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Le principal danger du cannabis ? Le tabac utilisé...

Publie le mercredi 2 juillet 2003 par Open-Publishing

Bonjour docteur
Patrick Pelloux, urgentiste : « Le principal danger du cannabis ? Le tabac utilisé pour
rouler son joint. »

Le docteur Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes des
hôpitaux de France, travaille jour et nuit aux urgences de l’hôpital Saint-Antoine à
Paris. Son service reçoit plus de 50 000 patients par an. Clodos bourrés, accidents de
la route, overdoses. Et le chichon dans tout ça ? Anecdotique. Coup de gueule urgent :

Combien de fumeurs de cannabis se présentent aux urgences de Saint-Antoine ?

J’en reçois un tous les deux ans. Ce sont des ados que le premier joint a fait vomir.
Par contre, je vois défiler toutes les heures des ivresses aiguës. Un tiers des
pathologies hospitalisées à Saint-Antoine sont liées à l’alcool. Alors, ici, le
cannabis, on s’en fout royalement. Je n’ai jamais rencontré un seul fumeur de cannabis
qui mette sa vie en danger. L’alcool, lui, a des effets qui engagent réellement le « 
pronostic vital ». En France, 25 % de la population a un problème lié à l’alcool. C’est
le problème de santé publique N°1. La toxicomanie la plus importante, celle qui a les
conséquences les plus dramatiques : ruptures familiales, violences, accidents. Il n’y a
pas un SDF qui ne soit pas alcoolique. Comme 60 % d’entre eux auraient besoin de soins
psychiatriques, ils tombent dans l’alcool, un anxiolytique à portée de main et, surtout,
le moins cher. Arrêts de travail, accidents, greffes du foie sur des patients qui se
remettront tout de suite à boire : c’est une catastrophe économique. Les effets du
cannabis comparés à ceux de l’alcool ne sont pas dangereux.

Le cannabis a-t-il tout de même des effets nocifs ?

La France est un pays très angoissé. Nous avons le taux le plus important de psychiatres
pour 1 000 habitants. Nous avons aussi le plus fort taux de consommation de
tranquillisants et le plus fort taux de mortalité par le suicide pour la tranche 15-35
ans. Il ne faut donc pas banaliser une consommation de cannabis excessive chez un gamin
de 12 ans, cause éventuelle d’échec scolaire et de rupture avec les parents. Il faut
chercher si ce produit n’est pas consommé comme un anxiolytique. Mis à part ces
conduites à risque, le principal danger du cannabis est le tabac que l’on utilise pour
rouler son joint. À long terme, il va imbiber les poumons de goudrons. Il faudrait un
filtre de qualité pour écarter les molécules les plus dangereuses, pas un ticket de
métro dont les fibres passent directement dans les poumons. Un autre danger tout de
même, la somnolence au volant. Le mieux, quand on fume, est encore de rester
tranquillement chez soi.

Faut-il dépénaliser le cannabis ?

Oui. Je suis pour la légalisation du cannabis et la dépénalisation de l’usage de toutes
les drogues. Nous vivons dans un système de prohibition du cannabis identique à celui
que les Etats-Unis ont connu avec l’alcool, alors que personne n’est capable de nous
expliquer quel est le réel problème de santé publique. C’est un problème moral. J’ai été
reçu à l’Académie de médecine pour parler des nouvelles drogues. Il n’y avait que des
hommes : moyenne d’âge 100 000 ans, esprit quaternaire. Je leur ai expliqué que l’
ecstasy a des conséquences très dangereuses, qu’il peut entraîner des syndromes
parkinsoniens, bref des effets bien plus terribles que ceux du cannabis. Ils ont hurlé.
J’ai vu toute leur haine pour le cannabis, associé pour eux à l’image du mec qui fume
des joints en se faisant sucer. Il faut arrêter cette hypocrisie. Ce n’est pas normal d’
envoyer un gamin de 19 ans en prison parce qu’il a un joint dans la poche. L’autre jour,
un gosse s’est fait prendre gare du Nord. Il revenait d’Amsterdam. Il en avait plein les
poches. C’était écrit sur son front. Heureusement qu’il s’est fait juger à Paris. En
Province, il se prenait de la prison ferme et il se faisait violer dans les 48 heures.

Que pensez-vous de l’injonction thérapeutique ?

C’est n’importe quoi. Le juge a demandé à ce même môme d’aller se faire soigner. Il ne
savait pas où aller : il a débarqué aux urgences ! Nous sommes face à deux systèmes
extrêmement conservateurs : le monde médical et la justice. Il faut créer des liens
entre les deux pour éviter d’envoyer ces gamins en prison. Il faut un médecin
coordinateur. Il ferait le lien entre la justice et les médecins qui traitent les cas.
Pour le moment, le psy rend des comptes à la justice. C’est une position très délicate.
Il faut que la société ait une vision de la santé qui soit une vision de l’émancipation
de l’individu. Quelle que soit la civilisation, il y aura toujours des conduites à
risques. En attendant, on voit plus de psychoses délirantes chez les vieux accros aux
temestas que chez les fumeurs de cannabis. Un tilleul menthe ou un joint pour calmer ces
personnes âgées serait mieux que des tranquillisants prescrits chaque jour légalement.

Au micro : Valentine Gay NovaPlanet
 http://www.novaplanet.com/