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Le risque restant

Publie le dimanche 2 octobre 2005 par Open-Publishing

Voici un long article traduit de l’allemand. Il est question de Gorleben et de la résistance antinucléaire allemande à travers les propos d’une agricultrice militante depuis la première heure.
Un texte intéressant pour ceux-celles qui veulent mieux connaître cette résistance et son histoire, ce qui fait que la population de toute une région se "met en travers" pour barrer la route au lobby.

N.B. un reportage en images sur Gorleben est sur le site suivant.
 Le prochain train atomique Castor est pour novembre, des manifestations auront lieu en France et en Allemagne. Les allemands préparent une grande manifestation le 5 novembre à Lüneburg. Leur tract version française est à télécharger.

Le risque restant, une citoyenne raconte : Par Gabriele Goetle, quotidien TAZ du 27/06/2005 ; Traduit de l’allemand par Cécile L.

« de grandes quantités d’énergie déforment les relations sociales de façon aussi inévitable qu’elles détruisent le milieu physique » Ivan Illich

Monika Tieke, agricultrice bio de la circonscription de Lüchow-Dannenberg, membre active de la « communauté d’entraide paysanne contre les installations nucléaires » Débuts à l’école en 1959 à Weetzen/Hanovre [...] , participation à la résistance contre les installations nucléaires à Gorleben avec en 1979 la marche des tracteurs sur Hanovre, la plus grosse manifestation antinucléaire jusque là, déménagement dans le Wendland sur la propriété agricole de son mari en 1980. Active de façon ininterrompue depuis lors, membre de la communauté d’entraide paysanne[...]

Depuis que pour la première fois, en 1953, de l’énergie nucléaire a été transformée en courant électrique et que le président américain Eisenhower a présenté son programme « des atomes pour la paix », cette façon de gagner de l’énergie fêtée comme un dieu pour l’homme a entraîné une série d’incidents et d’accidents de tous les niveaux de gravité, jusqu’à l’accident majeur de Tchernobyl en avril 1986. Les statisticiens se disputent sur le nombre de maladies et de morts tolérés, pendant que les personnes concernées disparaissent dans la misère. L’utilisation pacifiste de l’énergie nucléaire joue depuis le début le rôle de vitrine achalandée, alors qu’à l’arrière plan les affaires non pacifistes ont continué et des sommes immenses ont été investies dans la recherche, les tests et le développement de nouvelles armes et de nouveaux systèmes d’armement.

Le mouvement antinucléaire - la résistance politique la plus ancienne dans la RFA- n’a réellement réalisé qu’il s’agissait d’un seul et même problème que dans les années 70 lorsque les les centrales nucléaires ont été conçues puis construites. Parmi les marcheurs « contre la mort atomique » (organisé par le SPD -sociaux démocrates- et les syndicats en 1958) et les participants à la marche de Pâques qui ont protesté dans les années 60 contre l’utilisation militaire, les représentations vis à vis de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire étaient encore positives. Avec la grande action contre la centrale de Brockdorf à l’automne 1976, au cours de laquelle l’Etat nucléaire a montré ses griffes policières pour la première fois, des groupes de résistance régionaux et inter-régionaux sont rapidement nés.

En 2005, l’Allemagne est le 5ème pays plus gros producteur d’électricité nucléaire au monde. Whyl, Brockdorf, Kalkar, Wackersdorf, tous ces noms et bien d’autres semblent être aujourd’hui oubliés, seul Gorleben « vit » [Gorleben lebt : Gorleben vit est le devise de la résistance antinucléaire] encore et le doit aux transports atomiques qui ont lieu depuis 1995. Déjà en 1977 il y a eu une résistance vive lorsque le ministre président de la Basse Saxe Albrecht a annoncé qu ’un complexe de gestion des déchets nucléaires serait construit à Gorleben, ainsi que la plus grosse usine de retraitement au monde et un site d’enfouissement dans la mine de sel. Le choix de ce lieu était entre autre une réponse politique au site de stockage centrale des déchets nucléaires de la RDA à Mosleben près de Helmstedt. Entre temps, c’est la troisième génération qui résiste sans frontières aux tentatives d’intimidation exécutives et juridiques, aux mesures destinées à mettre la population au pas, orchestrées par la politique et l’industrie nucléaire. Résistance en partie couronnées de succès. L’usine de retraitement n’a pas été construite, les forages sur le site d’enfouissement sont au point mort (depuis 2000), mais le gouvernement rouge-vert n’a pas exclu Gorleben et avec un changement de gouvernement qui risque de se produire bientôt, toutes les options restent ouvertes.

