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de Nicola Tranfaglia, traduit du français par karl&rosa
Au sein des forces qui se réclament de la gauche circulent ces dernières années des réflexions et des changements d’avis naissant encore une fois d’un scénario mondial de plus en plus difficile à interpréter et agissant d’une façon directe à l’intérieur des vieux États nationaux.
Il est clair, désormais, que la crise de la démocratie est un phénomène qui ne concerne pas que les Etats-Unis, un point de référence important deux cents ans durant, ou la Russie post-communiste qui ressemble dangereusement à une dictature à peine déguisée.
Les processus d’hyperpersonnalisation de la politique et de rapprochement ambigu entre la droite et la gauche dans certaines contingences poussent des représentants de la gauche parlementaire à se poser le problème d’une nouvelle plateforme programmatique qui soit vraiment alternative à celle de Bush mais aussi à celle de Blair.
C’est ainsi que trois auteurs comme Pietro Folena, Alessandro Genovesi et Paolo Nerozzi, longtemps liés au parti des Démocrates de gauche, confient à un essai, polémique mais constructif, ("Senza aggettivi", Baldini Castoldi Dalai editore, pp.285, 13,90 euros) une ample réflexion sur la situation actuelle et sur le nouveau chemin à emprunter.
Le point central du raisonnement part du dessein des néo conservateurs qui a dans la présidence américaine de George W. Bush un exécutant ponctuel et qui se réalise à travers la théorie de la guerre préventive, de l’occupation du Moyen Orient en tant que source privilégiée de pétrole et de la rivalité évidente avec une Europe à 25 menaçant du point de vue économique et monétaire la superpuissance américaine.
Les auteurs mettent justement à jour, à côté de la force militaire, la primauté scientifique et technologique américaine qui risque d’empêcher les Européens d’acquérir en temps utile les instruments pour maîtriser les technologies nécessaires à la construction de nouveaux systèmes énergétiques aptes à remplacer graduellement le pétrole.
Mais la réflexion la plus intéressante à plusieurs égards qui se trouve dans l’essai de Folena, Genovesi et Nerozzi concerne, à mon avis, les formes de la démocratie au vingt-et-unième siècle qui ont besoin d’un radical renouveau non seulement dans les mécanismes de sélection des classes dirigeantes, mais aussi dans les modalités de fonctionnement de la politique, dans une nouvelle représentation du travail et du savoir qui a manqué jusqu’à la fin du siècle dernier et qui a été à la base de la substantielle subalternité d’une partie de la gauche aux sirènes de la nouvelle droite.
Le thème de la centralité de la bataille culturelle revient dans le raisonnement développé par les auteurs ainsi que ceux de l’austérité et de la question morale qu’Enrico Berlinguer eut le mérité de soulever au début des années Soixante-dix, quand une grande partie des hommes de la gauche défendaient un modèle de parti qui n’existait plus et qui s’était fortement homologué aux autres forces politiques.
La participation d’en bas à l’effort programmatique ainsi qu’au fonctionnement des institutions est considérée, sur la base de l’exemple de Porto Alegre ou du nouveau rôle de protagoniste des Pays émergents comme la Chine, le Brésil et l’Inde, comme un élément important pour la construction d’une gauche en mesure de représenter un plus grand nombre de classes sociales et de conquérir les gouvernements des principaux Pays européens, à commencer par l’Italie.
Les auteurs ne mettent pas en discussion les raisons d’une large alliance dirigée par Romano Prodi mais leur avis est qu’il faut une révision programmatique approfondie de la plateforme qui guida aux années ’90 le centre-gauche et qui le conduisit de facto à une nouvelle défaite en 2001 face à la coalition rassemblée par Silvio Berlusconi.
L’essai, toutefois, considère beaucoup plus les problèmes planétaires que les problèmes nationaux, parce que le problème d’une gauche nouvelle n’est pas une caractéristique nationale mais qu’il concerne aussi tous les Pays européens, de l’Allemagne à la Grande Bretagne.
