Accueil > Libye - Impasse politique et militaire
La direction de l’insurrection, qui ne contrôle qu’une partie de l’est du pays, paraît incapable d’ouvrir une autre perspective que la prolongation des raids aériens occidentaux.
Benghazi (Libye), envoyé spécial. Benghazi se réveille lentement. Le calme qui règne le matin tranche avec l’agitation du début de soirée, quand les jeunes de la ville, armés, mettent en place des barrages pour contrôler les voitures qui circulent. Ils craignent encore que les partisans de Kadhafi ne se regroupent et tentent des attaques. Mais en réalité, rien ne se passe. Les troupes gouvernementales sont à plus de 150 km, autour de la ville d’Ajdabiya. Elles attendent. C’est tout le problème pour la rébellion, qui espère de la coalition internationale qu’elle lui ouvre la route vers Tripoli.
AUCUNE INFORMATION NE PARVIENT D’AJDABIYA
Lundi, un avion de chasse français a, de nouveau, frappé un tank kadhafiste près d’Ajdabiya, qui menaçait plus les rebelles que la population civile. Une frappe qui n’a rien à voir avec le mandat donné par l’ONU. « À moins que quelque chose d’inhabituel ou d’inattendu survienne, nous pourrions observer une diminution de la fréquence des attaques », a pourtant déclaré le général Carter Ham, qui dirige actuellement les opérations depuis le centre de commandement américain d’Afrique (Africom), à Stuttgart. C’est ce qu’ont bien compris les rebelles, qui cherchent maintenant à harceler les troupes kadhafistes et assurent coordonner leur action avec les puissances occidentales. Mais pour l’heure, ils ne parviennent pas à modifier les positions, et aucune information ne parvient d’Ajdabiya pouvant accréditer la thèse d’une utilisation de civils comme boucliers humains. À 20 km d’Ajdabiya, vers la raffinerie de pétrole et la centrale électrique de Zuwaitinah, Omar n’est d’ailleurs pas plus inquiet que ça. « Je n’ai plus de nouvelles de ma famille, mais je pense qu’elle est à l’abri dans une ferme », assure-t-il, indiquant qu’il n’y avait eu aucune exaction de la part des soldats de Kadhafi lorsque ceux-ci tenaient Zuwaitinah.
DANS L’ATTENTE DES PROCHAINS JOURS
Les autorités libyennes veulent la paix, mais riposteront si les forces rebelles, tirant profit des raids aériens occidentaux, avancent vers Tripoli, a déclaré un porte-parole du gouvernement qui affirme par ailleurs : « Nous armons le peuple. Il y aura une nation de six millions de personnes en armes et nous nous battrons. Il n’y a aucun doute à avoir là-dessus. » Selon lui, la première vague de raids aériens menés dans la nuit de samedi à dimanche, a fait 64 morts et des dizaines de blessés parmi les civils. Hier, en fin de matinée, comme la veille, quelques centaines d’habitants de Benghazi ont défilé devant le palais de justice, siège du Conseil national de transition, pour demander le départ de Muammar Kadhafi. Si la ville ne se sent plus en danger, tout le monde se demande ce qui peut se passer dans les prochains jours. L’impasse est tout autant politique que militaire, et la direction de l’insurrection ne semble pas capable d’ouvrir une perspective autre qu’une demande de poursuite des bombardements de la coalition internationale. L’image du Conseil national de transition commence à s’éroder et le temps joue contre les insurgés.
PIERRE BARBANCEY
http://www.humanite.fr/24_03_2011-impasse-politique-et-militaire-468543