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Les travailleurs sans papiers assurent la tour AXA (diaporama)

Publie le mardi 3 novembre 2009 par Open-Publishing
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de Bernard Rondeau

Lundi matin, 300 travailleurs sans papiers du bâtiment ont occupé le plus grand chantier d’Europe, celui de la tour AXA à la Défense. Quelques jours après le renoncement de Jean Sarkosy à la présidence de l’EPAD, organisme qui gère le quartier d’affaires de la Défense, les sans papiers se rappellent au bon souvenir du père, appuyant par cette action les négociations en cours pour une nouvelle circulaire de régularisation entre les 5 syndicats mandatés et le ministère de l’immigration.

Dès 7 heures du matin,une centaine de grévistes se sont engouffrés dans les escaliers qui déservent les bureaux de chantier de la société Bouygues. Rejoints peu après par 200 de leurs camarades, ils occupaient l’ensemble des lieux, laissant toutefois les ouvriers et le personnel de l’immense chantier prendre leur service et travailler.

La direction du chantier, "pour des raisons de sécurité" demandera à son personnel de quitter les lieux une heure plus tard. Peut-être aura-t-elle eu peur des discussions fraternelles qui s’engageaient entre grévistes et non grévistes.

Car la plupart des travailleurs sans papiers présents sur les lieux connaissaient bien l’endroit pour y avoir travaillé plus d’un an pour certains, le prouvant en montrant leur badge d’entrée de chantier.

Il y avait là des salariés d’ADEC, société de démolition que l’on retrouve souvent ces derniers jours lorsque l’on parle de sans papiers, qui désossèrent la vieille tour datant de 1974, mais aussi des intérimaires de Synergie Adecco travaillant pour Bouygues.

Le piquet de grève s’installait après les négociations d’usage avec les représentants de Bouygues d’une grande civilité, sous le contrôle de la force publique, arrivée prestement sur les lieux.

La presse était aussi rapidement au travail et de nombreuses équipes de télévision relayèrent l’information de l’occupation toute la journée.

A la mi-journée, on pouvait se demander comment ferait Bouygues pour mener à bien la rénovation de cette tour de 159 mètres de haut, agrandie de 13 étages, qui mesurera plus de 220 mètres à terme. En effet, sans l’apport des travailleurs sans papiers et de leur expérience, il sera difficile au maître d’oeuvre de conduire ce chantier dans les délais, tant il est compliqué actuellement de trouver de la main d’oeuvre qualifiée dans le secteur du bâtiment. Quel choix cornélien pour ces grands bâtisseurs ?

Soutenir un gouvernement qui préfère les expulsions aux régularisations ou appuyer celles-ci pour faire fonctionner le business ?

La réponse tomba vers 15h30, quand une compagnie de CRS évacua les grévistes, mandatée par une décision du Préfet de police de Paris liée à un trouble manifeste à l’ordre public, dans le cadre de pouvoirs étendus du dit Préfet sur le grand Paris.

Comme pour les grévistes d’Asten qui occupaient les locaux RATP de la rue Championnet, l’évacuation de la tour AXA montre à quel point la publicité faite aux grands donneurs d’ordre dans les conflits de travailleurs sans papiers leur est indigeste. Ces grandes firmes ne s’embarrassent pas du cheminement judiciaire normal qui voudrait qu’ils déposent un référé auprès d’un juge pour obtenir une décision d’expulsion. Trop aléatoire pour ces seigneurs du capitalisme qui préfèrent faire fonctionner le carnet d’adresse et obtenir ce qu’ils veulent sans passer par la case justice. Ce qui donnerait à penser que celle-ci est encore assez indépendante pour que les puissants s’en méfient.

Alors ce soir, nous pouvons nous interroger sur ce nouveau concept de trouble manifeste à l’ordre public engendré par des grévistes qui occupent leur lieu de travail.

Que devient le droit de grève qui est un droit constitutionnel ?

Pour les travailleurs sans papiers dont la détermination est aussi vivace qu’aux premiers jours d’une lutte qui entre dans sa troisième semaine, la question est celle de la régularisation : quand et sous quelles conditions.

http://grevesanspapiers.blogspot.com