des choses à dire, cette France-là souffrira de son ignorance.

Levez vous, comme Peter Norman s’est levé cette nuit d’octobre 1968 à Mexico. Il portait un badge qui disait qu’il soutenait le Projet Olympique pour les Droits de l’Homme. En d’autres termes il a risqué sa vie à une époque où il n’était pas bien vu de défendre les noirs.

En tant que neveu de Peter Norman, je défends tous les aspects des droits de l’homme et du citoyen. L’un de ces aspects est le fait que nul ne devrait être empêché de parler de quoi que ce soit, quand que ce soit.

Tu as mon soutien et j’aiderai pour tout ce qui pourra être utile.

Je suis cette affaire avec beaucoup d’intérêt. La libre parole est notre droit en tant qu’êtres humains. Sans elle nous ne sommes rien

Amitiés

Matt Norman
Ecrivain / Réalisateur / Producteur

http://www.theactorscafe.com/

http://www.salutethemovie.com

info (at) theactorscafe.com
Skype : matt.norman1


Peter Norman

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Salut à tous,

Je souhaitais tous vous remercier pour vos sympathiques contributions et votre incroyable soutien envers mon meilleur ami et oncle Peter Norman. Je suis Matt Norman, le neveu de Peter et je viens de terminer un documentaire sur la vie de Peter et la lutte que lui, Tommie et John ont menée pendant les années 60.

Je veux que vous tous sachiez que j’ai eu des centaines de lettres de soutien de Français, et que j’en suis très touché. Les Français font apparemment preuve de bon coeur, de bon esprit et de véritable morale face aux problèmes du monde. Les Français devraient être fiers d’eux-mêmes. Merci pour les superbes lettres de soutien pour mon film, et j’espère que chacun d’entre vous aura l’occasion de le voir à sa sortie dans votre pays. Des gens comme vous tous sur ce forum méritent d’avoir la possibilité de voir et de partager ce film avec moi.

Merci Matt Norman Réalisateur / Producteur

"SALUTE - THE PETER NORMAN STORY"

www.salutethemovie.com

www.theactorscafe.com

publicity@theactorscafe.com

voir l’article de Lnela ici :

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=36458

Hello All,

firstly i’m sorry that I can not translate this for you. But here it is in ENGLISH. I wanted to thank all of you for your kind words and incredible support for my best friend and uncle Peter Norman. I am Matt Norman, Peter’s nephew who has just completed a feature film about

Peter’s life and the struggle that he, Tommie and John went through during the 60’s.

I want you all to know that I have had hundreds of letters of support from French people which is very moving to me. French people seem to have a true heart, a true spirit, a true moral to the worlds problems. French people should be proud of themselves. Thank you for the great letters of support for my film and I hope that every single one of you has the opportunity of seeing it when it’s released in your country. People like you all on this forum deserve the opportunity to see and share this film with me.

Thank you.

Matt Norman. Director / Producer

"SALUTE - THE PETER NORMAN STORY"

www.salutethemovie.com

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publicity@theactorscafe.com


Peter Norman 1942-2006 : Un athlète australien qui soutenait la lutte pour les droits civiques aux USA

de Margaret Rees

Il y a de cela 40 ans, le 16 octobre 1968, la cérémonie de remise des médailles aux jeux olympiques de Mexico était convertie en une manifestation symbolique de la lutte contre l’oppression.

Les sprinters noirs américains, Tommy Smith et John Carlos, respectivement premier et troisième du 200 mètres hommes, avaient levé le poing en signe de défiance tandis que résonnait l’hymne national américain. Leur prise de position pour soutenir les droits civiques contre le racisme eut des répercussions dans le monde entier. La photo de leur geste de protestation est devenue l’une des images les plus reconnues dans le monde, après celle du premier alunissage.

Le médaillé d’argent inattendu, l’Australien Peter Norman âgé de 26 ans, arborait, en signe de soutien à ses deux collègues, un badge de l’“Olympic Project for Human Rights” (Projet olympique pour les droits de l’Homme), mouvement de protestation en faveur des droits civiques crée par l’athlète noir Harry Edwards avant les Jeux.