A Gorleben, il y a aujourd’hui un site de stockage pour déchets faiblement et hautement radioactifs, la halle aux Castors destinée au stockage intermédiaire de déchets hautement radioactifs en provenance de l’usine de plutonium de La Hague en France et de Sellafield en Angleterre (qui n’ont le droit d’être stockés qu’à Gorleben).Et il y a une usine pilote de conditionnement non utilisée pour l’instant. Elle est équipée techniquement pour le transfert du contenu hautement radioactif des containers Castor dans des containers Pollux destinés à l’enfouissement. Mais il n’y a au monde pas de site de stockage définitif des déchets bien que l’on produise des déchets depuis plus de 60 ans.

Le Wendland, avec son ancien village de pêcheurs sur l’Elbe était en tant que « maison pauvre de la nation » presque situé dans le RDA. Deux tiers de la circonscription Lüchow-Dannenberg étaient entourés de barrières de haute sécurité. Située en dehors des principales voies de transport, peu habitée, dotée d’une grosse mine de sel et en général balayée par le vent d’est, la région était pour les initiés störfallfreundlich « bonne pour les incidents »

La disparition de la frontière n’a pas changé grand chose, même l’idylle est restée. Il y a de grands saules , des champs de taille raisonnable. Ainsi que les forêts dans les quelles on ne trouve pas que du petit bois, mais où de beaux chênes ont pu survivre.
Les villages n’attirent pas l’attention que par la beauté de leurs vielles briques rouges ou de leur pans de bois, mais aussi par les lattes croisées en formes de X, parfois peintes en jaunes, c’est le signe de la résistance à Gorleben. Monika Tietke vit elle aussi dans une telle ferme, c’est une des grandes vielles fermes comme on en voit ici. Elles sembles être posées au milieu de l’herbe, on peut s’en approcher très près, il n’y a pas de séparation avec le jardin .Les hollunder, les vieux arbres, les par terre de fleurs et les haies se côtoient naturellement. Il faut beaucoup de patience pour s’occuper de tout cela au lieu d’aller se fournir en marchandises de décoration au magasin. Ils sont en général entretenus par les anciens avec qui on vit toujours sous le même toit.

Monika Tietke nous mène dans l’ancienne mangeoire transformée, nous prenons place autour de la table. Quelques marches mènent à un espace ouvert remplit d’étagères de livres, des aquarelles de tournesols pendent au mur. Le temps semble s’être arrêté.

« Vous arrivez au bon moment, c’est un triste anniversaire, le 25ème anniversaire de la fin de la « république libre du Wendland ». La 4 juin 1980 tout le village de cabanes des anti-nucléaires a été violemment rasé par la police, c’était la plus grosse mobilisation policière depuis la guerre. La « république libre du Wendland » avait été érigée sur le site de forage 1004. C’était une occupation. Des milliers de personnes étaient là. On avait un passeport propre, une station radio, les diverses huttes, la cuisine, le sauna,le théâtre, une grosse maison de l’amitié, des tours pour faire le guet, des aires de jeux pour les enfants. Des artistes sont venus, ainsi que les hommes politiques, il y avait beaucoup de discussions et de débats au sujet de l’activisme. La majorité était pour la résistance passive. C’était très vivant, plein de fantaisie à l’époque, et la brutalité à la quelle nous avons été confrontés a été absolument terrifiante et déprimante.

