Accueil > Les travailleurs, les « classes moyennes », la Junte et la « révolution (…)

Les travailleurs, les « classes moyennes », la Junte et la « révolution permanente »

Publie le mardi 15 février 2011 par Open-Publishing
2 commentaires

Hossam El-Hamalawy *

En ce 13 février, une tension s’exprime sur la place Tahrir entre l’armée qui veut l’évacuer complètement et une couche importante de manifestants qui veulent démontrer, en y restant, leur vigilance face à une « transition » qui prend des airs de continuité après la victoire initiale de l’énorme mobilisation qui a conduit à la démission forcée de Moubarak.

Mais, comme cela était indiqué dans un article publié sur ce site (« Les bâtiments du pouvoir bloqués… »), la « transition » peut voir le choc entre deux options : celle d’une continuité rénovée du régime et celle d’une rupture plus profonde avec le régime. C’est dans cette perspective que nous publions l’article ci-dessous, écrit le 12 février 2011. (Rédaction)

*****

Depuis hier, le 11 février 2001, et de fait depuis avant, des activistes des « classes moyennes » ont insisté pour que les Egyptiens mettent fin à leur mobilisation et retournent travailler, cela au nom du patriotisme. Ils l’ont fait en chantant les plus ridicules comptines sur le thème : « Commençons à construire une nouvelle Egypte » ; « Travaillons plus fort que jamais auparavant », etc.

Au cas où vous ne le saurez pas, actuellement les Egyptiens sont déjà parmi ceux qui travaillent le plus dur au monde.

Cette couche « militante » veut que nous déposions notre confiance dans les mains des généraux de Moubarak pour organiser la transition vers la démocratie. Au cours des trente dernières années, cette junte militaire a constitué la colonne vertébrale de la dictature Moubarak.

Et bien qu’il soit possible, je le crois, que le Conseil suprême des forces armées – qui a reçu 1,3 milliard de dollars par année des Etats-Unis – puisse mettre en place une transition vers un gouvernement civil, des élections, je n’ai aucun doute que ce sera un gouvernement qui assurera la continuité du système. Un gouvernement qui ne touchera jamais aux privilèges de l’armée [entre autres, ses avoirs très importants dans l’économie]. Un gouvernement qui maintiendra les forces armées comme une institution qui aura le dernier mot dans les importantes questions politiques (sur le modèle turc) ; qui garantira que l’Egypte continuera à suivre la politique étrangère des Etats-Unis, que ce soit la paix avec l’Etat d’apartheid qu’est Israël ou d’assurer le libre passage du canal de Suez pour la flotte militaire des Etats-Unis, ou encore le blocus de la bande de Gaza et l’exportation de gaz naturel vers Israël à des prix subventionnés. Le gouvernement « civil » n’a rien à voir avec des membres d’un cabinet gouvernemental qui ne portent pas l’uniforme militaire. Un gouvernement civil signifie un gouvernement qui représente effectivement les revendications et les espoirs du peuple égyptien et cela sans intervention des hauts gradés. Et cela est difficile à concevoir comme pouvant être accompli ou permis par cette junte militaire.

Les militaires ont été l’institution dominante dans ce pays depuis 1952. Ses dirigeants sont insérés entièrement dans l’establishment. Alors que les jeunes officiers et les soldats sont nos alliés, nous ne pouvons déposer notre confiance et notre foi dans les généraux. De plus, ces dirigeants de l’armée doivent être soumis à des enquêtes. Je veux en savoir plus sur leur présence active dans le monde des affaires.

Toutes les classes de l’Egypte ont pris part au soulèvement. Sur la place Tahrir, vous trouviez des fils et des filles des élites de l’Egypte, à côté de travailleurs, de membres des classes moyennes et des couches paupérisées urbaines.

Moubarak avait réussi à se mettre à dos toutes les classes sociales de la société, y compris des secteurs assez larges de la bourgeoisie. Mais ayez à la mémoire que ce n’est que depuis le 8-9 février, lorsque des grèves de masse commencèrent à secouer profondément le régime, que l’armée a été contrainte d’obliger Moubarak à démissionner parce que le système risquait de s’écrouler.

Certains ont été étonnés de voir que les travailleurs se mirent en grève. Je ne sais vraiment pas quoi répondre. Cette réaction relève de la bêtise. Les travailleurs se sont engagés dans des grèves longues et soutenues, cela depuis 1946. Et, elles réapparurent avec force depuis 2006. Ce n’est pas la faute des travailleurs si vous n’avez pas attaché d’importance à ces données. Chaque jour, au cours des trois dernières années, a été marqué par une grève dans la région du Caire ou dans les provinces. Ces grèves n’étaient pas strictement économiques, elles étaient aussi, dans leur nature même, sous ce régime, politiques.