Norman est mort le 3 octobre d’une crise cardiaque. Dans un hommage émouvant, Smith et Carlos se sont rendus en Australie, pour y faire son éloge à ses funérailles le 9 octobre. Ils ont raconté comment ils lui avaient demandé, passant sous le tunnel les conduisant à la cérémonie de remise des médailles s’il les soutenait dans l’action qu’ils avaient l’intention d’entreprendre. Norman avait répondu qu’il soutenait les droits de l’Homme pour tous et qu’il serait des leurs.

Comme un supporter se penchait par-dessus la barrière pour serrer la main de Smith, les trois athlètes lui demandèrent de leur donner son badge du Projet olympique. Norman l’accrocha sur lui et le porta pour marquer son soutien à la manifestation qui se tint sur le podium.

Norman dit à des reporters à Mexico : « Je crois aux droits civiques. Tous les hommes naissent égaux et devraient être traités ainsi. »

Carlos dit aux personnes venues aux funérailles : « N’importe quelle personne jeune et blanche n’aurait pas eu le bon sens, le courage et la fermeté de caractère de rester là. Peter n’a pas bronché. A aucun moment il n’a détourné le regard, à aucun moment il n’a tourné la tête. Il n’a pas même dit « aïe ». Vous avez perdu en lui un soldat remarquable. »

Les funérailles de Norman sont devenues la réaffirmation poignante de ce que ce jour avait signifié. La présence digne de Smith et Carlos a souligné la position de principe adoptée par le trio en 1968. En tête de cortège, devant les personnes qui portaient le cercueil, sur la musique du film « Les chariots de feu » Smith et Carlos ont fait la démonstration du lien durable d’une amitié et d’une solidarité par delà les frontières.

L’effet était palpable sur tous ceux présents à la cérémonie. Comme Jan, l’épouse de Norman l’a dit plus tard : « On avait l’impression qu’il allait se redresser dans son cercueil et dire qu’il était d’accord. »

La période de 1968 à 1975 fut tumultueuse. Pays après pays on assistait à des mouvements massifs de travailleurs, y compris aux Etats-Unis et en Australie.

Dans les années 60, des émeutes avaient secoué les villes américaines. Six mois avant les Jeux olympiques de Mexico, l’assassinat de Martin Luther King avait provoqué davantage d’agitation dans toute l’Amérique. En mai-juin 1968, les travailleurs français organisaient une grève générale qui faillit renverser le gouvernement de De Gaulle.

La manifestation sur le podium était liée aux expériences que les trois jeunes athlètes avaient vécues lors de ces soulèvements, et de la radicalisation qui se produisait parmi les jeunes du monde entier. Tous trois étaient issus de la classe ouvrière.

Par contraste à la glorification de l’individualisme et du succès financier qui dominaient, où des athlètes talentueux sont transformés en produits coûteux, ils adoptèrent une position de principe aux Jeux olympiques et en payèrent le prix.

Le Comité olympique américain, sous la pression internationale, expulsa des Jeux Smith et Carlos. A partir de là, leur vie et leur carrière dans l’athlétisme international furent brisées.

Norman aussi subit une punition officielle. Le représentant olympique australien, Ray Weinberg a dit aux funérailles que bien que Norman se qualifiait en tous points de vue pour les Jeux olympiques de Munich de 1972 il avait été délibérément écarté quand l’équipe australienne avait été sélectionnée.

Steve Simmons, représentant d’USA Track and Field (Athlétisme américain) dit lors des funérailles combien il s’était mis en colère lorsqu’il s’était rendu compte qu’on avait ignoré Norman et qu’il n’assistait même pas aux Jeux olympiques de Sydney en 2000. Il s’était arrangé pour que Peter et Jan Norman y assistent et leur avait donné sa chambre d’hôtel et avait dormi sur un lit de fortune dans la chambre de l’entraîneur.

Jan Norman a dit : « Steve Simmons pensait que personne en Australie ne s’en préoccupait [de Peter Norman]. Et c’est là que, pour la première fois, je me suis rendu compte de ce que Peter représentait pour eux. Ils nous traitaient comme des rois.Je dormais presque debout lors des Jeux olympiques tant nous étions conviés à des réceptions. Nous y avons rencontré la petite-fille de Jesse Owen, qui nous a dit qu’elle était honorée de rencontrer Peter Norman. C’est là que j’ai commencé à comprendre comment ils voyaient la chose. »

Jesse Owens était l’athlète noir américain qui avait gagné quatre médailles d’or, dont le 200 mètres, aux Jeux olympiques de Berlin d’Hitler en 1936, démentant à merveille les théories raciales nazies. Owens avait soutenu la position prise par Smith et Carlos en 1968.