Je suis venue d’ailleurs. Je suis venue pour la première fois en 1978 avec un ami et j’ai emménagé dans la circonscription de suite. Nous avons participé au premier gros camp sur la Schützenplatz , beaucoup de personnes de l’extérieur sont venues, elle voulaient soutenir la résistance. J’ai rencontré entre autre Robert Jungk , un chercheur qui était déjà très critique vis à vis de l’atome dans les années 50. Il nous a fait des exposés et j’étais très impressionnée. A l’époque, ça m’a « politisée » comme on dirait ailleurs. Et j’ai commencé à réfléchir à toute la thématique. Plus j’en savais, moins je comprenais comment les hommes politiques pouvaient être si naïfs.

Bien sur, j’avais un peu d’expérience, j’étais une enfant de 68. A Hanovre, il y avait eu cette manifestation contre les entreprises de transports en commun, contre l’augmentation des prix et l’action point rouge avait vu le jour. « les citoyens emmènent les citoyens » . Celui qui avait collé un point rouge sur la vitre avant de la voiture prenait des passagers, ça a duré longtemps et c’était en vigueur à Berlin et dans toute la RFA. J’avais déjà ça dans ma conscience, la révolte. Et j’ai aussi participé au convoi de tracteurs sur Hanovre en mars 1979.

C’était un gigantesque cortège de tracteurs qui s’était associé au mouvement partout et sont arrivés au bout de six jours. Tous avaient des pancartes et des banderoles et à Hanovre 150 000 personnes nous attendaient déjà. C’était une manifestation terriblement grande et il y avait beaucoup de gens, aussi des plus âgés, que l’on ne voit sinon jamais dans la rue. L’ambiance était super, ça donnait d’un côté beaucoup de courage mais d’un autre côté, il y a eu l’accident nucléaire de Harrisbourg le 28 mars et cela a beaucoup alimenté les discutions.
En 1980 je suis arrivée ici dans la circonscription et avec mon mari, j’ai tout appris tout de ces histoires de la résistance. Il vient de la ferme ici qui est tenue depuis sept générations par la famille Tietke. Bien sur, mon mari est dans la communauté d’entraide paysanne et je l’y ai rejoint dès le début. Elle a été fondée je crois en 1977.

En premier lieu, la communauté d’entraide avait pour but d’empêcher l’usine de retraitement. Les fermiers ont ensuite très vite compris qu’il s’agissait d’un danger encore plus grand, qu’il n’est techniquement pas possible d’enfouir les déchets n’importe où. A l’époque beaucoup de fermiers ont signé ici -certains ne veulent plus en entendre parler aujourd’hui- mais la plupart est resté fidèle. A l’époque c’était très inhabituel, à part la population paysanne ici il n’y avait rien. Pas de représentation politique. On était dans le parti et à l’époque à peu près 90 à 95% étaient à la CDU (droite conservatrice). Celui qui était au SPD le tenait secret. Les Verts n’étaient pas encore au goût du jour, ils ne se sont crées qu’en 1980. Et puis ils ne nous ont rien apporté non plus, à part des déceptions !

C’est grâce à Undine von Blottniz que tant de personnes sont entrée à la communauté d’entraide paysanne, elle était membre fondateur et plus tard elle a siégé un moment au parlement européen pour les Verts. Elle est mon plus grand modèle, malheureusement elle est morte. C’est la femme la mieux que je connaisse- et cette femme, les Verts l’ont sur la conscience... mais cela n’a rien à faire ici, je pense. En tout cas elle s’est occupée de toute la paperasserie pour la communauté pendant des années et avant sa mort elle m’a donné sa confiance et dit que je devais à présent le faire et m’en occuper, j’ai dû le lui promettre. Et je le fais pour elle. Le plus beau compliment c’est quand quelqu’un dit que je suis pire qu’Undine. Voyez vous, la communauté vit, dans les périodes creuses environ 40 paysans se rencontrent occasionnellement et au moment du transport atomique Castor, des centaines viennent aux réunions, même de Lüneburg. Et là, il y a cette solidarité magnifique de l’extérieur. Par exemple à travers la « Solidar-Aktie » , avec ce fond nous pouvons payer les dommages volontairement et régulièrement causés par la police qui casse les vitres des tracteurs ou crève les pneus, ce sont des unités de la police équipées de couteaux qui agissent et un pneu de tracteur coûte déjà autour de 500 euros. »