Depuis le premier jour de notre soulèvement, la classe travailleuse a pris part aux mobilisations. Qui, pensez-vous, étaient les personnes qui manifestaient à Mahalla, à Suez et à Kafr el-Dawwar, par exemple ? Cependant, les travailleurs participaient à ces mobilisations en tant que manifestants et pas nécessairement en tant que travailleurs – au sens où ils ne se mobilisaient pas de manière séparée. Le gouvernement a bloqué l’économie – et non pas les manifestants par leurs manifestations – en fermant les banques et des firmes. C’était une grève capitaliste, ayant pour but de susciter la crainte parmi le peuple égyptien. Toutefois, quand le gouvernement a cherché à remettre le pays dans « une situation normale », le dimanche 5 février, les travailleurs de retour dans leurs entreprises ont discuté de la situation et ont commencé à s’organiser, engageant un mouvement de grève de plus en plus large.

Ces grèves des travailleurs, cette semaine-là, étaient à la fois économiques et politiques. Dans certains endroits, les travailleurs ne demandaient pas la chute du régime dans leurs revendications, mais ils utilisèrent les mêmes slogans que ceux de la place Tahrir dans de nombreux cas. Au moins parmi ces grèves que j’ai pu examiner – et je suis certain que d’autres exemples existent – les travailleurs mettaient en avant des revendications politiques et de solidarité avec la révolution.

Ces travailleurs ne vont pas retourner tranquillement à la maison, « à la normale », de suite. Ils ont commencé leurs grèves parce qu’ils ne peuvent plus nourrir leurs familles. Ils ont été encouragés par le renversement de Moubarak et ils ne peuvent pas retourner voir leurs enfants et leur dire que l’armée a promis de leur offrir de la nourriture et leurs droits dans, je ne sais pas, quelques mois. Beaucoup parmi les grévistes ont déjà mis en avant des nouvelles revendications concernant l’établissement de syndicats indépendants rompant avec la Fédération officielle des syndicats, corrompue et appuyée par l’Etat.

Aujourd’hui, 12 février, j’ai reçu l’information selon laquelle des milliers de travailleurs des transports publics engagent des mobilisations à El-Gabal el-Ahmar. Les travailleurs intérimaires se mobilisent aussi dans l’aciérie Helwan Steel Mills. Les techniciens des chemins de fer continuent leur action. Des milliers de travailleurs des usines de sucre el-Hawamdiya Sugar Factory sont mobilisés. Et les travailleurs du secteur pétrolier commenceront une grève demain (le 13 février) portant sur des revendications économiques et aussi demandant le renvoi du ministre Sameh Fahmy. Ils interrompront l’exportation de gaz vers Israël. Et de nombreuses informations nous parviennent sur des grèves dans des centres industriels.

En ce moment, l’occupation de la place Tahrir sera probablement suspendue. Mais nous devons, maintenant, transférer Tahrir dans les usines. Lorsque la révolution se poursuit, une polarisation de classes va s’affirmer. Nous devons rester vigilants. Nous ne devons pas nous arrêter ici… Nous détenons les clés de la libération de toute la région, pas seulement de l’Egypte. La perspective reste celle d’une « révolution permanente » (extension et approfondissement) qui assurera le peuple de ce pays avec une démocratie directe venant d’en bas. (Traduction de A l’Encontre)

* Publié dans Jadaliyya

http://www.labreche.ch/Ecran/Egypte...

Messages

  • l’extension des greves malgré les appels menaçants a la reprise du travail

    Egypte : le maréchal Tantaoui, nouveau pharaon d’Egypte, prétend interdire les grèves ouvrières mais l’Egypte entière est en train de se mettre en grève. Il veut manipuler les soldats contre le peuple travailleur et il faut que les soldats, eux aussi, entrent en grève...

    mardi 15 février 2011, par Robert Paris

    http://www.matierevolution.fr/spip.php?article1929

    Le mouvement mixte des jeunes proletaires egyptiens du 6 avril,des bidonvilles a la place Tahrir :

    POURQUOI LES PROGRESSISTES EGYPTIENS MARQUENT DES POINTS, par Paul Amar *

    14 février 2011

    http://www.pauljorion.com/blog/?p=21261

    Grèves : du Caire à Assiut

    Rédaction

    Selon le quotidien Al-Masry Al-Youm, en date du 14 février 2011, sont entrés en lutte les travailleurs chargés de l’entretien du tunnel stratégique qui permet de rallier, pour les véhicules arrivant d’Heliopolis, le centre du Caire.

