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Le phénomène Syriza : « radiographie » de son vote évolution de ses positions II

par FIVOS MARIAS

Publie le vendredi 8 juin 2012 par FIVOS MARIAS - Open-Publishing

3. 2. Diabolisation de SYRIZA, « auto-dédiabolisation » et réalité

Les médias et les hommes politiques (en Grèce et au niveau européen) essayent de présenter SYRIZA comme le choix politique qui conduira la Grèce et l’Europe à la catastrophe.

C’est quand même extraordinaire de voir ceux qui ont directement ou indirectement conduit la Grèce au bord de la catastrophe se présenter pour une énième fois comme des sauveurs et traiter SYRIZA comme la force de catastrophe. Une fois de plus, nous sommes en train de vivre une déformation de la réalité.

Pour convaincre les électeurs, les opposants de SYRIZA les plus extrémistes traitent SYRIZA de parti communiste, de parti de l’extrême gauche. Ils utilisent même les vieux arguments comme : « les communistes de SYRIZA vont vous prendre les maisons, la nourriture et les femmes » etc. Il s’agit des mêmes arguments utilisés durant la guère civile et la dictature contre le camp communiste. Les opposants de SYRIZA les plus modérés traitent SYRIZA de parti antieuropéen qui conduira la Grèce à une sortie de l’euro et à la drachme.

Face à cette tentative de diabolisation de SYRIZA, Tsipras et SYRIZA répondent avec leurs positions. Tout d’abord, Tsipras explique qu’il n’est pas un dirigeant de l’extrême gauche mais d’un parti démocratique de gauche [1]. Concernant les accusations de ses adversaires, il explique que c’est le mémorandum et la politique d’austérité qui conduisent à une perte des maisons des gens.

Pour répondre aux attaques, SYRIZA et Tsipras répètent leurs positions. Le SYRIZA est bien un parti politique favorable à l’U.E. et au maintien du pays dans la zone euro. Bien évidement, ils veulent une autre Europe. Tsipras dit que si nous (la Grèce) sommes arrivés là, c’est parce qu’il y a jamais eu une vraie négociation avec l’U.E. et il pense qu’il est capable de faire cette négociation. De plus, il ajoute qu’il est favorable à la recapitalisation des banques comme nous avons expliqué précédemment.

Tsipras explique que la crise grecque est en réalité une crise européenne qui risque de conduire l’Europe toute entière à la catastrophe. Il rajoute que l’argent des contribuables européens alimente pour l’instant un puits sans fond [2] parce que la politique appliquée, celle de la Troika, ne peut pas fonctionner. Il essaye de se présenter comme la personnalité politique qui veut sauver l’argent des citoyens européens contrairement aux actuels dirigeants de l’U.E.

De plus, Tsipras, pour renforcer son profil de personnalité politique non dangereuse, a effectué un certain nombre de réunions avec des personnalités politiques. Il a eu l’occasion de discuter avec le social-démocrate du SPD et président du Parlement européen Martin Saultz [3] qui a même déclaré à la fin de la réunion qu’il ne connaissait Tsipras que par la télévision et les média, mais que de près il était moins dangereux que ce qu’on lui avait présenté [4]. Dans cette stratégie d’auto dédiabolisation Tsipras a essayé sans succès de rencontrer François Hollande et Angela Merkel. Il a aussi effectué des réunions avec ses confrères politiques en France et en Allemagne (le Die Linke, le FdG et le PCF). Lors de ces voyages, il a aussi rencontré des dirigeants du PS, du SPD et des Verts [5].

La réunion qui à notre avis pose le plus de questionnement est celle que Tsipras a fait avec le nouvel ambassadeur de l’Allemagne en Grèce. Cette réunion a bien été annoncée [6] mais il n’y a eu aucune information sur son déroulement. Nous n’avons trouvé aucune information sur internet sur sa tenue. Selon le Guardian elle a bien eu lieu [7]. Peut-être qu’elle n’a pas eu lieu, mais la volonté même de Tsipras de rencontrer l’ambassadeur de l’Allemagne pose à notre avis beaucoup de questionnements d’un point de vue symbolique. La Grèce est un pays avec une histoire très marquée par les relations entre les dirigeants des partis politiques (notamment les relations de la droite, du centre et du PASOK) et les ambassades étrangers (notamment celle des USA). A notre, avis, ce type de réunion est une tentative « d’autodédiabolisation » de SYRIZA en présentant ses positions à ses futurs interlocuteurs européens.