Elle nous offre du café et continue « Pour les exploitations agricoles, chaque action avec leurs tracteurs dans la résistance représente un risque qui peut menacer notre existence, c’est en effet notre outil de travail. Un tracteur de classe moyenne coûte plus qu’une voiture de luxe, il coûte facilement 60 000 euros. Mais notre existence est encore plus menacée par tout ce qui est pratiqué ici. Car qui veut acheter des denrées alimentaires en provenance d’une région contaminée par la radioactivité, s’il se passe quelque chose ! Nous savons bien que ce n’est pas simplement le problème de Lüchow-Dannenberg, c’est un problème mondiale non résolu et qui ne sera résolu nulle part. Problème que les hommes politiques et l’industrie atomique gèrent de façon totalement irresponsable. Il n’y a aujourd’hui pas de loi sur le stockage définitif des déchets et quand on se dit que les hommes politiques la repoussent déjà depuis des années, ça met cette irresponsabilité en relief.

Je l’ai vécu directement, c’était vers 1982, l’initiative citoyenne avait eu vent du projet de construire l’usine de retraitement à Dragahn au lieu de Gorleben, à peu près à 40 kilomètres d’ici. Il y a eu une grosse soirée d’information à laquelle monsieur Von Bülow était présent, à l’époque encore en tant que ministre fédéral pour la recherche et la technologie. Et ce monsieur Von Bülow a devant 1000 personnes répondu comme suit à la question de que ferait-il s’il se passait quelque chose ici d’ici 15 à 20 ans : oui, de toute façon mon mandat sera terminé, je ne prends plus de responsabilité. A l’époque on savait déjà des choses sur les incidents au niveau des usines de retraitement de la Hague et surtout de Winscale en Angleterre, usine renommée pour cette raison en sellafield, pour oublier.

Une usine de retraitement rejette mille fois ce qu’une centrale rejette en fonctionnement normale radioactivité dans l’environnement, mais cela ne dérange pas le ministre de la recherche. On aurait dû le frapper, mais bon, nous refusons la violence. Ainsi il n’y a eu qu’un long concert de sifflets. Le site d’implantation suivant pour usine de retraitement, après avoir constaté que ce n’était pas possible à Draghan était Wackersdorf... mais là aussi ça a été politiquement infaisable !

Un autre exemple, c’est Mosleben. C’est près de Helmstedt. C’était le site central d’enfouissement de la RDA pour les déchets radioactifs et dans le traité de réunification les autorisations d’exploitation en vigueur dans la RDA ont été reprises ce qui a rendu possible l’enfouissement de déchets faiblement et moyennement radioactifs pendant dix années supplémentaires. Angelika Merkel a dans les années 90 en tant que ministre de l’environnement (ministère pour l’environnement, la protection de la nature et la sécurité des réacteurs, fondé après Tchernobyl) prolongé l’autorisation jusqu’en 2005 et a quasi assuré que Mosleben était sûr pour 10 000 ans.

En 2001 un bloc de sel de 1000 tonnes s’est détaché du plafond de la galerie et par chance aucun container n’a été touché. Les initiatives citoyennes et Greenpeace ont dû exiger l’arrêt du site en passant par une décision de justice, jusqu’à aujourd’hui c’est à l’arrêt sans que rien ne se passe. A présent, la même madame Merkel promet que si elle devient chancelière, le soutien aux énergies renouvelables sera diminué et l’énergie nucléaire reboostée. Ici on s’y prépare ! »

Nous faisons une courte pause. Elle mène deux chevaux récalcitrants au pâturage, nous regardons les plantes du sud débordantes et des plantes grimpantes dont s’occupe la belle mère avec attention dans la cours et dans le jardin. « je voudrais parler des débuts de façon plus claire afin que les jeunes d’aujourd’hui voient comment ils s’y sont pris avec nous.

La société allemande pour la construction et la gestion de site définitif pour les déchets avait besoin de douze hectares de terres. Avant que les prospecteurs ne viennent, il y avait eu des feux de forêt à trois endroits différents qui se sont comme par hasard révélés être les lieux au coeur du débat ensuite . Graf Bernstorff, qui est le seul à avoir toujours des terres a refusé catégoriquement et c’est jusqu’à aujourd’hui notre compagnon de lutte le plus forcené.

