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Lettre au chef de la gauche caviar (Vladimir Nieddu)
Publie le jeudi 3 janvier 2008 par Open-Publishing4 commentaires
Publié dans Rouge
Le 26 novembre, François Hollande déclarait au journal « Sud-Ouest » : « Le syndicalisme que l’on doit combattre, c’est celui de SUD. » Nous publions ici des extraits de la lettre ouverte que Vladimir Nieddu, syndicaliste de SUD-Santé sociaux à Lille, lui a adressée. Vladimir a quitté la CFDT en 2003, suite à la trahison de la confédération sur les retraites.
« Moi, j’ai lu “Le syndicalisme que l’on doit combattre, c’est celui de SUD.” J’en ai vomi. SUD, c’est mon syndicat, et j’en suis fier. Il s’est construit parce qu’en 1988, Évin, ton camarade, avait préféré négocier avec la direction de la CFDT, plutôt qu’avec les représentants des 125 000 manifestants, la Coordination infirmière, créée en juin 1988 par des militants CFDT de base, j’en étais… À Paris, pour Serge, Pascal, Irène, Marie-Thérèse et des milliers d’autres ce fut l’exclusion, comme pour de très nombreux autres. Ils ont créé le CRC, qui s’est ensuite appelé SUD.
« Moi, j’ai lu : “Le syndicalisme que l’on doit combattre, c’est celui de SUD.” J’étais tout affairé à soutenir ma fille, mes neveux en lutte, les étudiants et lycéens, comme je l’avais fait contre le CPE. Trois ans durant, j’ai été invité à l’université d’été du Parti socialiste du Nord. Je suis venu, je ne suis pas sectaire. J’y suis intervenu à la tribune, j’ai débattu, il y avait des travailleurs, des chômeurs, des retraités socialistes. Et puis, il y avait Marc, un premier secrétaire qui t’a bien cartonné à la veille du référendum. Je le sais, j’étais là. Je les respecte, c’est la gauche. Je ne suis pas d’accord avec eux, mais c’est la gauche, une composante historique du mouvement ouvrier français. Ce sont des militants qui, comme moi, croient en leurs idées. Tu ne peux pas comprendre, tu as fait l’ENA.
« Tu soupçonnes le pouvoir “d’encourager les gauchistes” et tu attaques Besancenot. Je ne suis plus à la Ligue, mais touche pas au gamin… Maintenant, tu nous sors ton histoire dégoûtante des trotskystes alliés du pouvoir. Chiche, je te la fais : et en 1914, ils étaient où les socialistes, quand on a fusillé en 1916 nos propres soldats dans les tranchées ? Et Gustav Noske, il était trotskyste ? Et Rosa Luxemburg, elle est tombée dans l’escalier ? Et Karl Liebknecht, il s’est jeté par la fenêtre [en Allemagne, le 15 janvier 1919, le socialiste Noske réprime la révolution ; Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés au cours de la “semaine sanglante”, NDLR] ? La guerre d’Algérie, c’est les socialistes qui ont signé l’indépendance ? Arrête tout de suite, j’ai pas fait l’ENA.
Le silence dans la vallée
« C’est pas très joli de mentir, de dire que le “pouvoir encourage les gauchistes”. Et sous ta mandature, les socialistes ont-ils supprimé le forfait hospitalier ? Ben non, c’est les socialistes qui l’ont inventé ! Ont-ils abrogé le décret Balladur de 1993 sur les retraites du privé ? Ben non, les socialistes, ils l’ont signé à Barcelone.
« Il y a eu de grands militants socialistes, il y a eu Jaurès. Il y a eu Henri, qui m’invita à la tribune de son meeting de Villeneuve d’Ascq, des socialistes pour le “non” à la Constitution libérale de l’Europe. Et tant d’autres… Je les respecte. Ils ont des convictions. Ils n’ont pas démérité contre la Constitution libérale. Ils ont fait leur part de travail.
