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Libération de Paris : la Résistance, une part de l’âme des communistes

Publie le mardi 24 août 2004 par Open-Publishing

de Olivier Mayer

Ce 24 août à 19 heures, le PCF organise à son siège place du Colonel-Fabien, sa propre commémoration du 60e anniversaire de la Libération. Exposition photos, documents audiovisuels, témoignage d’André Carrel, membre du Comité parisien de libération, de l’historien Roger Bourderon, du président du Conseil national du PCF Michel Duffour. Nous avons demandé à Henri Malberg, un des organisateurs, les raisons d’une telle manifestation.

Henri Malberg. Ce soir, il s’agit d’une contribution du Parti communiste français aux initiatives qui célèbrent cette semaine si ardente, cette période qui a fixé pour très longtemps les données de la vie politique de notre pays. Pour le PCF, cette initiative est naturelle, comme l’a été la commémoration du 60e anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance avec notre ami Robert Chambeiron. Quelle que soit notre génération, nous sommes les enfants de cette période. Je ne parle pas en historien mais avec mon expérience de militant. J’avais quatorze ans à la Libération et j’ai milité tout de suite, à Paris, comme le môme victime du nazisme que j’étais.

C’est donc en quelque sorte identitaire pour les communistes ?

Henri Malberg. Pour nous, communistes de tous âges, la Résistance, la Libération, c’est un peu de notre âme. Nous sommes bâtis avec du matériau politique, idéologique de ce moment-là. Et j’ajoute que c’est beaucoup de fierté. Pour nous, il y a comme un fil qui va des luttes antifascistes de 1934, du Front populaire, à la Résistance et à notre combat d’aujourd’hui pour les droits économiques et sociaux, les libertés. Le baron Sellière, patron du MEDEF, ne déclarait-il pas récemment qu’il faut en finir avec l’héritage du programme du CNR. C’est tout dire ! Notre contribution, c’est aussi un combat d’idées, pour ne pas laisser réécrire, comme on le voit ça et là, ce qu’a été cette époque, son contenu réel.

Pour vous, quelle a été la place et le rôle réel du PCF dans la Résistance ?

Henri Malberg. Le Parti communiste a été, sur le sol national, la force principale de la Résistance. Sur le plan du combat militaire d’abord, avec les FTP dirigés par Charles Tillon, les bataillons de la jeunesse d’Ouzoulias, Fabien donnant le signal de la lutte armée, les résistants étrangers de la MOI conduits par Epstein et dont le souvenir est illustré par l’Affiche rouge, Manouchian... Il y a les sacrifices inouïs des communistes, des dizaines de milliers de fusillés. Rappelons-nous de ce que dit à ce sujet Pascal Convert qui a réalisé le monument et le documentaire sur le mont Valérien. Quand on lui a reproché de faire la part trop belle au PCF, il a dit : " Qui pourrait s’indigner ? Les 1 006 fusillés comme otages entre 1941 et 1944 du mont Valérien étaient en grande majorité communistes, juifs ou étrangers, et souvent les trois à la fois. " Nombre de dirigeants de la Résistance, Rol Tanguy, André Tollet, Charles Tillon, Maurice Kriegel-Valrimont, Pierre Villon étaient communistes, et Duclos et Frachon ont pu, durant toute l’Occupation, diriger le PCF clandestin. Et comment ne pas parler des 316 numéros clandestins de l’Humanité et de ses rédacteurs fusillés. Alors oui, le Parti communiste, a été une force essentielle de la Résistance, une force entièrement tournée contre les nazis, contre la collaboration, pour la libération nationale. Et pour l’union et le rassemblement de toutes les forces de résistance. Les communistes ont ainsi contribué à soulever bien des obstacles pour que se réalise l’union de la Résistance et le programme du CNR, dont Pierre Villon a été un des principaux rédacteurs. Il ne faut pas non plus oublier la rencontre des communistes avec de Gaulle. De Gaulle qui craignait le PCF, qui n’aimait pas les communistes, mais qui a pleinement pris en compte leur rôle, d’où la présence de ministres dans le gouvernement provisoire et celui de la Libération.

Ce rôle dans la Résistance, le PCF l’a tenu immédiatement ?

Henri Malberg. Il y a eu les soubresauts des terribles années 1939-1940 et de la défaite, des hésitations et des fautes comme la demande de parution de l’Humanité. Il n’empêche que très vite, chez les militants et dirigeants, la filiation se fait avec la lutte antifasciste, avec 1934, avec la guerre d’Espagne où une grande partie des dirigeants, Rol et Fabien par exemple, avait combattu. Il y a aussi une filiation idéologique, quand le PCF pose en 1936 la question nationale : l’Internationale et le drapeau rouge réconciliés avec la Marseillaise et le drapeau tricolore. Et l’internationalisme propre à l’histoire du PCF : la présence dans ses rangs d’Espagnols, d’Allemand, d’Italiens, de juifs d’Europe de l’Est... Enfin tout cela fait que le Parti communiste, les militants communistes, même isolés dans la catastrophe de l’invasion allemande, sont en quelque sorte préparés à être une force vitale dans la Résistance. Autre élément : la classe ouvrière. Les ouvriers qui avaient connu le Front populaire sont écrabouillés par l’Occupation, les conditions sont extrêmement rudes et, très vite, dans les usines, les actions reprennent, et on voit des sabotages. On connaît la fameuse phrase de Mauriac : " Dans cette tourmente, seule dans sa masse la classe ouvrière a été fidèle à la France profanée. " Enfin il y a l’élan que donne la coalition mondiale contre l’Allemagne nazie et le rôle de l’Union soviétique dans cette guerre. La France entière regarde vers Stalingrad, ce que vient d’illustrer la publication par le Parisien du sondage réalisé à l’époque, d’où il ressort qu’une immense majorité de Français considèrent que la France doit principalement sa libération à l’Union soviétique... Enfin tout cela explique que, dans les doutes, les incroyables difficultés de la période, s’est effectuée cette rencontre rare entre un peuple et un parti politique, rencontre qui fut une des dimensions de la grande poussée démocratique de la Libération.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-08-24/2004-08-24-399248