Une phrase qui revient beaucoup en ce moment chez les hommes politiques grecs, aussi bien à gauche qu’à droite, est que suite aux résultats du 6 mai, en Grèce et en France, la donne change en Europe. Tsipras explique que le vote du peuple grec délégitime le mémorandum [8] et lui donne le poids pour négocier avec l’U.E. De plus, Tsipras, comme d’ailleurs beaucoup d’autres hommes politiques grecs, à gauche comme à droite, pense que l’élection de François Hollande change le paysage politique en Europe [9] et offrira à la Grèce de nouvelles possibilités de négociations au sein de l’U.E. Même si le nouveau Premier Ministre français, Jean-Marc Ayrault, se positionne pour que les Etats puissent se financer directement auprès de la BCE [10], position défendue d’ailleurs par SYRIZA et le FdG, nous savons bien que le PS est lié à la logique social-libérale et que le peuple grec ne peut en aucun cas compter sur ce gouvernement pour un éventuel soutien.

Cette position est renforcée par les déclarations de Laurent Fabius qui tacle Tsipras en déclarant que les Grecs ne peuvent pas se prononcer pour des formations qui les feraient sortir de l’euro [11]. Des déclarations similaires qui attaquent directement ou indirectement le SYRIZA ont été effectuées par plusieurs dirigeants européens. Il est à noter qu’à chaque fois ces déclarations ont été utilisées en Grèce par les médias et les partis politiques pro-mémorandum pour convaincre les électeurs et surtout semer la peur et renforcer l’argument qui veut que le vote à SYRIZA serait synonyme de sortie de l’euro pour la Grèce.

3. 3. Le vote utile

Durant la période électorale SYRIZA a utilisé l’argument du vote utile face aux autres composantes de la gauche et surtout face à l’extrême gauche. Les militants de SYRIZA répétaient à plusieurs reprises que le vote pour les autres formations de la gauche était complètement inutile et que le seul vote utile était celui pour SYRIZA [12]. La logique du vote utile existe en Grèce (comme en France d’ailleurs) depuis très longtemps. L’argument du vote utile a été utilisé avec grande réussite dans les années ’50-‘60 par le centre (Enosi Kentrou) pour affaiblir E.D.A (la gauche unie). Ensuite, le PASOK a systématiquement fait recours à cet argument pour affaiblir la gauche et surtout SYNASPISMOS. C’est scandaleux de voir SYRIZA, une formation qui a autant souffert de la logique du vote utile, utiliser cette arme électorale face aux autres formations de la gauche.

3. 4. Déficit de démocratie interne au sein de SYRIZA

L’article de Yorgos Mitralias [13] explique « l’histoire de la constitution » de SYRIZA et fournit aussi quelques détails par rapport aux organisations qui composent SYRIZA. Un problème structurel de SYRIZA qui n’est jamais [14] mentionné est le déficit de démocratie interne. SYRIZA est un front d’organisation. Le pas vers la constitution d’un autre modèle organisationnel plus démocratique n’a pas encore été franchi malgré le fait que SYRIZA existe depuis 2004 et qu’il a traversé plusieurs crises.

La justification-explication avancée face à cette critique était que l’aile social-démocrate de SYNASPISMOS (qui a donné naissance à la Gauche Démocrate, Di.Mar.) posait un veto face à une telle évolution et que, pour éviter les problèmes internes au sein de SYNASPISMOS, une telle possibilité était exclue. Depuis 2010 l’aile droite de SYNASPISMOS est partie mais SYRIZA n’a toujours pas procédé à des évolutions organisationnelles. Ceci pose beaucoup des questions concernant la volonté de SYNASPISMOS de transformer SYRIZA à un outil démocratique au-delà du simple front d’organisation. De plus, la composante majeure de SYRIZA est SYNASPISMOS. SYNASPISMOS est la composante la plus importante pas seulement d’un point de vue organisationnel (SYNASPISMOS et son organisations de jeunesse comptent beaucoup plus de militants que toutes les autres organisations de SYRIZA), mais aussi d’un point de vue financier, idéologique et politique. SYNASPISMOS a une influence assez importante au sein de certaines couches de la société grecque. Le journal de SYNASPISMOS, Avgi, est le journal historique d’EDA des années ’60 avec une influence importante au niveau national.

