Accueil > « Les salariés voteront s’ils sentent qu’on peut gagner »

« Les salariés voteront s’ils sentent qu’on peut gagner »

Publie le jeudi 30 novembre 2006 par Open-Publishing
1 commentaire

Rencontres en Isère . Deux semaines après un meeting des collectifs antilibéraux qui a fait date en réunissant plus de 3 000 personnes, la dynamique s’est encore amplifiée.

Exemple à Grenoble avec quelques-uns des acteurs de ce rassemblement.

Grenoble (Isère),
envoyé spécial.

Grenoble, le 13 novembre, 3 200 personnes emplissent la grande salle du Summum à l’appel des collectifs antilibéraux. Une affluence qui dépasse celle des meilleurs meetings de la campagne du non au référendum européen et tout ce que les militants unitaires avaient pu espérer. Un tel succès témoigne d’une dynamique mais aussi d’un engagement militant qui a permis aux collectifs de l’Isère de mettre leurs forces en synergie. À Grenoble et dans le département alpin, la pratique de rassemblement des forces progressistes est ancrée. « Grenoble a été le théâtre de rassemblements importants, comme lors de l’élection de Charles Millon avec le Front national à la présidence de la région Rhône-Alpes », explique Gérard Beck, l’un des principaux animateurs de la coordination départementale des collectifs antilibéraux.

Du collectif du 29 mai au rassemblement antilibéral pour des candidatures communes, le pas a été franchi. « Nous voulons créer des collectifs au plus près du terrain, explique Gérard Beck. Nous avons aujourd’hui 31 collectifs autonomes, avec une coordination départementale, nous - refusons toute structure pyramidale », précise le militant associatif. Une conception que partagent les responsables de la fédération du PCF, très largement engagés dans la démarche unitaire.

Depuis le meeting du 13 novembre, la dynamique s’est amplifiée. « Des collectifs se créent, précise Patrice Voir, le secrétaire de la fédération communiste. Et dans les réunions, on rencontre plus de monde. Des gens qu’on ne voit pas habituellement. » Il cite ainsi la dernière réunion de son collectif, celui des quartiers sud de Grenoble, avec la participation d’une cinquantaine de personnes. Le combat des collectifs commence à résonner dans le département. Sur le quartier de Teyssère, un des plus populaires de Grenoble avec ses 1 200 logements HLM, les communistes tentent depuis plusieurs semaines de créer un collectif. « Nous en avons pris l’initiative parce qu’il n’y a pas d’autres forces du rassemblement antilibéral organisées sur la cité. J’aimerais mieux qu’on ne soit pas tout seul », explique Françoise Parisel.

Présence hebdomadaire sur le marché depuis trois ans, un journal du quartier diffusé régulièrement, un investissement dans le « forum social », une instance de démocratie participative liée à la municipalité socialiste, les quelques militants communistes du quartier ne manquent pas de suite dans les idées pour tenter de faire participer leurs concitoyens. « Quand nous avons lancé l’idée d’un collectif du quartier, nous avons invité quelques dizaines de personnes, et la première réunion s’est tenue sur la place, en public, raconte Françoise Parisel. Nous avons pu donc parler, des gens sont intéressés, mais ils ne font pas le pas de participer. » La militante note que, dans la population immigrée et d’origine étrangère, « les discriminations sont de plus en plus mal supportées. Ça divise, il y a une exaspération ressentie y compris par ceux qui sont adhérents au PCF. Ils ne pensent plus que la politique puisse changer les choses ». Beaucoup de résignation ; mais quand on parle loyers, charges, impôts locaux, ça discute. « Au marché, huit personnes sur dix signent les pétitions du Parti sur le pouvoir d’achat, indique Françoise. Mais il y a beaucoup de résignation. Et si le débat reste Sarko-Ségo, les gens n’iront pas voter. »

Après le meeting du Summum, quatre personnes nouvelles sont venues à la réunion du collectif. « C’est nouveau, un petit pas, mais ça compte, se réjouit Françoise. Ça permet de voir les choses autrement. Ils veulent qu’on se débarrasse de la droite et ont peur qu’on ne prenne pas nos responsabilités. Il faudra qu’on soit crédible, qu’ils sentent de l’espoir ; alors ils y croiront, ils ne bougeront pas avant. »

Pour présenter leur lutte contre la privatisation, la libéralisation de la distribution prévue pour 2009, l’intersyndicale des postiers est intervenue lors du meeting du 13 novembre. Aujourd’hui, un collectif est en constitution. « Il y a de la souffrance dans le travail, explique Michel, guichetier et syndiqué à la CGT. On vit au jour le jour la dégradation du service public, on subit l’exaspération des clients. Chaque soir on se dit qu’aujourd’hui on a tenu le choc. » Pour les salariés, c’est un matraquage permanent.

La direction multiplie les réunions pour faire accepter sa politique, les reculs. « Les situations des salariés sont de plus en plus individualisées, explique Michel, et ça pousse à la recherche de solutions personnelles. » Pourtant, la politique n’est pas absente. « On en discute, affirme Michel, et le match Sarkozy - Ségolène Royal agace. La gauche inquiète, elle n’est pas claire. Et Le Pen est en embuscade : on entend de nouveau qu’il faut dire merde à la politique en votant Le Pen. » Jean-Michel, secrétaire de la section CGT, pense que « les jeunes ne voteront pas Le Pen et vont se mobiliser.

Ce n’est pas un raz-de-marée mais on sent un effet CPE, des 20-30 ans qui se syndiquent. » Pour le syndicaliste, « le danger est le vote utile pour le PS. Mais il y a une attente et le rassemblement antilibéral commence à intéresser. » « On voudrait que notre collectif rassemble des salariés, des usagers et des élus, précise Serge, un militant communiste. Cette idée de convergence plaît et il faut rouvrir l’espoir d’une gauche qui change le système. Les salariés voteront s’ils sentent qu’on peut gagner ; sinon, ils choisiront le vote utile pour le PS. »

Olivier Mayer
l’Humanité
Article paru dans l’édition du 28 novembre 2006.

Messages