Par rapport à l’obsession du "centre" qui semble être au dessus de tout dans les deux coalitions qui se font face, il y a ici la recherche d’un chemin nouveau ayant peu à faire avec le passé communiste ou avec l’étatisme et qui se mesure, au contraire, à la nécessité d’un réel renouveau du socialisme européen, une recherche attentive à ce qui se passe dans les pays en voie de développement et consciente de la crise actuelle de la démocratie occidentale.
De ce point de vue, on peut conclure que le lecteur trouvera dans le livre des stimulations et des suggestions d’un certain intérêt dans une recherche importante même si elle n’en est encore qu’à ses débuts.
Messages
1. > Le monde vu de gauche, 21 janvier 2006, 09:30
Nions alors, l’existence de la lutte des classes et la confiscation des pouvoirs pour le compte d’une une minorité de privilègiés. Nous ne comprendrons pas davantage pourquoi pour conquérir ou asseoir son pouvoir la classe dominante s’appuie le "centre" c’est à dire les classes moyennes (d’opinion de droite ou de gauche) qui résistent mieux pour le moment à la crise du Capitalisme que les classes populaires, et qui n’ont pas d’intérêt immédiat à changer la société.Le reste n’est qu’habillage, la Démocratie n’étant tolérée que dans la limite où elle ne bride pas les intérêts de la classe dominante et ses alliés. Ce n’est pas une analyse originale que de penser que le Capitalisme se fiche des Etats nationaux, de leurs diversités culturelles et démocratiques , de leurs institutions qui sont un frein à sa fuite en avant . Il n’y a pas de "post", et le monde ne s’explique pas uniquement par des systèmes.Pas de "post-communisme" parce qu’en ex-URSS, l’idéal Communiste fut abandonné très vite par le Peuple (comme en France souvent et aujourd’hui encore par rapport aux idéaux de la Grande Révolution) entre les mains des "bureaucrates" ou "technocrates" opportunistes "instruits" ( l’élite dans un sens large) qui se transformèrent par la force des choses en classes dirigeantes puis possédantes. Il n’y a pas de "post-communisme" parce que les mêmes ont succédé aux mêmes sans rupture, sans heurts majeurs, parce qu’il n’y a jamais eu de Communisme. Par contre, il serait utile un jour de faire l’inventaire du "bilan partiellement positif " de ces pays, cela pourrait nous inspirer dans une construction programmatique de "gauche".Pour le moment, il serait malvenu de réclamer la suppression des "stock options". Je suis un démagogue.
1. > Le monde vu de gauche, 21 janvier 2006, 11:18
Lénine a parlé et a raison sur tout.
Tellmarch
2. > Le monde vu de gauche, 21 janvier 2006, 14:34
Sinon le thème du bouquin me semble très prometteur et, apparemment, traîte de questions qui turlupinent pas mal de gens depuis pas mal de temps sur une série d’évolutions du capitalisme et leurs consequences depuis une vingtaine d’années.
La destruction et le laminage de couches sociales et de classes sociales (professions libérales, petits commerçants, paysans, cadres, fonctionnaires, etc) auparavant alliées du système dans beaucoup d’états-nations crée une situation inédite (la bourgeoisie se retrouve dans l’affaire toute nue).
La réapparition de secousses sur l’influence des représentations politiques dans toute une série de grands pays exprime l’instabilité produite par l’agression généralisée de la bourgoisie contre toutes les autres classes sociales (sans parler de sa capacité à détruire même les hommes et les femmes qui la compose) et son isolement.
Agression diminuant les possibiltés d’alliance construite sur un deal entre travailleurs et patrons pour aller à la caricature tuant le moteur politique même d’une politique social-démocrate ou reformiste (qui ne peut exister que si il y a grain à moudre)
Agression contre les couches sociales spécifiques qui donnaient des forces sur la droite à la bourgeoisie.