Concernant le fonctionnement interne de SYRIZA, il existe des assemblées générales (A.G.) de SYRIZA par quartier-ville. Ces assemblées élisent des délégués pour la conférence nationale de SYRIZA. L’élection des délégués se fait sur une base de pourcentage afin de représenter à la fois les organisations qui participent au front et les militants de SYRIZA qui n’appartiennent pas une organisation. Ensuite, la conférence nationalz vote le programme de SYRIZA et élit également un comité de coordination national. Ce comité élit le bureau du comité qui constitue en réalité la direction de SYRIZA.

Bien évidement le système de représentation de SYRIZA, avec les différents pourcentages pour les organisations et les « non-alignés » etc., fait en sorte que les militants de SYRIZA qui n’appartiennent pas une organisation ne pèsent presque pas du tout au sein de SYRIZA. De la même façon, la représentation médiatique et politique de SYRIZA revient à une majorité écrasante aux membres de SYNASPISMOS. En réalité, indépendamment du programme et du travail de SYRIZA c’est SYNASPISMOS qui porte médiatiquement les positions de SYRIZA et « tient les clés de la boutique ». Cette affirmation est confirmée et renforcée même par le fait que parmi les 52 députés de SYRIZA seulement 4 appartiennent à une composante [15] autre que SYNASPISMOS ou ne sont pas des ex-cadres du PASOK qui l’ont quitté suite à l’application des mémorandums. Parmi ces 4, la DEA obtient une député et KOE trois, alors que SYRIZA est composé de 12 composantes au total []. KOE (Organisation Communiste de Grèce) est une organisation qui se dit maoïste. En réalité KOE est l’organisation la plus importante après SYNASPISMOS au sein de SYRIZA. Elle s’est transformé depuis quelques années en bras droit de la direction de SYNASPISMOS, à tel point qu’une crise interne a éclaté il y a six mois et aujourd’hui le député Hatzilambrou de SYRIZA et de KOE (pourtant un ancien de KOE, ex du PC-ml) déclare à la presse : « je ne suis plus mao, je suis de la gauche normale » [16]. De plus, KOE, organisation qui défendait l’annulation de la dette et la sortie de l’euro, a été obligé de changer sa position le 21 mai dernier. Elle explique que son changement de position s’effectue pour préserver SYRIZA face aux attaques médiatiques mais elle rajoute qu’il s’agit d’un vrai changement de position [17].

La question de l’annulation de la dette disparaît et avec ce texte KOE s’aligne complètement, en ce qui concerne ses positions politiques, sur la direction de SYNASPISMOS.

Le cas de KOE est représentatif de la situation au sein de SYRIZA. En réalité le grand pôle au sein de SYRIZA, la direction de SYNASPIMOS, arrive à imposer directement ou indirectement ces positions. Toutes les autres composantes acceptent de se soumettre en faisant toute concession politique demandée par les médias ou SYNASPISMOS afin d’espérer récupérer des postes de député gracieusement offerts par le « pontificat » du « front », la direction de SYNASPISMOS.

Dernier point concernant « la vie interne » de SYRIZA, Tsipras a déclaré que SYRIZA serait bientôt refondé et se transformera en un mouvement démocratique de gauche [18]. A noter que SYRIZA veut dire en grec regroupement de la gauche radical. Qu’en devenu la gauche radical dont SYRIZA se réclamait ?

Les propos autour de la refondation de SYRIZA rappellent beaucoup les- déclarations de tous les chefs du PASOK depuis sa création qui expliquaient que le PASOK était « le grand mouvement démocratique en Grèce » et par conséquent le pôle gouvernemental à gauche en Grèce. Cette analyse était l’explication théorique et politique du bipartisme PASOK-N.D. en Grèce que SYRIZA comme toute la gauche a toujours sévèrement critiqué.

