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Les associations de chômeurs se mobilisent face à la menace FN

Publie le mercredi 4 février 2004 par Open-Publishing

La percée du discours d’« insécurité sociale » dans l’électorat populaire les
inquiète.

« Le Front national occupe le vide laissé sur la question sociale par la
droite et la gauche. » Jean-François Yon, du Mouvement national des chômeurs
et des précaires

Marine Le Pen fait mine de découvrir les vertus de « la sociale ». Sur des
tracts de la candidate du Front national aux régionales en Ile-de-France, un
homme cache sa nudité sous un carton estampillé « made in China ». « 600 000
chômeurs dans notre région, des dizaines de plans sociaux... Contre
l’insécurité sociale... Front national », dit le slogan.

Eludée durant la campagne présidentielle, la question sociale est en passe
de devenir l’argument choc des candidats d’extrême droite aux régionales à
destination de l’électorat populaire. Au grand désarroi des associations de
chômeurs, de précaires et d’insertion, prêtes, pour certaines, à intervenir
sur le terrain politique. « "La gauche n’a rien fait, la droite m’exclut du
chômage, je vote FN." L’argument peut en séduire beaucoup », se désespère
François Desanti, le responsable des comités de chômeurs CGT. Raison pour
laquelle Jean-Paul Peneau, directeur général de la Fédération nationale des
associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), raconte avoir
« placardé dans les foyers d’urgence des affiches pour inciter les gens à
s’inscrire sur les listes électorales ». Les associations d’exclus et de
chômeurs se souviennent que Le Pen a déjà dépassé 25 % des voix chez les
chômeurs à la présidentielle de 2002, comme à celle de 1995. Et qu’à
l’occasion des régionales le discours lepéniste risque fort de mordre un peu
plus sur les populations les plus fragilisées.

« Interdire ». « Un jour, alors que nous étions à mettre sous enveloppes un
courrier adressé à des hommes politiques, un de nos membres, d’origine
algérienne, a dit qu’il ne fallait pas oublier d’en envoyer un à Jean-Marie
Le Pen, raconte Malika Zhediri, responsable de l’Association pour l’emploi,
l’information et la solidarité des chômeurs et des travailleurs précaires
(Apeis). Il nous a expliqué ensuite pourquoi il trouvait que Le Pen avait
raison. »

Marine Le Pen l’a compris, au point de proposer d’« interdire
contractuellement les suppressions d’emplois dans les entreprises soutenues
par la région, sous peine de remboursement immédiat des aides accordées à
celles-ci ». Encore un effort et elle en viendrait presque à « l’interdiction
des licenciements » prônée par Arlette Laguiller, autre tête de liste aux
régionales en Ile-de-France. « Je suis habituée à la démagogie du FN qui, au
bout du compte, appliquera la politique du patronat », s’indigne la
porte-parole de LO. Mais l’argumentation du FN passe d’autant mieux que le
gouvernement agit en « pompier pyromane », selon François Desanti. « Avec son
discours sur la réhabilitation du travail, le gouvernement stigmatise. Aider
les plus fragiles, ce n’est pas de l’assistanat », constate Martin Hirsch,
président d’Emmaüs. Les mises en place du RMA, le nouveau mode de calcul de
l’allocation spécifique de solidarité, et du mode d’indemnisation chômage,
qui risque d’entraîner l’exclusion de 850 000 chômeurs du système Unedic,
confortent les propos alarmistes des lepénistes. Pour Jean-François Yon, du
Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP), « Fillon et Raffarin
sont en train de faire passer tous les chômeurs pour des fainéants qui ne
veulent pas bosser ».

« Traces ». « Les vingt dernières années ont laissé des traces, se désole
Malika Zhediri. Les moments de relance économique n’ont pas profité aux
franges les plus précarisées de la population. Nous payons les résultats de
batailles que la gauche n’a pas voulu livrer. » Résultat, le FN « occupe le
vide laissé sur la question sociale par la droite et la gauche », constate
Jean-François Yon. Mais, si le parti d’extrême droite prétend récupérer les
voix des chômeurs, son programme n’est pas si tendre à leur adresse. La
prose lepéniste insistant notamment sur la nécessité de « mettre un terme aux
abus de la part de chômeurs refusant systématiquement un emploi ».

Libération