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Le prix du pétrole

Publie le jeudi 30 septembre 2004 par Open-Publishing


de Andrea Ricci

Le prix du pétrole continue à battre de nouveaux records. Depuis quelques mois
nous entendons répéter que tel ou tel évènement est à l’origine du phénomène.
Aujourd’hui c’est le tour des affrontements tribaux au Nigéria et de l’ouragan
qui a endommagé quelques puits mexicains. En réalité on n’a jamais extrait autant
de brut des viscères de la terre qu’en ce moment. La production de pétrole est
aux plus hauts niveaux et les mois prochains de nouvelles installations entreront
en fonction. Et pourtant rien ne semble y faire.

C’est l’effet inévitable d’un modèle de développement énergétivore, disent les écologistes.
C’est vrai, mais ce n’est pas tout. D’autres, qui ne sont pas des écologistes,
vont jusqu’à dire qu’à quelque chose malheur est bon, parce que le pétrole toujours
plus cher contraindra à l’épargne énergétique. Il s’agirait d’une autre preuve
de l’efficacité du libre marché. Toutefois, désormais nous savons depuis des
décennies que tôt où tard le pétrole s’épuisera.

Et pourtant on a très peu fait pour diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, parce que les trajectoires de la recherche scientifique et technologique sont dictées avant tout par des intérêts politiques et économiques. Et la montée en flêche des prix du pétrole ne lèse pas tout le monde de la même façon. Il y en a même qui en tirent d’énormes avantages. Ce n’est pas par hasard si hier les actions des « sept sœurs » ont bondi elles aussi vers des niveaux record. De plus, ceux qui contrôlent les routes de l’or noir ont le monde en main, comme le sait bien l’administration Bush. En termes politiques c’est l’Europe, dépourvue de réserves pétrolières, qui est frappée.

En termes sociaux, sont frappés ceux qui vivent d’un revenu fixe, les salariés et les retraités avant tout. Pour chaque entreprise il est facile d’y faire face, il suffit de charger le surplus de la facture énergétique sur le prix final du produit et les promesses solennelles qui ont été faites récemment pour bloquer l’inflation n’y feront rien. Pour ceux qui les subissent, les prix, il n’y a aucune échappatoire. C’est pourquoi jadis, avant que cela devienne une parole ridicule, il existait l’échelle mobile qui, en défendant le pouvoir d’achat, imposait aux gouvernements et aux entreprises d’aller au-delà de l’urgence et de chercher des solutions structurelles aux contradictions du développement. C’était une contrainte interne à la politique économique qui poussait vers une plus grande rationalité sociale et environnementale. Aujourd’hui, au contraire, l’augmentation du prix du pétrole ne déclenche aucune réaction, aucune initiative créative, hormis chez ceux qui doivent joindre quotidiennement les deux bouts avec un salaire de misère. Certes, au bout du compte, la réduction des consommations produit stagnation et crise, parce qu’elle laisse les marchandises invendues. Mais cela le marché ne le sait pas, ou, s’il le sait, il est impuissant.

La reconversion écologique de l’économie ne se produira jamais spontanément. C’est pourquoi il n’y a aujourd’hui aucune raison de consolation à retirer de l’augmentation du prix du pétrole. Dans le modèle néolibéral la pénurie énergétique ne fait plus fonction de stimulateur du progrès technologique, mais elle est un facteur ultérieur de régression historique, il produit des guerres, des dépressions et de la pauvreté. Un autre (l’énième) motif pour le dépasser.

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao

Sourse :

http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=5820