Peut-être que Tsipras essayera de transformer SYRIZA comme futur et unique pôle gouvernemental de la gauche grecque pour remplacer le PASOK au sein du bipartisme. En tout cas, les média grecs parlent déjà du nouveau dipôle SYRIZA-N.D : des cadres de SYRIZA reprennent souvent ces termes et expliquent que cette bataille politique se joue entre le SYRIZA et la N.D.

Le temps montrera dans quelle direction se déroulera cette refondation de SYRIZA aussi bien sur le plan organisationnel que sur le plan idéologique. Néanmoins, il est regrettable de voir le SYRIZA reproduire la logique du bipartisme qu’il a, tout comme le KKE et l’extrême gauche grecque, toujours combattu.

3. 5. Avec qui gouverner ?

3. 5. a. Le cas de la Di.Mar.

Cette question est centrale pour SYRIZA comme aussi pour toute formation politique qui prétend vouloir gouverner le pays. SYRIZA se prononce pour un gouvernement de gauche. Les deux partenaires parlementaires potentiels sont le KKE (PC grec), très hostile à l’idée même d’un gouvernement avec SYRIZA, et Di.Mar.

Comme nous avons expliqué précédemment Di.Mar. est un parti issu de l’aile droite, social-démocrate de SYNASPISMOS. Di.Mar. a aussi récupéré quelques anciens cadres de PASOK et surtout des députés du PASOK qui ont voté le mémorandum. Certaines personnes expliquent que la scission de Di.Mar. de SYNASPISMOS est la garantie qui éviterait un glissement de SYRIZA plus à droite. Comme nous avons déjà expliqué précédemment celle-ci s’effectue de toute manière. Mais cette « droitisation » a lieu à notre avis pour séduire la Di.Mar. Durant son mandat exploratoire, Tsipras a eu une réunion avec le chef de Di.Mar., Fotis Kouvelis, qui a exprimé son soutien à Tsipras et à la démarche de SYRIZA pour la constitution d’un gouvernement de gauche.

Quand la démarche de SYRIZA n’a pas abouti, Kouvelis et la Di.Mar. se sont prononcés pour la constitution d’un gouvernement du centre gauche entre le SYRIZA, la Di.Mar. et le PASOK ! Ensuite, il se prononçait comme dernier solution pour un gouvernement d’union national entre la N.D., le SYRIZA, la Di.Mar. et le PASOK. A chaque tentative de négociation, Kouvelis met en avant deux lignes rouge pour son parti : 1) le maintien de la Grèce dans la zone euro et 2) la désintégration progressive du pays du mémorandum suite à des négociations avec la Troika et les créanciers de la Grèce. Ces deux
positions étaient les positions principales de Di.Mar. avant le 6 Mai et resteront ces positions pour l’élection du 17 Juin.

De plus, la Di.Mar. critique sévèrement SYRIZA et Tsipras. La Di.Mar. pense que le nouveau scrutin est de la responsabilité de SYRIZA qui n’a pas accepté de participer à un gouvernement comme elle le proposait. Elle pense aussi que l’annulation unilatérale du mémorandum conduirait le pays en dehors de l’U.E. et elle exclue toute action unilatérale.

En tout cas malgré ce comportement de la Di.Mar. Tsipras et le SYRIZA continuent à faire des appels à la direction de la Di.Mar. et Kouvelis de son côté se dit prêt à accepter à condition que ces deux points soient respecter. Les positions initiales de SYRIZA avant le 6 mai semblaient complètement incompatibles avec celles de Di.Mar. Après l’évolution de SYRIZA, ces positions sont potentiellement compatibles avec les deux conditions de Kouvelis.

3. 5. b. Le PASOK

Le PASOK déclare qu’il ne gouvernera pas avec SYRIZA puisqu’il considère que Tsipras et SYRIZA sont dangereux pour le maintien du pays dans la zone euro. Mais de son côté SYRIZA ne veut pas gouverner avec le PASOK, le parti qui a appliqué le mémorandum.

Si après le 17 juin, il y aura un gouvernement entre le SYRIZA et le PASOK on pourra parler d’un grand retournement de situation, mais nous pensons qu’un tel scénario est plus proche de la science fiction que de la réalité. Un accord avec les Grecs Indépendants, comme nous l’expliquerons par la suite, nous semble plus probable qu’une coalition avec le PASOK.

