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Le sarkozysme sans Sarkozy de monsieur Valls

Publie le mercredi 1er juillet 2009 par Open-Publishing
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Les commentateurs dans les grands médias évitent soigneusement de s’attarder sur les véritables causes de l’échec du parti socialiste aux élections européennes . On préfère chercher des scoops avec des querelles de personnes ou dauber sur "l’impuissance" ou le manque de "crédibilité" des propositions socialistes en restant délibérément à la surface des choses sous couvert de bons mots... Ce qu’il faut absolument occulter c’est la déconfiture d’une social-démocratie reconvertie en social-libéralisme. Les médias, eux-mêmes aux mains des idéologues libéraux, ne sauraient reprocher aux dirigeants socialistes leur reddition inconditionnelle face aux dogmes libéraux, leur adhésion proclamée aux principes de l’économie de marché, leur acceptation tacite des inégalités générées par le libéralisme, leur connivence honteuse avec la droite pour une gestion néo-libérale de nos sociétés... Les électeurs, si ! De "gérants loyaux du capitalisme", selon l’expression de Léon Blum, les notables socialistes en sont devenus les serviteurs zélés. Et cela finit par se voir ! Il y a plus de vingt ans que la volte-face s’est concrétisée : c’est Bérégovoy qui a libéré les marchés des capitaux ; c’est Strauss-Kahn qui a inventé la fiscalité avantageuse des stock-options ; c’est Fabius qui a voulu baisser l’impôt sur le revenu, en particulier des riches de manière à leur éviter l’exil fiscal, etc.

Le plus dramatique, c’est que les dirigeants actuels n’envisagent nullement de remettre en cause d’aussi désastreuses orientations, sinon sous la forme des vieilles recettes keynésiennes qui peuvent un temps calmer la douleur sans soigner le mal : la fameuse "régulation", par exemple, qui est à la marchandisation généralisée ce que l’aspirine est au cancer ; ou encore des idées foireuses comme la bouffonnerie de "l’économie sociale de marché", cet oxymore, qui fait se marrer tous les financiers qui daignent s’en soucier ! N’ayant rien d’autre à proposer que ce qui existe déjà, les agents de ce champ bien particulier qu’est la nomenklatura socialiste n’ont plus qu’à s’affronter pour la domination du champ, c’est-à-dire se disputer les places. Les appétits s’exacerbent, les couteaux s’aiguisent au service de bien des ambitions sans scrupules et de carriérismes sans foi ni loi... On a vu ainsi récemment le sieur Manuel Valls, petit maître cynique mais politicien opportuniste, entreprendre de faire don de sa précieuse personne à l’objectif présidentiel. Tant qu’on n’a pas trouvé meilleur que lui, précise-t-il modestement. La fatuité balourde de ce genre personnage me surprendra toujours.

M. Valls a en tout cas commencé sa campagne. On l’a vu, il y a peu, parcourant une brocante à Evry, trop colorée, à son goût, pour l’image de la ville, intimer à ce qui semble être un communicant : "tu me mets quelques blancs, quelques white, quelques blancos". Du Le Pen dans le texte ! Il a bien sûr essayé de rattraper le coup : ce discours ne faisait que traduire un noble projet, combattre les "tabous" (?), promouvoir la "diversité", refuser la "ghettoïsation"... Tu parles ! Ah, ces "tabous" à lever, inusables alibis de tous les reniements... Mais de quel "tabou" s’agit-il donc ? La spontanéité du propos ne laisse aucun doute sur le fond de la pensée de M. Valls : on peut désormais, à "gauche", exprimer sans ambages et sans état d’âmes la xénophobie la plus banale et le racisme le plus ordinaire. Pensée et arrière-pensées : M. Valls sait bien que ses obscénités racistes peuvent constituer, à toutes fins utiles, un investissement sûr auprès d’un certain électorat.

Lepénisme et sarkozysme étant les deux mamelles de l’apostasie de gauche, M. Valls confiait, le 14 juin, au journal Sud-Ouest, que "nous n’éviterons pas le recul de l’âge de la retraite". Confirmation d’une capitulation qu’il ose appeler, de manière ronflante, une "révolution intellectuelle" (sic) ! Le lendemain, Brice Hortefeux, ministre du travail, annonçait que le "relèvement de l’âge de la retraite (est) une piste". Ce ne sont plus des connivents mais des choristes ! M. Valls invente ainsi le sarkozysme sans Sarkozy. Il aurait peut-être même voulu avec mais il a sans doute du estimer que ce serait un peu trop vite griller ce qu’il croit être ses chances. Ultime abjuration, M. Valls trouve que "le mot socialisme est sans doute dépassé, il renvoie à des conceptions du XIXème siècle". Applaudissements très officiels à l’UMP ! Parce que le mot capitalisme, lui, est tout neuf sans doute, même s’il a nettement précédé l’apparition du mot socialisme lequel s’en est voulu l’antithèse. Et quelle finesse d’analyse ! Quand M. Valls récrit l’histoire, il vaut mieux éloigner les enfants ! Blairiste attardé au moment où le blairisme est en déroute partout en Europe, gageons que, faute de mieux, ses bons offices ne resteront pas longtemps sans emploi sous l’autocratie sarkozyste.

Gérard Sens

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