Dynamique collective
« Mais, toi, tu dis “Le syndicalisme que l’on doit combattre, c’est celui de SUD”, à ceux qui, avec des dizaines de milliers d’autres, ont manifesté le 18 octobre, le 20 novembre pour le pouvoir d’achat, les retraites, les services publics. Tu le dis parce que tu as compris que, s’il y a eu une grève reconductible à la SNCF, c’est parce que SUD est représentatif. Tu te dis socialiste, mais tu es une injure au socialisme.
« Il est vrai que la privatisation du gaz et de l’électricité ne te gêne pas. Pour La Poste, c’était un socialiste qui avait inventé la méthode et sanctionnés mes vieux amis militants SUD à Lezennes. Pour le rail, c’est sous Jospin qu’on crée RFF. Tu vois, j’ai fait ma première pyrogravure, c’était une forge de la vallée, tu sais, celle de Marcel Trillat. Je ne te la montrerai pas, on n’est pas du même monde. Pour Le Silence dans la vallée [NDLR : dernier film de Marcel Trillat], j’ai pleuré. Tu peux pas comprendre. Un beau film pour les ouvriers. J’ai pleuré, ce n’est pas parce que mon oncle y a travaillé jusqu’à la préretraite comme fondeur, la nuit. Ce n’est pas parce qu’il a manqué d’y rester, hospitalisé au service des grands brûlés. Ce n’est pas parce que mon père s’en est fait virer. Moi, quand j’ai entendu Le Silence dans la vallée, c’était en 1968, pour la fermeture de Thomé, j’y étais pas. J’avais 14 ans en 1968. J’ai pas fait grand-chose, j’ai aidé mon père. Il animait la grève. Occupations d’usine. Pas des blocages, des occupations ! […]
« Il y a des syndicalistes, dans tous les syndicats, qui sont sincères, quelle que soit l’organisation, qui donnent leur temps au service des salariés, des chômeurs, tiennent tard des permanences. Ces gens-là ne confondent pas. Ils savent que quand on commence à s’attaquer à un syndicat, la santé des autres est en danger. […] Il y a les cheminots qui t’ont entendu dire au Parlement que tu étais en désaccord sur la méthode, pas sur le fond. Comme Chérèque, qui appelle à la reprise alors qu’il combat toutes les grèves. C’est ce syndicalisme-là que tu préfères, celui qui fait la bise au Medef.
« Si je suis en colère, c’est parce que je veux que Sarkozy soit défait, je ne veux pas une victoire que dans les élections, mais je veux gagner contre la régression sociale, pour sauver les contrats de travail et les statuts des salariés du public, la retraite de mes enfants et la Sécu, l’hôpital public qui a bien aidé mon père, je veux un autre partage des richesses, favorable au monde du travail.
« En attendant, trêve de plaisanteries, je continuerai le combat syndical, mais en tant que citoyen, j’appelle dans tout le Nord-Pas-de-Calais à la constitution du maximum de listes anticapitalistes, antiracistes, écologistes et pour l’égalité des droits. J’appelle à se rassembler dans la diversité, au-delà des clivages partisans, à ouvrir une dynamique dans le cadre de listes pluralistes, paritaires, colorées, jeunes, indépendantes du Parti socialiste dans toutes les villes, à l’exclusion des villes où les candidats du PS auront clairement exprimé leur double volonté de soutenir toutes les revendications des travailleurs, des chômeurs, des étudiants, des Roms, des sans-papiers. À Lille, et dans les communes associées de Lomme et Hellemmes, j’appelle à la construction d’une dynamique collective pour construire la liste : “À Lille, Lomme et Hellemmes, la Gauche 100 % à gauche pour un autre partage des richesses”, ou un autre nom qu’on décidera ensemble.
« Adieu, Hollande, on t’oubliera vite. Je le répète : tu n’es pas Jaurès. »
Vladimir Nieddu citoyen sans parti, en colère, syndicaliste en action, abonné à Rouge, à Liberté et au Gaz de France
Messages
1. Lettre au chef de la gauche caviar (Vladimir Nieddu), 3 janvier 2008, 15:36
Ce texte est exceptionnel à maints égards.
