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Les intermittents mettent Cannes sous pression

Publie le samedi 8 mai 2004 par Open-Publishing
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La coordination nationale est divisée entre les partisans d’actions
spectaculaires et ceux qui redoutent des débordements. Un rendez-vous est
prévu avec la direction du Festival mardi 11 mai, veille de l’ouverture

C’est le festival de tous les dangers. A quelques jours de l’ouverture du
Festival de Cannes, mercredi 12 mai, les acteurs du dossier des
intermittents du spectacle jouent une partie très délicate : les
intermittents eux-mêmes, les partenaires sociaux, le gouvernement. Quant à
la direction du Festival, elle est tiraillée entre le devoir d’assurer le
bon déroulement de cette manifestation mondiale du cinéma, qui attire
quelque 4 000 journalistes, et l’obligation d’offrir une tribune aux
militants, comme elle s’y était engagée fin avril.

Vendredi soir 7 mai, une centaine d’intermittents ont bloqué le départ des
bobines et copies de films entreposées au dépôt de la société de transport
Filminger, à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise). Ils ont fini par laisser
partir les camions, en lançant cet avertissement : "Nous demandons à la
direction du Festival de Cannes une prise de parole à la cérémonie
d’ouverture. Il faut que le festival se positionne quant à l’abrogation du
nouveau protocole." Pendant ce temps, les intermittents de la Coordination
tenaient une assemblée générale houleuse, à Paris.

Alors que le gouvernement n’a pas fait droit à la revendication essentielle
des intermittents - l’abrogation ou la suspension du protocole signé en juin
2003 -, la déception a cédé la place aux divisions internes. Au sein de la
Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France, certains
souhaitent organiser des actions spectaculaires, pour montrer que le
mouvement ne fléchit pas. Le gouvernement ne mise-t-il pas, depuis des mois,
sur l’affaiblissement des troupes ?

D’autres, minoritaires semble-t-il, redoutent qu’une telle attitude
aboutisse à des débordements et nuise à leur image. Vu l’impact économique
du festival, certains commerçants sont aux aguets, prêts à envoyer des "gros
bras".

A ce jour, toutes les options restent ouvertes. "Nous ne sommes pas dans la
logique de faire capoter le festival, mais on s’en servira comme tribune",
résume Sylviane Manuel, de la Coordination.

Les membres de la Coordination sont aussi divisés entre ceux qui veulent
limiter les revendications aux seuls intermittents, et ceux qui souhaitent
les élargir au mouvement social. La tension est au c¦ur même de
l’appellation de la Coordination "des intermittents et précaires", dont
certains membres militent au syndicat SUD. Ceux qui ont défilé à Milan, le
week-end du 1er Mai, lors du rassemblement des travailleurs précaires
d’Europe, intitulé Euro May Day, rêvent d’organiser une sorte de Forum
social européen à Cannes. Une action est déjà prévue le 18 mai, jour où le
ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres,
organise une rencontre entre les vingt-cinq ministres de la culture
européens, sur le thème de la lutte contre le piratage.

Les tensions s’expriment jusque dans les slogans. Il y a quelques jours, au
terme d’un compromis, "Cannes. Apocalypse Now ? Négociations" avait été
retenu. A Cannes, les intermittents peuvent compter quelques VIP dans leur
camp : les cinéastes Pedro Almodovar, Ken Loach, Tony Gatlif, Michael
Moore... La comédienne et cinéaste Agnès Jaoui, qui doit monter les marches
le 16 mai pour présenter en compétition son film Comme une image, devrait
manifester sa solidarité de façon pacifique.

En attendant, les uns et les autres (CGT, SRF -Société des réalisateurs de
films-...) multiplient les déclarations rassurantes, voire inattendues.
Ainsi, dans un communiqué, la SRF, qui organise la Quinzaine des
réalisateurs à Cannes, indique qu’elle "tient à apporter son soutien au
ministre de la culture" : "Nous sommes étonnés que la volonté de
renégociation exigée par le chef de l’Etat, et comprise par le ministre de
la culture, n’ait été soutenue ni par le ministre des finances ni par le
premier ministre", lit-on. Cette réaction peut, a priori, surprendre, quand
on sait que la SRF est membre du "comité de suivi" qui regroupe divers
opposants à la réforme - Coordination, CGT, SUD, Ufisc (arts de la rue),
parlementaires de tous bords - et a fortement critiqué les annonces de M.
Donnedieu de Vabres lors de sa conférence de presse du 5 mai.

En fait, le "comité de suivi" joue la carte de la Rue de Valois contre les
autres ministères. Lors de sa conférence de presse, le 6 mai, divers
orateurs ont assuré que M. Donnedieu de Vabres a perdu son arbitrage.
L’intransigeance de M. Raffarin sur le dossier, sur France 2, les a
confortés dans ce sens.

De fait, ceux qui ont suivi de près les ultimes arbitrages assurent que le
ministre est allé au-delà de sa feuille de route. "Entre minuit et 2 heures
du matin, le 5 mai, nous avons amendé le texte avec M. Donnedieu de Vabres",
confie un membre actif de la Coordination. De nombreuses hypothèses avaient
circulé avant le 5 mai, de façon à tester les réactions des partenaires
sociaux.

Dans une lettre de cadrage confidentielle adressée aux différents
protagonistes, vendredi 30 avril, l’expression symbolique du retour aux "507
heures sur douze mois" pour avoir accès à l’assurance-chômage, pour les
intermittents les plus fragiles, était absente. Elle a été rajoutée
ultérieurement. De même, le maintien du protocole de juin 2003 était assumé
 : "Le gouvernement, soucieux de respecter le paritarisme et attaché au
caractère interprofessionnel du système, n’envisage pas de prendre position
sur la remise en cause du protocole." M. Donnedieu de Vabres s’est bien
gardé de prononcer cette phrase le 5 mai.

