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Le syndicalisme et ses armes

Publie le lundi 17 octobre 2005 par Open-Publishing
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"La classe ouvrière organisée n’existe plus guère, certes, mais les ouvriers et employés subalternes restent légion et largement majoritaires dans nos pays
développés. La plus grosse difficulté vient du fait qu’eux-mêmes et la plupart des intellectuels qui s’expriment ne croient plus qu’ils sont potentiellement porteurs
d’un avenir meilleur pour l’humanité."

On peut regretter l’absence de grands dirigeants syndicaux comme Émile Pouget, ce secrétaire national de la CGT d’avant 1914, pour proclamer : « L’action directe, c’est la force ouvrière en travail créateur : c’est la force accouchant du droit nouveau - faisant le droit social. »
On entend déjà les sceptiques et les « modernes » : il est impossible de transposer les méthodes d’hier au traitement des questions d’aujourd’hui, de tirer des leçons d’un conflit localisé pour des questions d’importance nationale dans un contexte mondialisé. Il faut savoir s’adapter, renoncer à la grève qui est périmée, et tout miser sur le dialogue social.
La classe ouvrière organisée n’existe plus guère, certes, mais les ouvriers et
employés subalternes restent légion et largement majoritaires dans nos pays
développés. La plus grosse difficulté vient du fait qu’eux-mêmes et la plupart des intellectuels qui s’expriment ne croient plus qu’ils sont potentiellement porteurs d’un avenir meilleur pour l’humanité.

« Ce numéro est le fruit d’une collaboration avec le Centre d’histoire du travail
(CHT, 2 bis Léon-Bureau 44200 Nantes - 02 40 08 22 04). Depuis plus de vingt ans cette association conserve et met en valeur les archives des organisations et des militants ouvriers et paysans, principalement de Loire-Atlantique. Pour bâtir le dossier sur les grèves de 1955 à Nantes et Saint-Nazaire, il a été fait appel à la plume d’historiens locaux aux archives du CHT (fonds syndicaux, interviews, etc.) ainsi qu’à celles, encore soumises à dérogation, conservées aux Archives départementales de Loire-Atlantique (ADLA).
Une exposition relatant ce long conflit social est présentée cette année 2005 à Saint Nazaire et Nantes. »

On peut télécharger la conférence donnée par Christophe Patillon (du Centre
d’Histoire du travail de Nantes) et Charles Jacquier - qui ont tous les deux coordonné ce numéro de la revue Agone - à la librairie L’Odeur du temps à Marseille le 23 septembre 2005.

ENTRE ACTION DIRECTE ET LÉGALISATION

Les caractères de l’action directe suivi de Le sabotage, Émile Pouget
Il n’y a pas de forme spécifique de l’action directe. Certains l’expliquent par un
abattage copieux de carreaux. Se satisfaire d’une semblable définition serait
considérer cet épanouissement de la force prolétarienne sous un angle vraiment étroit ; ce serait ramener l’action directe à un geste plus ou moins impulsif ; ce serait oublier qu’elle est la symbolisation de la révolte ouvrière.

Gaston Couté, la grève, l’action directe et les « chansons de la semaine » de La
Guerre sociale, Lucien Seroux

Poète, conteur, chansonnier, Gaston Couté (1880-1911) fut une des « plumes » les plus attachantes et singulières du siècle naissant. Libertaire et syndicaliste, il écrivit durant les dernières années de sa vie de nombreuses chansons sur les luttes sociales dans les colonnes de La Guerre sociale.

La légalisation de la classe ouvrière, Bernard Edelman

La politique, pour le droit, c’est le fonctionnement des institutions
constitutionnelles qui exclut la classe ouvrière en tant que classe, et la transforme en une somme de citoyens. Et on a bien compris ce que cachait la distinction professionnel/politique : l’interdiction légale faite aux travailleurs d’envisager la lutte « économique » comme une lutte « politique ».

La nouvelle tactique syndicaliste : l’occupation des usines, Édouard Berth

Les ouvriers ne quittent plus l’usine, ils l’occupent ; il y couchent, ils y mangent,
boivent et dorment ; ils s’y installent, comme en pays conquis, que dis-je, comme chez eux. Ma parole, se croiraient-ils donc, ces ouvriers, les véritables possesseurs et propriétaires de ces fabriques, bureaux et magasins, où nous, patrons, nous avions la charité de vouloir bien les faire travailler ?