    Le quotidien indique que les manifestations de ces ouvriers « s’inscrivent dans la vague de mobilisations ouvrières qui déferlent sur le pays depuis le départ du président Hosni Moubarak, le 11 février 2011 ». Une réalité qui est peu relevée dans les médias occidentaux. Ils préfèrent s’attarder sur le « nettoyage » de la place Tahrir ; acte qui recouvre, certes, des dimensions politiques plus profondes pour un certain nombre de leurs acteurs.

    Les travailleurs du tunnel ont élevé des barricades à son entrée. Ils protestent contre le refus des « autorités » de tenir les promesses faites le jeudi 10 février. Leurs revendications : obtenir un contrat à durée indéterminée et non pas des contrats temporaires. Ils ont marché dans le tunnel en direction de la Place de l’Opéra. Ils insistent sur le fait qu’ils travaillent depuis onze ans avec des contrats temporaires, sans assurance-maladie. Le salaire mensuel ne dépasse pas 300 livres égyptiennes (50 francs suisses), bien qu’ils soient exposés tous les jours aux gaz dégagés par les automobiles, ce qui provoque des maladies respiratoires.

    Ces travailleurs insistent aussi sur le fait qu’ils dépendent de deux agences gouvernementales – l’une, le gouvernorat du Caire, l’autre, l’Autorité nationale des tunnels – qui, de la sorte, évitent, chacune, de répondre à leurs revendications.

    Dans la ville d’Assiut, dans la haute Egypte, des milliers de travailleurs et d’employés se sont mobilisés ce 14 février 2011 pour revendiquer de meilleures conditions de travail et une augmentation de leur salaire. Ils condamnent de même les agences gouvernementales à la tête desquelles siègent des officiels corrompus mis en place par le régime de Moubarak.

    Les 2000 ouvriers de l’usine Assiut Fertilizer ont de même organisé un sit-in. Ils réclament, comme la plupart des travailleurs en Egypte, des contrats de travail permanents, des meilleurs salaires et exigent le départ du directeur de l’entreprise.

    Tous les jours de tels exemples indiquent, d’une part, l’accentuation et accélération de la mobilisation sociale sur les brisées des premiers gains politiques obtenus par la « révolution du 25 janvier » et, d’autre part, les problèmes liés à l’émergence d’une expression syndicale propre, indépendante, des travailleurs et travailleuses.

    Mais, dans l’immédiat, une question plus « élémentaire » se pose : le Commandement suprême de l’armée, vient ce 14 février 2011, d’exiger l’arrêt des sit-in et des grèves, le « retour au travail » afin « de ne pas mettre en danger l’économie du pays ». La Junte affirme ses intérêts et sa « transition ». Ils s’opposent directement à ceux des travailleuses et travailleurs.

    (14 février 2011)

    http://www.labreche.ch/Ecran/EgypteGrevesC02_11.html

    une solidarité sans traduction :

    Egypt : Demands of the Iron and Steel Workers

    10 February 2011

    Many of the striking workers, February 10, 2001, had issued statements supporting the political demands of the revolution coming from Tahrir Square and from Alexandria. This statement reproduced below of striking iron and steel workers, which is circulating widely, reflects the dynamic :

    Demands of the Iron and Steel Workers

    1. Immediate resignation of the president and all men and symbols of the regime.

    2. Confiscation of funds and property of all symbols of previous regime and everyone proved corrupt.

    3. Iron and steel workers, who have given martyrs and militants, call upon all workers of Egypt to revolt from the regime’s and ruling party workers’ federation, to dismantle it and announce their independent union now, and to plan for their general assembly to freely establish their own independent union without prior permission or consent of the regime, which has fallen and lost all legitimacy.

    4. Confiscation of public-sector companies that have been sold or closed down or privatized, as well as the public sector which belongs to the people and its nationalization in the name of the people and formation of a new management by workers and technicians.

    5. Formation of a workers’ monitoring committee in all workplaces, monitoring production, prices, distribution and wages.

    6. Call for a general assembly of all sectors and political trends of the people to develop a new constitution and elect real popular committees without waiting for the consent or negotiation with the regime.

    A huge workers’ demonstration will join the Tahrir Square on Friday, the 11th of February 2011 to join the revolution and announce the demands of the workers of Egypt.

    Long live the revolution !
    Long live Egypt’s workers !
    Long live the intifada of Egyptian youth—People’s revolution for the people !

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article20203

    une solidarité sans concretisation :

    ALGERIE

    Selon le site internet du RCD, les autorités se sont récemment approvisionnées en matériel antiémeutes. « Dans la nuit du 05 au 07 février, deux bateaux étaient déchargés discrètement. Les dizaines de containers contenaient des milliers de bombes lacrymogènes et divers équipements antiémeutes », écrit le site.

    http://dna-algerie.com/politique/42-interieure/1320-ce-12-fevrier-qui-fait-peur-au-regime-de-bouteflika-30-000-policiers-pour-etouffer-la-marche-.html