J’en suis baba.
Quelle justesse dans l’analyse et dans les conclusions.
quoi qu’on pense de SUD (pour ma part je n’en pense rien de plus ni de moins que ce que dit ce camarade : respect aux syndicalistes et militants qui se battent) et ce n’est pas à un "socialiste" de dire "LE SYNDICALISME QU’IL FAUT COMBATTRE" d’une par t et de deux " c’est SUD", en nous faisant le coup du "gauchisme" digne d’un apparatchik stalinien mononeuronal !!! Putain Hollande, Quelle HONTE !!!!
Bravo pour ce texte en tout cas.
La Louve
1. François Hollande s’excuse comme un gamin "c’est pas moi qui l’a fait, c’est un méchant journaliste", 3 janvier 2008, 15:46
A Madame Annick Coupé
Déléguèe générale
Union syndicale Solidaires
J’ai bien reçu le courrier que vous m’avez
adressé le 10 décembre dernier dans lequel vous
évoquez une citation qui m’est attribuée dans
l’Est Républicain.
Je n’ai accordé à cet organe aucun interview.
J’ai simplement eu une conversation dont le
journaliste a cru pouvoir tirer cette
interprétation. J’ai donc démenti formellemnt les
propos qui y étaient rapportés.
Je respecte l’indépendance syndicale de SUD, même
si je peux avoir un jugement sur les formes
d’action ou les positions. Mais , c’est vrai de
SUD aussi à l’égard du Parti socialiste.
Je ne veux faire des différences qui peuvent nous
séparer un conflit et encore moins un combat. Et
les seules attaques que je porte sont à l’endroit
du gouvernement. Et je défendrai tous les
syndicalistes victimes de la répression patronale.
Pour dissiper de regrettables malentendus, je
vous propose de nous rencontrer rapidement.
Veuillez agréer, Madame le Déléguée générale,
l’expression de mes sentiments distingués.
François HOLLANDE
2. François Hollande s’excuse comme un gamin "c’est pas moi qui l’a fait, c’est un méchant journaliste", 3 janvier 2008, 16:30
Monsieur Hollande une expression qu’affectionnait mon grand père, socialiste version Jaurès, me vient à l’esprit pour qualifier votre pitoyable réponse. Cette expression est la suivante : ce n’est pas le courage qui vous étouffe. Elle a le mérite de la clarté. Je ne souhaite surtout pas vous rencontrer. Lul
3. François Hollande s’excuse comme un gamin "c’est pas moi qui l’a fait, c’est un méchant journaliste", 4 janvier 2008, 14:01
Dont acte !
Mais ce n’est pas seulement l’honneur de Sud, c’est également l’engagement précis et clair de défendre les grandes conquêtes sociales et d’en obtenir d’autres que nous souhaitons entendre de la part de Hollande.
Mr Hollande a beaucoup à prouver sur la sincérité de sa politique.
Il s’honorerait à l’appel à voter contre le TCE-bis, véritable attentat anti-démocratique et anti-social. La ligne de partage entre le sarkozysme et la gauche se trouve déjà là, dans l’acceptation ou pas d’une Union Européenne aux mains exclusives d’une "nomenclatura bourgeoise " (suivant la caractérisation heureuse de ce terme par Jospin)...
Sans détermination à s’opposer à l’Europe réactionnaire du TCE-bis, tous les discours contradictoires et charabias novlangue sur la gauche et l’opposition au sarkozisme confinent à la farce et la manipulation.
Il faut voter contre le TCE-bis ! Le PS de Hollande en a la responsabilité . Et ça serait cohérent (de s’opposer et non s’abstenir lâchement) avec le respect des syndicalistes, du combat courageux d’organisations syndicales contre les conséquences d’une orientation politico-économique mise en œuvre par chaque état de l’Union Européenne.
Copas