Syndicats et comités d’entreprise : histoire d’un vieux couple instable, Jean-Pierre Le Crom

Dès leur origine, les comités d’entreprise sont marqués par une ambiguïté : sont-ils des instruments au service des revendications syndicales, ou des agents de coopération de toutes les catégories de personnel de l’entreprise avec la direction ?

LES GRÈVES DE 1955 À SAINT-NAZAIRE ET NANTES

« Action directe » et négociations dans la grève nazairienne de 1955, Jean-Yves
Martin

La grève de 1955 n’est ni le fruit d’un spontanéisme ouvrier ni le résultat de la
mise en branle d’une « action directe » qui serait une caractéristique « historique » du syndicalisme nazairien. Elle a sa logique et sa dynamique, dont l’analyse souligne les rôles respectifs de ses acteurs : ouvriers, patrons, secrétaires et délégués syndicaux, population, élus locaux et nationaux.

Les grèves de la métallurgie à Nantes pendant l’été 1955, Yves Rochcongar

Ces ouvriers de 1955 s’étaient dressés, contraints et forcés, contre le mépris et la morgue de certains patrons, non pas pour faire la révolution mais pour se faire respecter. La leçon avait porté, mais il fallut encore des rappels, comme un certain 13 mai 1968, qui vit les ouvriers de Sud-Aviation de Nantes-Bouguenais souder les grilles de l’usine, garder prisonnier dans son bureau leur directeur, donnant ainsi le point de départ de la grève généralisée qui paralysa la France entière pendant plusieurs semaines.

Les ouvriers face à la bureaucratie. Le conflit de 1955 selon Socialisme ou Barbarie, Cornélius Castoriadis

Il y a dans l’attitude des ouvriers nantais une contestation radicale des syndicats, puisqu’ils ne leur font confiance ni pour définir les revendications, ni pour les défendre, ni pour les négocier, et qu’ils ne comptent que sur eux-mêmes. Cette méfiance totale, exprimée dans les actes, est infiniment plus importante que ce que ces mêmes ouvriers pouvaient « penser » ou « dire » au même moment (y compris ce qu’ils ont pu voter au cours des élections législatives récentes).

« Masses » et « dirigeants » : le conflit de 1955 analysé par les Unions
départementales CGT, CFTC et FO de Loire-Atlantique, Christophe Patillon

Les grands médias partagent avec le patronat et l’État une même conviction : le
syndicalisme doit être un outil d’encadrement des masses au service de la
pacification des rapports sociaux. Quant aux dirigeants syndicaux, ils oscillent
entre l’appel à la mobilisation des masses et la volonté de rester maître de la
conduite du mouvement.

Les grèves de 1955 et La Révolution prolétarienne : Une autre confirmation : les grèves de Saint-Nazaire, Roger Hagnauer - Les mouvements revendicatifs dans l’industrie privée, Le Métallo

PAROLES D’ACTEURS

Du côté des syndicats
« Ces grèves de 1955 sont la conséquence directe de l’attitude du patronat » - Entretien avec Marcel Guihéneuf

« Les ouvriers admettaient difficilement que la CGT accepte la reprise du travail
dans ces conditions-là » - Entretien avec Gaston Jacquet

« Un moment fort et qualitatif de l’action syndicale » - Entretien avec Georges
Prampart

L’action directe selon Alexandre Hébert

- Unité d’action à Saint-Nazaire

- À Nantes, sous le signe de l’unité révolutionnaire, violences ouvrières et violence patronale

Du côté des patrons et de l’État

« Ici j’ai trouvé ce qu’étaient la pagaille, le sabotage et les imbéciles » -
Entretien avec Wladimir Zalkind

« On a donné une réputation à la région qui faisait que les gens hésitaient à venir s’installer dans le coin » - Entretien avec Marius Piron

Des grèves de 1955 à la démocratie sociale de demain ?, René Bourrigaud
La référence aux « grèves de 1955 » est devenue plus ou moins mythique, car
finalement mal connue. Pour les uns, c’était le bon temps de la lutte des classes à l’état pur. Pour les autres, une catastrophe pour l’image de marque de la région, qui a fait fuir les investisseurs. Une preuve parmi d’autres que la lutte se poursuit au moins par les représentations. Posons-nous une seule question : peut-on tirer des leçons de cet épisode bien délimité dans le temps et l’espace, susceptibles de nous guider dans les débats d’aujourd’hui sur ce qu’il est convenu d’appeler la « démocratie sociale » ?