Bon en tout cas heureusement, l’usine de retraitement a été abandonnées, nous avions gagné sur ce point mais ils possédaient le terrain. C’est alors que les tractations pour l’autorisation de stockage intermédiaire ont commencé. Le conseil des commune devait voter. Ses membres avaient reçu un dossier de 1200 pages à lire pour se mettre au courant. Mais cela dépasse les capacités de chacun, surtout des paysans qui se lèvent à quatre heure le matin pour traire et vont se coucher à onze heure du soir. La majorité a tout simplement voté favorablement. C’était en 1981. Ici dans la circonscription, c’était une atmosphère de feu. L’animosité qui en a résulté était extrême, jusqu’aux bagarres.

Alors nous avons dit que la seule possibilité que nous avions encore -puisque les arguments ne faisaient rien changer- était de rendre la tâche la plus difficile possible aux politiques et aux exploitants. C’est jusqu’à aujourd’hui notre devise. Et une fois que le site intermédiaire a été autorisé, il y a eu les premiers forages « expérimentaux ». 1001 ? 1002 ? 1003, et sur chaque lieu de forage il a eu des combats, jusqu’à ce que des paysans mettent du purin dans le trou une nuit. Ensuite il y a eu 1004. Je vous ai déjà parlé de l’occupation de ce lieu au début, c’est là qu’on a créé la « république libre du Wendland ».

Notre chancelier actuel Schröder, il était président des jeunes sociaux démocrates à l’époque et il y a participé. Il a soutenu le mouvement. Il a par exemple aussi défendu le cousin de mon frère comme avocat, nous avons fêté des procès couronnés de succès au bar voisin, il a une maison de vacances ici et se souvient sûrement volontiers se son autre époque. Lorsqu’il est devenu chancelier il nous a fait comprendre « vous pouvez venir me voir à Berlin à la chancellerie nous pouvons bouffer et boire mais s’il vous plaît, pas de politique ! »

Sur les forages expérimentaux il y a une autre histoire intéressante qui montre avec quelle insolence nous sommes traités ici. En 1981 la première bataille a été réprimée en septembre. En juillet, le professeur d’histoire Helmut Bley était dans le wagon restaurent d’un TGV et a par hasard entendu une discussion assez forte entre plusieurs hommes. Comme cela s’est révélé plus tard, l’un d’entre eux était fonctionnaire du ministère qui s’occupe des autorisations, un autre était directeur du département « sécurisation et enfouissement » au près de l’agence fédérale de la technique et de la physique. Et dans la discussion, il parlaient de savoir si pour les forages expérimentaux il fallait creuser un trou de diamètre de 3,50 mètres ou bien de tout de suite 7,50, c’est à dire suffisamment large pour recevoir les containers de déchets radioactifs ensuite. Ce sont exactement les mesures pour un site d’enfouissement. Les hommes ont discuté de si ils pouvaient imposer cette idée. Je crois qu’ils ont effectivement foré un avec un diamètre de 7,80mètres ! Cela montre qu’ils pensent sérieusement et qu’il sont sûrs que la question du lieu d’enfouissement est déjà décidée.