En revanche, les relations entre la fédération CGT du spectacle et la Rue de
Valois sont glaciales. Le cabinet du ministre de la culture n’a pas apprécié
que son secrétaire général, Jean Voirin, dénonce les "mesurettes", notamment
la création d’un fonds provisoire doté de 20 millions d’euros. Devant les
caméras de télévision, M. Voirin avait rapporté cette somme aux 18 000
intermittents qui risquent d’être exclus du nouveau dispositif en 2004, et
conclu : "Cela fait 93 euros par personne par mois." "Vous manipulez
l’opinion !", s’est emportée la Rue de Valois. "Je n’ai pas fait l’ENA mais
la communale. Je sais faire une règle de trois", a répliqué M. Voirin.

Jeudi 6 et vendredi 7 mai, M. Donnedieu de Vabres a "réécouté" les uns et
les autres. Certains sont persuadés que la ministre de la culture n’a pas
dit son dernier mot. Ainsi, il semblerait que la situation des personnes en
congé maternité et en congé maladie, qui n’ont plus la garantie d’accumuler
des heures pendant leur congé, soit en train de se débloquer. Tout en
rejetant la perspective d’une abrogation du protocole, le numéro un du
Medef, Ernest-Antoine Seillière, a signalé, le 7 mai, sur Europe 1, que des
"aménagements" étaient possibles, citant le cas des femmes enceintes.

Les intéressées restent vigilantes : dans un courrier daté du 22 mars -
jusque-là non dévoilé - adressé à l’ancien ministre de la culture,
Jean-Jacques Aillagon, le président de l’Unedic et responsable du Medef,
Denis Gautier-Sauvagnac, opposait une fin de non-recevoir. Pour lui, les
femmes enceintes qui "ne sont pas en capacité de travailler" pourront
demander "une constatation médicale" et relèveront de "l’assurance-maladie
et de ses indemnités journalières". M. Donnedieu de Vabres a du travail
avant de rétablir la confiance.

Le Monde

Messages

  • LETTRE OUVERTE A MR CHEREQUE
    par Charles Hoareau

    J’ai cru comprendre en lisant la presse que vous étiez inquiet au
    sujet de l’équilibre financier de l’UNEDIC, suite à la décision de
    Marseille.

    Je tiens à vous rassurer : n’ayez aucune inquiétude.

    Peut être dans votre désarroi n’avez vous pas pu prendre connaissance
    des attendus du jugement ?

    Je vous en livre un extrait : « il apparaît que le résultat financier
    de l’assurance chômage était particulièrement excédentaire (excédent
    de 1,3 milliard d’euros en 2000, estimation de 220 millions d’euros
    en 2001). Ce n’est qu’à la suite d’une réduction volontaire des
    cotisations patronales et salariales constituant ses recettes,
    intervenue postérieurement, que le régime d’assurance chômage est
    devenu déficitaire. »

    Vous voyez, comme le disent les juges, il suffit de revenir au taux
    de cotisation antérieur et le déficit disparaît. D’ailleurs cela a
    été confirmé sur les ondes de France Inter où quelqu’un disait que la
    réintégration dans leur droits de tous les recalculés coûterait 1
    milliard d’euros. Tout va bien ! il resterait même 300 millions pour,
    par exemple, rétablir le fonds social que « dans son inquiétude »
    Nicole Notat nous avait enlevé.

    A la réflexion, je me dis que si vous aviez eu le temps de prendre
    connaissance de ce problème de cotisations votre inquiétude d’alors
    ne vous aurait pas contraint à signer un accord mauvais sur les
    retraites. Pensez donc, « Les Comptes de La Nation », publication que
    l’on ne saurait taxer de partialité ou d’inexactitude, indiquent au
    chapitre IV : Financement de la protection sociale, que la baisse des
    cotisations entre 1990 et 2000 représente 2% du PIB soit 30 milliards
    d’euros par an ! Et encore je vous passe le rapport FRIOT qui a mis
    en évidence que, dans un pays comme la France où la richesse double
    tous les 40 ans, il y aurait aujourd’hui de quoi indemniser tous les
    chômeurs (seuls 4 sur 10 le sont) et qu’il y aura dans 40 ans encore
    plus d’argent pour financer les retraites.

    Donc soyez rassuré.

    Pour être franc avec vous je dois vous avouer que moi aussi j’ai mes
    inquiétudes.

    Quand, un des 35 de Marseille, radieux depuis jeudi, chômeur
    recalculé de plus de 55 ans, m’a dit en janvier « si ça continue je
    vais me pendre », quand un chômeur breton a écrit à l’Huma pour dire
    qu’il allait se suicider dans une ASSEDIC, quand une chômeuse du nord
    a fait une grève de la faim.j’étais très inquiet. Et vous ? Où étiez
    vous ? On ne vous a pas entendu.

    Il faut croire que nous n’avons pas les mêmes inquiétudes.

    A la Ciotat, où le comité chômeurs 13 est né, on a connu un ministre
    du « déménagement du territoire » nommé Chérèque, s’opposant à la
    réouverture du chantier naval au nom des choix européens. « Il faut
    passer à autre chose » disait-il. 15 ans et plusieurs marées noires
    après La Ciotat ne construit toujours pas de pétroliers double coque
    et compte toujours autant de chômeurs. Je ne sais si l’adage tel
    père, tel fils est juste, mais j’en viens à me dire que l’autisme
    social est une maladie héréditaire.

    Charles Hoareau
    Le 18 avril 04