HISTOIRE RADICALE

La grève générale révolutionnaire (Réponse à Jaurès), Confédération générale du travail (Commission de propagande de la grève générale) - Le court instant « grève-généraliste » de la CGT, présentation par Miguel Chueca

Lettre de Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de la France, à Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, tract trouvé à la manifestion du 1er mai 2003

Modestes contributions de Julien Coffinet à l’érosion de l’imaginaire fondateur du système capitaliste

Dossier présenté par Charles Jacquier
- La mission du prolétariat
- Qu’est-ce qui a détruit la démocratie ? Analyse de la technologie capitaliste

LA LEÇON DES CHOSES

Capital financier et nouvelle philanthropie, Nicolas Guilhot

Le capitalisme et son « éthique » : une lecture de Max Weber, Isabelle Kalinowski

En hommage à Lothar Baier : « En souvenir d’un révolutionnaire qui se posait des questions. À propos de Frantz Fanon »

Revue Agone N°33

Messages

  • En complément de la présentation ici publiée de la revue

    salutations militantes

    Patrice Bardet, militant CGT, patrice_bardet@yahoo.fr


    Quelques articles cités :

    Les ouvriers face à la bureaucratie

    Le Sabotage - Emile Poujet

    pour télécharger la conférence de Christophe Patillon et Charles Jacquier, organisée en collaboration avec le Centre d’histoire du travail de Nantes, à l’occasion de la sortie du dernier numéro de la revue Agone

    Conférence


    ci-dessous une critique de Jean Magniadas, parue dans l’Humanité du 6 juin 2005

    Le Syndicalisme et ses armes,

    revue Agone, nº 33, 2005, 22 euros.

    En collaboration avec le Centre d’histoire du travail de Nantes, la revue Agone consacre cette livraison à l’action syndicale. La première partie porte sur le syndicalisme révolutionnaire, dit aussi « anarcho-syndicalisme », dont l’apogée se réalisera au Congrès d’Amiens de la CGT en 1905, et dont la « Charte » alors adoptée fera l’objet, au cours du siècle, de bien des controverses.

    On y trouve la reproduction d’un article d’Émile Pouget, polémiste original et fondateur du Père Peinard, sur l’action directe et le sabotage, coeur des conceptions syndicales de l’époque, certes solidement fondées sur la lutte de classes, mais s’enfermant dans l’idée que « le syndicat suffit à tout » et le réduisant à l’action de minorités agissantes. Un article est consacré au chansonnier Gaston Couté, poète et conteur situé dans le même courant, tandis qu’est reproduit un texte de 1936 sur l’occupation des usines, d’Édouard Berth, disciple de Sorel. Bernard Edelman étudie les débats juridiques et idéologiques autour de l’instauration du droit de grève.

    Jean-Pierre Le Crom, revient sur la genèse des comités d’entreprise. Silencieux sur les affrontements qui ont marqué leur naissance et accompagnent depuis leur existence, il n’observe dans cette institution qu’ambiguïtés et machine à consensus, méconnaissant l’hostilité du patronat qui se voyait privé d’une base de paternalisme, alors que, hanté par l’intervention dans la gestion, il entendait la réduire à un instrument de collaboration de classes. Tentative à laquelle la CGT s’opposera avec succès.

    La seconde partie de ce dossier porte sur le grand conflit de Saint-Nazaire en 1955, la puissance de la grève, des négociations marquées de tensions, d’affrontements très vifs, d’une proposition patronale provocatrice d’augmentation de salaire de 4 % face à une de revendication de 30 %. Le patronat devra finalement subir une augmentation de 22 %. Ce conflit, très significatif de la combativité ouvrière, s’est inscrit dans la mémoire collective d’une histoire sociale locale très riche. Certains ont voulu en faire un épouvantail. D’autres n’y voir qu’une simple résurgence du syndicalisme d’action directe ou fabriquer un modèle exemplaire. Une pitoyable attaque contre le secrétaire général actuel de la CGT gâche quelque peu la tenue de l’ouvrage. Misère de la polémique sans fondement !

    Jean Magniadas, économiste