Les érosions et secousses politiques ne sont que contre-coups de cette toile de fond.
De plus se produisent des divergences profondes entre ceux qui veulent construire rapidement un monde sans régulation et se passer de la démocratie, même dans ses limitations historiques et ceux qui ont du mal à s’extraire du périmètre des états-nations.
L’affaiblissement de la démocratie conjugué à la sanctification de l’interdiction de tout regard sur les échanges financiers intra-UE et entre l’UE et le reste du monde, à une montée en puisance de tentative de dé-régulations explosives sur les services, dans le cadre du TCE, participaient à cette évolution d’une partie des désirs grands-bourgeois.
Le TCE n’était pas une bataille exotique et secondaire, mais touchait au coeur de l’essentiel.
Cette bataille n’est pas finie et se represente à peine 6 mois après le refus populaire ....
Le TCE était bien une bataille qu’il ne fallait pas laisser passer. l’apparition de forces à gauche de la gauche réformiste exprime également un début de réactions face à l’inefficacité des partis socialistes, travaillistes et socio-democrates à defendre les interets de la population.
Et bien sûr la soumission de la gauche de défense des populations à la gauche abdiquante comme la représente si bien l’ami TCIste Romano Prodi ont été une grosse bêtise, une grosse erreur.
La question des médias, surtout dans leur tournure actuelle concentrée, prends il est vrai une vigueur particulière...
La réponse sur ce terrain s’articule en grande partie autour du média qui va devenir dominant à l’avenir, c’est à dire le net.
Defendre son extension, défendre sa gratuité, batailler contre sa privatisation, empêcher que des interets privés arrivent à le controler, sont des batailles très importantes.
Je pense là par exemple à la tentative de légalisation de l’espionage privé, de destruction de l’utilisation de logiciels libres, que représente la loi liberticide qu’essaye de faire passer un gouvernement soumis aux interets de quelques uns.
La question de la démocratie, ainsi que la question des libertés individuelles et collectives qui la soutendent, reviennent également au premier plan.
Copas
3. > Le monde vu de gauche, 23 janvier 2006, 19:57
Si la Bourgeoisie était nue, nous serions dans une situation pré-révolutionnaire, mais où en sont les classe sociale opprimées qui seraient les moteur de ce mouvement d’ensemble ? Je ne vois pas , à moins que nous vivions un de ces jours une situation comparable à celle des citoyens de l’ex-RDA lors de l’écroûlement du mur de Berlin, avec l’implosion du Pouvoir et de l’État ? Et une reprise en main par l’Armée et les forces de répression policière ? Toujours est-il que comme l’écrivait E. HOBSBAWN la parenthèse des guerres mondiales chaude (1939-1945) et Froide, s’est refermée, et la Crise du Capitalisme "Occidental" reprend son cours, mais jusqu’où ira-t-elle ? Quelles forces pour reconstruire autre chose ? Quelles soufrances à venir pour nos peuples, et pas seulement pour les jeunes ? Quant au livre, je ne le lirai pas, dans la mesure où ce n’est pas aujourd’hui qu’on a découvert que le Capitalisme ne tolère la Démocratie que tant qu’elle ne gêne pas son expansion.
4. > Le monde vu de gauche, 24 janvier 2006, 08:14
Non seulement la bourgeoisie est nue mais en plus elle est fragmentée...
Elle se permet celà, elle croit pourvoir se le permettre car elle a infligé une défaite de grande ampleur aux travailleurs à la fin des années 70 et dans les années 80 et 90. De plus ce qui représentait dans son imaginaire idéologique son enemi de "classe", les dictatures des pays de l’Est, s’est écroulé.
Mais la faiblesse actuelle de la bourgeoisie dans ses alliances dans les vieilles démocraties ne crée pas des organisations de travailleurs, ne transforme ces derniers en révolutionnaires....
Il y a du boulot, un boulot immense devant pour trouver de nouvelles strategies, de nouveaux contenus, ...
Copas