Je suis descendue dans la mine de Gorleben à l’occasion de l’action HA-Schult, qui se devait d’être une action artistique sérieuse sur le problème. Et là on pouvait regarder, c’était visite guidée. C’est déjà immense ce qui a été construit. Donc c’est pas de simples prospections, la chose est terminée ! C’est une installation complète à la fois à la surface et sous la terre pour stocker définitivement. Je crois que 1,3 millions d’euros ont déjà étés investis là-dedans et au plus tard en 22030 on doit avoir un site définitif pour les déchets hautement radioactifs. Pour le moment tous se donnent du temps. Ils espèrent apparemment que cela va fatiguer la résistance, qu’on va oublier qu’il y a déjà eu un mort sur le site. Ils ont mis du Béton dedans parce que ça menaçait de s’effondrer et contre les entrées d’eau profonde, l’enveloppe extérieur doit être gelée avec des appareils énormes d’une puissance de 50 000 réfrigérateurs, avec du courant issu de la prise.
De nombreuses expertises ont depuis 1977 prouvé que la mine de sel était totalement inadaptée parce que le critère minimum n’est pas remplit. C.a.d. Une couches supérieurs fermée, qui est nécessaire à l’isolation. Il faut une isolation de l’atmosphère pour je crois un million d’années. Eh bien ils n’ont pas même été capables de calculer correctement le sol de la halle du site intermédiaire. Ils ont roulé dessus avec des Castor et crac... ils ont dû rebetonner toute la halle. Ou bien ils avaient fait une porte trop petite et n’ont pas pu y faire entrer le premier Castor, etc. Comment affirmer quoi que ce soit de certain pour une durée qu’on ne peut même pas se représenter ?!

Nous avons pu retarder l’utilisation du site intermédiaire pendant dix à onze ans. La 25 avril 1995 les premier Transport Castor est arrivé à Gorleben, un jour avant le neuvième anniversaire de l’accident de Tchernobyl. Et là, Angela Merkel a dit quelque chose de très intéressant. Interpellée sur les risques liée au chargement déchargement des containers, elle a répondu : « quand vous faites un gâteau, il y a aussi un peu de levure qui part à côté » Là on sait plus... »

Le téléphone portable sonne. Madame Tietke rit et dit « amusant, c’est un SMS pour le Castor avec des infos sur l’évolution des choses, en ce moment trois transports Castor ont lieu du réacteur de recherche de Dresde au site intermédiaire de Ahaus, 60 heures de trajet. Là aussi, bien sûr, on bloque et manifeste, la résistance est partout ! Voyez vous, avant c’était pas la peine de penser pas à ce genre de moyens de communication. Mais nous avons quand même trouvé le moyen de nous coordonner. Chez nous, la « semaine verte » [en Allemagne les policiers ont des uniformes verts] a toujours lieu à l’automne. Pour nous paysans, cela veut dire que les commandes de l’automne sont terminées, les pommes de terre sont de toute façon récoltées et la seule chose qui reste à faire, ce sont les betteraves, on doit les déterrer et les apporter à l’usine de sucre. La période est plutôt favorable, même si on a toujours suffisamment de travail.

Avant, alors que il se passait toujours quelque chose ici, moi et mon mari avons souvent négligé notre travail, ce qui a provoqué des problèmes avec les beaux parents. Bon, nous connaissons à présent la procédure par coeur, malgré le fait que les conditions que l’on nous soumet telles que les interdictions de manifester, d’héberger quelqu’un, etc soient toujours plus dures. La nouveauté du ministère de l’intérieur de Basse-Saxe. Qui s’enchaîne aux rails à Gorleben doit s’attendre à un test ADN ! C’est la réponse qui a été trouvée à l’accident mortel d’un jeune anti-Castor français en automne 2004. Il s’était enchaîné au rail en Lorraine et a été écrasé par le train. C’était dans une courbe, le train allait trop vite, et l’hélicoptère d’observation était parti faire le plein.

La mort de ce jeune homme Sébastien Briat, il a le même âge que mon fils, ça m’a profondément touché et me touche encore. C’est vraiment une tragédie qu’il aie bloqué nos déchets nucléaires allemands qui venaient de l’usine de retraitement de La Hague. Mais à travers cela il a en même temps montré un grand principe du mouvement de résistance : il ne s’agit pas d’un problème régional ni même national, il s’agit de l’arrêt du nucléaire qu’il soit militaire ou civil, dans le monde entier. Nous voulons vraiment le souligner noir sur blanc !

Les différents groupes de résistance ont alors décidé -malgré et à cause de cette mort- de continuer avec les actions. Nous avons alors utilisé beaucoup de X noirs à côté des jaunes pour la tristesse et pour la montrer ! »

Nous lui demandons qu’elle est l’origine de ce symbole de résistance.