Des lettres envoyées aux journaux ont fait remarquer que le premier ministre australien John Howard ne s’était pas précipité aux funérailles de Peter Norman comme il l’avait fait à celles du « chasseur de crocodiles » millionnaire Steve Irwin. Et pourtant Norman détient toujours le record australien du 200 mètres à 20 secondes 06 et que ce temps aurait gagné une médaille d’or aux Jeux olympiques de Sydney. Quand un film des derniers 50 mètres foudroyants de sa course de Mexico a été visionné lors des funérailles, le public a applaudi spontanément.

Le 9 octobre a été proclamé jour de commémoration de Peter Norman par l’USA Track and Field, ce qui représente un honneur sans précédent.

L’athlète olympique Michael Johnson a fait parvenir un message aux funérailles. « J’ai entendu parler de Peter Norman lorsque je suis devenu un grand admirateur et fan de Tommy Smith et John Carlos, pas seulement pour ce que ces hommes ont accompli dans le domaine de l’athlétisme, mais pour le courage et la bravoure dont ils ont fait preuve en prenant position pour ce en quoi ils croyaient sur le podium des Jeux olympiques de Mexico en 1968. »

« J’ai beaucoup lu sur cette histoire et j’ai beaucoup de respect pour Peter Norman, athlète australien bien loin des questions controversées que Smith et Carlos combattaient, et qui avait décidé de participer à leur protestation... Ils auraient tous trois pu célébrer de façon égoïste leurs nombreuses années de dur labeur et le point culminant de ce travail intense qui les avait conduits au succès à Mexico. Au lieu de cela, ils ont décidé d’utiliser ce moment pour attirer l’attention du monde sur une cause plus grande. Peter Norman n’était pas seulement un athlète remarquable, c’était aussi un homme remarquable. »

Les centaines de personnes venues lui rendre un dernier hommage étaient le reflet du large éventail des centres d’intérêt de Norman, parmi lesquels on compte des groupes sportifs et son travail d’acteur dans une troupe de théâtre de restaurant connue sous le nom de Circle Players. Des dizaines d’enseignants sont venus des écoles secondaires des banlieues ouest de Melbourne, des collègues de Norman lorsqu’il travaillait comme professeur d’éducation physique ainsi que de son épouse.

L’une des personnes qui portaient son cercueil, Colin Stevens, professeur de dessin qui connaissait Norman depuis plus de 35 ans dit : « Je ne me suis jamais intéressé au sport, je n’avais jamais vraiment pensé à ce record olympique. Je le considérais tout simplement comme un ami sur lequel je pouvais compter si jamais j’avais des problèmes. »

Norman avait travaillé comme professeur pendant 20 ans à Williamstown Technical School, où il était représentant syndical dans le syndicat des professeurs du technique, et il avait souvent été choisi comme porte-parole de délégations syndicales. Une fois, comme les enseignants étaient en grève au même moment que les ouvriers des docks de Williamstown, tout à côté, Norman avait pris la parole, en tant que représentant des enseignants à une assemblée générale des dockers leur apportant un message de solidarité dans la salle même où ses funérailles se sont déroulées.

L’adhésion des enseignants à un syndicat était alors la norme, et grèves et manifestations étaient liées au désir de faire qu’une éducation de qualité soit un droit pour tous. A partir des années 80, la dégénérescence des syndicats a vu ces syndicats et le gouvernement travailliste d’Etat et fédéral infliger défaite après défaite à la classe ouvrière.

Avec la diminution du militantisme dans les écoles, il y a eu un recul des acquis obtenus. Bien que la photo de sa course aux Jeux olympiques de Mexico trônait dans la grande salle du lycée, les diplômes d’enseignant de Norman furent remis en question et il fut renvoyé de la profession de façon sommaire. Il fut contraint de revenir à son ancien métier, celui de boucher. Il réussit cependant à se défendre et fut rétabli dans ses fonctions à Melton Technical School où il travailla pendant un moment avant d’être embauché par le département à la Jeunesse, aux ports et aux loisirs.