3. 5. c. Arsenis, Katseli et le « blanchiment » des anciens cadres du PASOK

Durant son mandat exploratoire, Tsipras a eu une réunion avec le parti de Mme Katseli [19] ancienne ministre du gouvernement qui a négocié et appliqué le mémorandum, députée du PASOK qui a quitté le PASOK quelques mois seulement avant les élections. Depuis, il y a des déclarations de rapprochement de la part de Katseli vers le SYRIZA et son parti ne se présentera pas aux élections du 17 juin. Katseli et son mari ont été longtemps considérés comme l’aile socialiste du PASOK.

De plus, lors de la formation du gouvernement de transition entre les deux scrutins, Tsipras a proposé comme Premier Ministre M. Arsenis [20]. Les chefs du PASOK et de la N.D. ont refusé et ils ont appuyé la proposition du président de la république c’est-à-dire le maintient de Papademos. Tsipras s’est montré favorable à cela [21] ! Suite aux avis défavorables des autres dirigeants des formations parlementaires présentes (G.I. et Di.Mar.), la procédure constitutionnelle obligatoire a été suivie [22] et le président du conseil d’Etat M. Pikramenos [23] a été nommé comme premier ministre transitoire.

Tsipras n’avait aucune raison de proposer Arsenis pour Premier Ministre ni d’accepter le maintien de Papdemos. Il faut noter qu’Arsenis est un homme politique synonyme, dans la conscience des gens, du PASOK. Il a failli succéder à Andreas Papandreou après son décès et sa carrière politique a été ruinée suite au grand mouvement lycéen et étudiant du milieu des années 1990. La proposition de Tsipras est à notre avis un clin d’œil de plus vers l’électorat traditionnel du PASOK.

Un autre phénomène est le « blanchiment » des anciens cadres du PASOK. Nous ne faisons pas référence à Sofia Sakorafa, Alexis Mitropoulos ou Panagiotis Kourouplis qui n’ont pas exercé des fonctions gouvernementales ou syndicales dans le passé Sakorafa et Mitropoulos ont eu des positionnements toujours très à gauche durant leur vie militante au PASOK. Sakorafa est aussi un député qui a voté contre le mémorandum dès le début, elle a quitté le PASOK suite à cela et est à la tête du comité pour l’audit de la dette publique.

Nous faisons référence à d’autres anciens cadres du PASOK qui ont rejoint le SYRIZA et surtout les dirigeants de SYNASPISMOS. Il s’agit d’anciens cadres comme Horafas, comme Kotsakas, ancien ministre et bras droit de Tsohatzopoulos, qui est emprisonné en ce moment même pour des faits grave de corruption, ou encore comme Raftopoulos, copain de Tsohatzopoulos, également et surtout ancien chef de la GSEE (CGT grecque) entre 1983 et 1989, période d’intégration complète du mouvement ouvrier grec.

3. 5. d. Les Grecs Indépendants

Comme nous l’avons expliqué précédemment, les Grecs Indépendants (G.I.), sont une formation anti-mémorandum souverainiste de droite. Les G.I. sont issus d’une scission de la N.D. au moment où elle a changé de position sur le mémorandum, a voté pour le mémorandum et a soutenu le gouvernement Papademos par sa participation également. Ils ont été rejoints par des anciens cadres du PASOK qui ont quitté le PASOK au moment du vote sur le mémorandum.

Les deux positions centrales des G.I. sont l’annulation unilatérale des mémorandums et des accords de prêts ainsi que l’annulation unilatérale de la dette odieuse, suite à un audit (la dette odieuse selon eux dépasse 70% de la dette publique du pays), et une grande restructuration du restant suite à des négociations avec les créanciers. Kammos, le chef des G.I., a expliqué qu’il pourrait peut-être donner un « vote de tolérance » à un éventuel gouvernement de SYRIZA. Vu le paysage politique en ce moment en Grèce et les relations de SYRIZA avec les autres partis politique (notamment le KKE et la Di.Mar.), les Grecs Indépendants semblent un appui indispensable afin que SYRIZA puisse former un gouvernement anti-mémorandum après l’élection du 17 Juin.

