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Les syndicats se mobilisent contre l’inculpation de trois des leurs

Publie le jeudi 26 août 2004 par Open-Publishing

LIBERTÉS PUBLIQUES - Trois syndicalistes sont inculpés pour le blocage de véhicules des TPG lors de la grève de la fonction publique du 14 mai. Les syndicats réagissent.

Les libertés syndicales sont en danger. L’ensemble des associations de défense des travailleuses et travailleurs ont organisé, hier, une conférence de presse pour dénoncer l’inculpation qui sera formellement signifiée ce matin à Eric Decarro, ancien président du Syndicat des services publics (SSP-VPOD) suisse et à Paolo Gilardi, vice-président du syndicat pour la région de Genève. Une inculpation qui fait suite à celle de Rémy Pagani, secrétaire syndical au SSP-VPOD, pour le même motif : le blocage des dépôts des Transports publics genevois (TPG), le 14 mai dernier, lors du mouvement de la fonction publique qui avait vu une dizaine de milliers de fonctionnaires débrayer et manifester contre les mesures d’austérité imposées par la majorité de droite du Grand Conseil. De fait, pour l’heure, l’inculpation -qui n’est pas une condamnation, rappelons-le- va déboucher sur une procédure pénale (passible tout de même de troisjours à troisans d’emprisonnement). Mais les TPG se réservent le droit de porter l’affaire sur le plan civil, en demandant des dommages et intérêts pour un montant de 300000 francs, comme le relève un communiqué de la régie publique diffusé hier.

Une autre procédure judiciaire est également en route : un particulier a déposé plainte car il a dû prendre un taxi. Il réclame donc au nom de la liberté de commerce une somme de 3,30 francs. « C’est évidemment un piège, puisque payer cette somme équivaudrait à reconnaître une responsabilité dans un manque à gagner quelconque lié à une action de grève », relève Rémy Pagani. « Ainsi toute personne qui aurait été empêchée de consommer dans un magasin pour cause de manifestation pourrait se retourner contre le syndicat, tout comme le propriétaire du commerce. »

Enfin, relevons que l’un des griefs formulés par les TPG, à savoir la violation de domicile, n’a pas été retenu.

TENTATIVE D’INTIMIDATION

« Il s’agit d’une tentative d’intimidation à l’égard de personnes connues pour être remuantes, dénonce Paolo Gilardi, et cela traduit une volonté de répression du monde syndical en général ». Eric Decarro a ainsi évoqué diverses affaires où des conflits sociaux ont été « judiciarisés ». Notamment l’affaire Allpack, à Bâle, où le Conseil d’Etat a fait lever un piquet de grève par la police. Ou l’amende infligée aux organisateurs du cortège du 1ermai lausannois pour avoir fait un petit détour devant les Presses centrales de Lausanne, histoire de marquer leur soutien aux grévistes de cette entreprise. Comedia, le syndicat des médias, s’était également pris une amende pour avoir provoqué un retard de parution du journal L’Agefi.

Le SSP-VPOD a donc haussé le ton hier. Il met comme préalable à des négociations avec le Conseil d’Etat dans le cadre du conflit de la fonction publique genevoise une intervention de l’Exécutif genevois auprès des TPG, pour que ces derniers retirent leur plainte. « On ne peut pas négocier avec un partenaire social qui vous poursuit par voie pénale, même si c’est via une régie publique autonome mais tout de même sous sa tutelle », résume Paolo Gilardi. Le Cartel intersyndical du personnel de l’Etat et du secteur subventionné n’a pas encore formellement pris position sur cette demande.

LARGE SOUTIEN

Les inculpés ont eu hier le soutien de la Communauté genevoise d’action syndicale, qui regroupe l’ensemble des syndicats des secteurs privés et publics. L’Union syndicale suisse prend également l’affaire au sérieux et a réagi, via un communiqué de soutien lu par son secrétaire central, Romolo Molo, aux trois inculpés : « Leur criminalisation constitue une atteinte inadmissible aux droits humains fondamentaux ».

Sur le plan du droit, l’avocat des trois syndicalistes, MeFrançois Membrez, estime que la plainte des TPG aurait dû être classée par le parquet. L’article 239 du Code pénal invoqué par la régie publique -entrave à un service public d’intérêt général- ne s’applique précisément pas à des mouvements de grève ou autre action syndicale. « Les divers commentaires du Code pénal sont très explicites à ce sujet ». L’argumentation des syndicats relève que certains conducteurs se sont solidarisés des grévistes. Ce que démentent les TPG.

MeMembrez relève également qu’il n’y a eu aucune injonction de la police de dégager les voies de bus ou de tram. Enfin, l’avocat relève que du point de vue des libertés fondamentales, cette plainte est une entrave aux droits syndicaux et contrevient aux principes de la Constitution suisse. L’Organisation internationale du travail pourrait également être saisie de l’affaire.

Une inculpation signifie que l’affaire va être portée devant la justice. Elle ne peut pas être contestée en tant que telle, relève MeMembrez. « Nous allons maintenant demander l’acquittement de ces trois personnes ».

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