L’année dernière, l’université d’Etat de San Jose commémora l’événement de Mexico par une statue, et Norman assista à la cérémonie d’inauguration. Cela ne lui posa pas de problème de voir que la statue l’avait exclu et cette réaction est liée à son attitude modeste eu égard son propre rôle en 1968. « Je n’étais qu’un galet jeté dans des eaux profondes et dormantes », dit-il à Smith.

Cinq enfants survivent à Norman, Janita, Sandy et Gary de son premier mariage et Belinda et Emma de son second.

Le neveu de Norman, Matt, a fait un film sur la vie de son oncle. Quand le site Internet du film a été relié à Google après la mort de Norman, le site a été visité 850 000 fois en l’espace d’une semaine, et de nombreux visiteurs ont envoyé des messages de condoléances.

Cette statistique à elle seule indique que la conscience populaire s’éveille et qu’il y a un intérêt profond pour les principes égalitaires malgré le barrage médiatique continu pour réduire le sport et tout autre aspect de la vie sociale à l’intérêt personnel cupide.

(Article original anglais paru le 23 octobre 2006)

http://www.wsws.org/francais/News/2...


1968 dans le monde, le déclic Les JO rattrapés par la politique

Lors de la remise des médailles, les deux coureurs afro-américains Smith et Carlos, brandissent leur poing ganté, en défense de la cause noire.

de Michel EmbarecK

« Il se passera certainement quelque chose. » La confidence du sprinter américain Mel Pender avait confirmé, début octobre 1968, le pressentiment du journaliste français Robert Parienté. Ces Jeux ne seraient pas comme les autres. Que se passerait-il ? A cet instant, les protagonistes du coup d’éclat l’ignoraient eux-mêmes.

Le séisme de 68 va fendre les murs d’une citadelle olympique restée presque hermétique à la guerre froide, malgré la Corée, l’Algérie, le Vietnam, l’expédition de Suez et une décolonisation souvent sanglante. Après leur renaissance à Londres en 1948, les JO avaient connu deux décennies d’une trêve fragile. Le temps pour un athlète né au lendemain d’Hiroshima d’accrocher l’or à son cou en prenant subitement conscience de l’Histoire en marche.

Au cœur même du village olympique de Mexico apparut une banderole « Down With Brundage » (« A bas Brundage »), contestant l’autorité du président américain du Comité international olympique. Un homme aux sympathies nazies affichées, qui, en 1936, alors président du comité olympique américain, avait écarté les deux seuls sportifs juifs de sa délégation.

Sur le podium du stade Aztèque, à 2 250 mètres d’altitude, des hommes - et non des nations - s’emparèrent de la tribune sportive. En cela, l’événement demeure une exception en même temps que l’expression ultime d’une année charnière. Ces Jeux ne furent pas pris en otages par un régime, un pays, un commando terroriste ou un continent mais utilisés par des champions solidaires de leur communauté en lutte. De ces

Jeux, l’Histoire ne conserve qu’une image : deux poings brandis vers le ciel. Parfait résumé de 68. D’autant qu’il s’agissait d’un geste partiellement improvisé.

Fraternisation

En débutant par un massacre, les Jeux de Mexico marquent la fin de la prétendue innocence olympique. Le 2 octobre, au terme de plusieurs mois d’agitation sociale, l’armée ouvre le feu sur une manifestation étudiante, place des Trois-Cultures, au cœur même de la capitale. Au moins 300 morts pour prix de l’ordre rétabli à quelques jours de la cérémonie d’ouverture. Inutile record du monde de la répression établi par le président mexicain Gustavo Díaz Ordaz avec, selon l’ex-agent Philip Agee, l’appui de la CIA. Sa meurtrière pax olympica fut balayée

par des Dieux du stade.

Aux Etats-Unis, l’année marque la radicalisation et l’extension de l’ensemble des courants contestataires dont l’élément fédérateur est le rejet de la guerre du Vietnam. La colère de la communauté noire éclate après l’assassinat, le 4 avril à Memphis (Tennessee), de Martin Luther King. De véritables insurrections se propagent dans les ghettos de presque 200 grandes villes.