3. 6. La stratégie de négociation de SYRIZA

La stratégie de SYRIZA se base sur l’analyse suivante : selon les dirigeants de SYRIZA, la Troika et l’U.E. seront obligés de négocier avec la Grèce et avec un éventuel gouvernement de SYRIZA. Les dirigeants de SYRIZA expliquent que les systèmes banquiers européens sont tellement interconnectés entre eux qu’un effondrement général de la zone euro sera produit soit par un éventuel effondrement de la Grèce [48], soit par d’éventuelles actions unilatérales de la part de la Grèce. Par conséquent, face à cette réalité les dirigeants européens accepteront de négocier. De plus, les dirigeants de SYRIZA expliquent qu’il n’existe pas la
procédure juridique et institutionnelle pour exclure la Grèce de la zone euro [24]. Cette position est aussi défendue par les G.I.. Par ailleurs cette position est aussi avancée par des universitaires grecs. Pour cette raison, entre autres, les dirigeants européens quand ils parlent du destin de la Grèce et de la zone euro, disent que la Grèce pourrait sortir (de sa propre
volonté), mais ils sont beaucoup plus prudents et modérés dans leurs propos concernant une éventuelle exclusion.

Comme nous l’avons dit précédemment, Tsipras pense à une négociation globale au niveau européen pour changer complètement la politique économique et financière, pas seulement en Grèce mais au niveau de l’U.E. De plus, il croit qu’avec « sa gestion de la crise grecque », il pourra faire céder les dirigeants européens.

A notre avis, même si Tsipras veut négocier avec la Troika, il lui faudra utiliser « l’arme » de l’annulation unilatérale de la dette pour démarrer ses négociations par une meilleure position. Ceci est démontré par les exemples historiques similaires. De plus, comme nous avons expliqué précédemment l’annulation unilatérale de la dette est, à notre avis, une solution mature dans la conscience de la société grecque et, politiquement, elle est la seule solution à la hauteur de la gravité de la situation.

Après tout, cette histoire rassemble beaucoup à notre avis à une « partie de poker ». Chaque joueur mise, fait des déclarations, bluffe (ou pas ?!) etc., mais ceci ne durera pas éternellement : à la fin, les cartes s’ouvriront et on verra qui sera le gagnant. En tout cas, ce qui est sûr est que derrière cette « partie de poker » il y a des vies humaines et le futur de millions des gens qui veulent simplement vivre et non pas survivre [25].

4. Conclusion

En Grèce comme en Europe, SYRIZA est présentée comme « la colère » ou « la peste » par les forces pro-mémorandum. Ces mêmes forces expliquent que l’euro est synonyme du mémorandum et vise versa pour la société grecque. Comme nous l’avons montré, SYRIZA n’est ni une force politique révolutionnaire ni une force politique extrémiste, comme cela est souvent présentée. SYRIZA avance ses propositions qui sont sur une ligne pro-européenne, mais à l’antipode de la logique d’austérité et de la rigueur appliquée actuellement partout en Europe.

Nous pensons que le score électoral de SYRIZA est une grande victoire. Ce score permet « la libération » des couches de la population grecque qui votaient depuis très longtemps pour le PASOK. Ceci a été analysé et démontré à la deuxième partie de l’article.

Dans ce sens là, il s’agit bien d’une avancée majeure dans le paysage politique du pays. Ce texte et notamment sa troisième partie exerce une critique sévère vis-à-vis de SYRIZA.

Néanmoins, nous pensons que cette critique part des faits réels dont les sources sont citées quasiment à chaque fois. Nous essayons d’effectuer « une analyse concrète d’une situation concrète » [26]. Nous osons faire une prédiction, nous pensons que SYRIZA gagnera les élections du 17 juin. Les sondages de la semaine dernière étaient assez favorables. Les sondages de dimanche dernier (27 mai) l’étaient un peu moins. Néanmoins, nous pensons que les évolutions au sein du corps électoral que nous avons décrites dans la deuxième partie de cet article sont profondes ; ils se confirmeront et s’accentueront même lors du scrutin du 17 juin. Ceci donnera à notre avis la victoire à SYRIZA.