« Eh bien la date du train atomique a toujours été gardé secrète aussi longtemps que possible alors on s’est dit, on mobilise pour le jour « j » [Tag X, en Allemand] C’est ce que nous avons affiché et ça s’est répandu, c’est ainsi que le X jaune est devenu symbole de résistance. Entre temps on en a fait des couleur argent, avec des paillettes. D’autres ont un X sur la voiture ou bien un petit X jaune au rétroviseur. Le plus important est que ce soit connu, qu’on puisse s’en fabriquer un rapidement avec des bouts de bois de la forêt, avec des rails de chemin de fer ou autre. Et ces X à la fenêtre indiquent à tous que lorsque un nouveau transport atomique Castor s’annonce, ils peuvent sonner ici et seront accueillis. Ce sont des choses qui vont de soit qui se sont développées au fil des années.

Et il semble que que cela va en rester ainsi. Les transports Castor vont encore nous occuper pour une durée indéfinissable, car le gouvernement rouge vert n’a pas réussit la sortie du nucléaire promise. Le consensus sur la sortie du nucléaire n’est qu’un emballage vide, les quantités d’électricité autorisées à produire sont trop élevées et par exemple l’usine d’enrichissement de l’uranium de Gronau a été agrandie après le consensus, etc. Cette politique ne s’oriente pas en fonction de l’écologie et de la protection contre les rayonnements mais en fonction de l’industrie de l’électricité. Dans le domaine, ce serait presque mieux avec un gouvernement CDU (chrétiens démocrates, droite) parce que la coalition rouge-verte serait à nouveau dans l’opposition. Et une opposition forte c’est aussi un important porte voix !

Car ce qui se passe en ce moment, c’est impossible ! On doit arrêter avec ces transports de déchets nucléaires insensés, a bas les contrats ! La place la plus sûre se trouve dans nos centrales si celles-ci sont arrêtées. Au lieu de cela on continue en Allemagne à produire 20 000 tonnes de déchets radioactifs par an, on les envoie à l’étranger et les reprend. Là-bas ils séparent les choses pour un site de stockage définitif que personne ne connaît encore ! Et on pourrait penser que la quantité diminue à travers cela, mais nous recevons 14 fois ce que nous avons envoyé, rien qu’avec ce qui a été contaminé lors de la séparation des éléments radioactifs. Et tout cela va à Gorleben. Un tel container castor est transporté sur de longues distances jusqu’à être chargé sur les camions à la gare de Dannenberg et transporté ici. Les policiers qui le « protègent » avec leur corps sont sans arrêt changés à cause du rayonnement. Le potentiel radioactif d’un container Castor correspond à la radioactivité de 40 bombes Hiroshima sans la force explosive mais avec le fall out, des répercutions comme après un grave accident. Un accident un peu plus léger serait déjà une grosse catastrophe.

Tous ces containers sont entreposés dans une halle en béton, ils dégagent de la chaleur. Nos pommes de terre sont mieux protégées ! Dans la halle il n’y a pas de filtre, pas d’isolation. Seulement des aérations pour évacuer la chaleur. Et quelque part il y a un appareil de mesure des radiations.

Gorleben est le point centrale essentiel pour justifier qu’on peut éliminer les déchets. Trittin [ministre de l’environnement] a dit sous la pression qu’on devait voter une loi sur la recherche de site d’enfouissement dans laquelle tout est clairement présenté : quoi, comment, quand, où. La recherche de cette loi sur le recherche d’un site dure déjà depuis plus de deux ans. Rien ne s’est fait ! Pause. Silence ! Pour nous tous, ce serait en effet très important que avant le 18 septembre, si les nouvelles élections ont bien lieu, une telle loi soit votée. Mais c’est pas la peine de compte sur ça, il y a les difficultés de la bureaucratie, la pause de l’été, c’est de la lâcheté.

Et tenir sur si longtemps, avec des gouvernements qui changent et ne jamais abandonner ou retourner sa veste, ce n’est assurément pas facile. Ma belle mère qui a plus de 80 ans, un femme très raisonnable anciennement électrice CDU, comme tous ici, elle a dit récemment : là, plus rien ne peut aider, vous devriez balancer une bombe là dedans. » »