A leur arrivée à Mexico, la plupart des concurrents américains, noirs et blancs confondus, arborent un badge barré de la mention « Projet olympique pour les droits de l’homme ». Le sprinter John Carlos et le sauteur en longueur Ralph Boston ont écarté l’idée de « boycott » ou de « sabotage » des JO mais promettent « d’affirmer leur position contre l’injustice, le racisme qui frappent les Noirs aux Etats-Unis ».

Première manifestation de cette prise de conscience, une surprenante scène de fraternisation dans l’immeuble où logent les délégations africaines. Les Noirs américains en ressortent vêtus de boubous, portant des bijoux ethniques offerts par leurs « brothers ». Le mot étonne et réjouit les Africains jusqu’alors plus ou moins ignorés par leurs adversaires. « Tous les Noirs du monde doivent maintenant et de plus en plus se soutenir. Il est nécessaire que ceux d’Amérique trouvent leur identité vraie », » explique Mel Pender.

Une semaine plus tard, le 16 octobre, la stupeur frappe le public du stade Aztèque lors de la cérémonie protocolaire du 200 mètres masculin. Un épisode éclipsé en France par la victoire, le même jour, de la quasi inconnue Colette Besson sur 400 mètres.

Salut Black Power

Sur la poitrine des trois médaillés, le badge « pour les droits de l’homme ». Bénigne entorse au règlement par rapport aux minutes qui vont

suivre. Aux côtés de l’Australien blanc Peter Norman, les deux Américains Tommie Smith et John Carlos, respectivement médaille d’or et de bronze, portent un gant de cuir noir ; le bas de leur pantalon retroussé découvre des chaussettes noires sans chaussures. Quand retentit

The Star-Spangled Banner, ils baissent les yeux, refusant de fixer les drapeaux, et brandissent le poing. Ce salut Black Power provoque de brèves bagarres dans les tribunes entre spectateurs mexicains enthousiastes et Américains outrés.

Aussitôt descendus du podium, très calmes, Smith et Carlos confient avoir ainsi « protesté contre l’indignité dans laquelle sont tenus les citoyens de couleur aux Etats-Unis. Nous ne représentons pas ici notre pays mais le peuple noir. Les Blancs pensent que nous sommes des animaux. Ils nous traitent comme des chevaux de cirque auxquels on offre des cacahouètes ». Des années après, on apprendra que Norman qui « croyait en Dieu et en la justice » avait suggéré l’idée du partage de la paire de gants, Carlos s’apercevant, à quelques minutes de la cérémonie, qu’il avait oublié les siens ! Lors de son enterrement, en 2006, Smith et Carlos porteront le cercueil de cet ami indéfectible.

Demeure toutefois une ambiguïté dans l’attitude des deux sprinters. L’absence de chaussures symbolisait-elle, comme ils l’affirmeront ultérieurement, la pauvreté de leur communauté ? Rien n’est moins sûr. Depuis l’été, un conflit opposait leur sponsor aux instances internationales au sujet de pointes jugées non conformes… D’ailleurs, celles-ci reposaient à leurs pieds sur le podium.

Béret guévariste

Le surlendemain, Lee Evans, Ron Freeman et Larry James, auteurs du triplé sur 400 mètres, montent sur le podium coiffés du béret guévariste, emblème des Black Panthers dont les deux premiers sont militants. A la différence de Smith et de Carlos, exclus sur-le-champ du village olympique et bannis à vie des JO, ils ne seront pas sanctionnés puisque l’équipe américaine avait besoin d’eux pour le relais 4 x 400 mètres. Noirs, ces Jeux le furent au-delà de l’image choc gravée dans la mémoire collective. Pour la première fois, la finale du 100 mètres réunit huit sprinters de couleur dont le Français Roger Bambuck (cinquième). Bob Beamon réalisa au saut en longueur un bond d’extraterrestre en franchissant 8,90 mètres (un record qui tiendra presque trente ans). Les Africains entamèrent leur règne sur les longues distances en remportant toutes les courses, du 1 500 mètres au marathon.

En Californie, sur le campus de l’université de San Jose, une statue célèbre depuis peu le geste de Smith et de Carlos. Et une révolution éclose à Mexico est passée à la postérité : celle allumée par Dick Fosbury, champion olympique du saut en hauteur, en tournant le dos à la barre. Une pratique alors inédite et symbolique aussi de l’époque.

le Temps des citrons, Folio.

http://www.liberation.fr/transversa...

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