Une victoire de SYRIZA est très importante. Elle sera un véritable bouleversement pour la Grèce comme aussi pour l’Europe. Néanmoins, nous pensons qu’il faut rester mesuré face à ces événements et notamment pour les raisons que nous avons développées à la troisième partie de l’article. A notre avis, il faut avoir un regard critique face à SYRIZA. Tout d’abord parce que la critique, fondée sur des faits réels bien évidement, constitue une véritable « arme » pour analyser les phénomènes comme celui de SYRIZA, et aussi pour « interpréter le monde de différentes manières, mais ce qui importe c’est de le transformer » [27]. De plus, cette critique n’a pas un but d’autosatisfaction ou d’auto-affirmation du type « nous l’avions prédit que SYRIZA vous trahira (!) », mais pour éviter une déception des classes populaires qui attendent beaucoup de la gauche à cette période de crise historique au niveau mondial.

« Critique signifie bien culture et non évolution spontanée et naturelle » [28Antonio Gramsci

Notes

[1http://www.europe1.fr/MediaCenter/E… ; http://www.dailymotion.com/video/xq…
1_news

[2http://www.europe1.fr/MediaCenter/E… ; http://www.dailymotion.com/video/xq…
1_news

[3http://www.guardian.co.uk/world/201…http://www.lalsace.fr/actualite/201…

[4http://news.in.gr/greece/article/?a…

[5http://acrovasies.blogspot.fr/2012/…

[6http://www.imerisia.gr/article.aspc… et http://topontiki.gr/article/35390

[7http://www.guardian.co.uk/world/201…

[8http://www.particommuniste.be/index…

[9http://www.europe1.fr/MediaCenter/E… ; http://www.dailymotion.com/video/xq…
1_news

[10http://www.liberation.fr/politiques…

[11http://www.lesechos.fr/economie-pol…
suscite-une-tres-grande-inquietude-325239.php

[12] Il y a plein de témoignages qui confirment ses propos. Nous avons aussi été témoins de discutions où des militants de SYRIZA ont utilisé l’argument du vote utile. Cet argument a été beaucoup utilisé par SYRIZA la dernière semaine de la campagne quand les sondages montraient que SYRIZA allait effectuer un score exceptionnel et alors que ANTARSYA la coalition de la gauche anticapitaliste était à un niveau de 2%-2,5%.

[13] Voir sur ESSF (article 25249), Syriza ou la percée magistrale d’une expérience unitaire unique et originale :http://www.europe-solidaire.org/spi…

[14] Ce problème n’est jamais mentionné dans les articles écrits en français et en anglais. En Grèce bien évidement cette question fait parti du débat à l’intérieur de SYRIZA comme aussi à l’intérieur de l’ensemble de la gauche du pays.

[15http://www.tovima.gr/afieromata/ele…

[16http://www.tovima.gr/society/articl… ;
http://www.newsplus.gr/ekloges_2012…

[17http://www.koel.gr/index.php-option…

[18http://www.tanea.gr/ellada/article/…

[19] Son parti n’a pas pu accéder au parlement. Il a recueilli seulement 0,96% et 60.597 voix.

[20http://www.presidency.gr/wp-content…

[21http://www.presidency.gr/wp-content…

[22] Selon la constitution, le premier ministre transitoire doit être choisi à l’unanimité par les chefs des partis qui siègent au parlement.En cas de désaccord la constitution prévoit qu’un des présidents des trois cours suprême du pays occupe la fonction entre les deux scrutins.

[23] Pour la petite histoire, M. Pikremenos se traduit en français comme M. Dégouté

[24] Nous pensons que sur ce point la direction de SYRIZA a raison. Néanmoins, les questions souvent dépassent le simple cadre juridique et institutionnel.

[25] Mot d’ordre en Grèce : « on veut vivre et non pas survivre »

[26] Lénine, « Le communisme », 12 juin 1920, Revue de l’Internationale communiste pour les pays de langue allemande, Œuvres – T. XXXI (avril – décembre 1920),
http://www.marxists.org/francais/le…

[27] K. Marx, F. Engels, « Thèses sur Feuebach » thèse XI,
http://www.marxists.org/francais/ma…

[28] A. Gramsci, « Socialisme et culture »,
http://www.marxists.org/francais/gr…

SOURCE ARTICLE INITIATIVE GRECQUE A PARIS