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M. Berlusconi exploite politiquement un scandale financier contre la gauche

Publie le mercredi 18 janvier 2006 par Open-Publishing

Qui vient dîner le soir chez Antoine Bernheim ? Et surtout, de quoi parle-t-on, entre la poire et le fromage, à la table du président du groupe Generali, le numéro un de l’assurance en Italie ? C’est ce que les juges romains devaient demander, mercredi 18 janvier, au financier, âgé de 81 ans, convoqué dans le cadre d’une affaire qui témoigne du climat délétère dans lequel s’ouvre la campagne électorale pour les législatives du 9 avril en Italie.

M. Bernheim est entendu comme simple témoin, la justice souhaitant vérifier si, oui ou non, des dirigeants des Démocrates de gauche (DS), principal parti de l’opposition à Silvio Berlusconi, ont fait pression sur lui pour qu’il cède au groupe de banque-assurance Unipol les 8 % détenus par Generali dans le capital de Banca nazionale del lavoro (BNL) afin de contrer l’OPA de l’espagnol BBVA. Dans ce dossier, le président d’Unipol, Giovanni Consorte, proche de la gauche, est mis en examen pour manipulation d’informations boursières, détournements de fonds et association de malfaiteurs.

C’est Silvio Berlusconi lui-même qui s’est chargé de dénoncer les interventions présumées de responsables des DS. D’abord sur un plateau de télévision, lors d’un débat avec le dirigeant néocommuniste Fausto Bertinotti. Puis le lendemain, le 13 janvier, en se rendant discrètement au tribunal pour une déposition en bonne et due forme. Les informations du président du conseil italien ne sont pas de première main ; il les tient, a-t-il précisé, de son ami le producteur de télévision franco-tunisien Tarek Ben Ammar, qui aurait reçu des confidences d’Antoine Bernheim. M. Ben Ammar devait lui aussi être entendu comme témoin. Dans un communiqué, Generali a démenti avoir fait l’objet de pressions, et les DS s’indignent de "l’irresponsabilité absolue d’un homme désespéré qui, pour ne pas perdre les élections, est prêt à violer les règles de la cohabitation démocratique".

Les Démocrates de gauche démentent en bloc, mais ils sont embarrassés par le scandale Unipol qui les éclabousse en même temps que le milieu des coopératives et le mouvement mutualiste. Alors le chef du gouvernement souffle quotidiennement sur les braises, qualifiant d’"étranges coïncidences" les rencontres rapprochées entre Antoine Bernheim et Massimo D’Alema, le président des DS, voire Romano Prodi, leader de l’opposition de centre gauche. Il spécule à voix haute sur l’éventuelle utilisation politique de 50 millions d’euros soustraits par M. Consorte quand il était à la tête d’Unipol. Il s’emporte même contre ses alliés centristes qui tentent de l’empêcher d’aller sur ce terrain pour "revenir aux problèmes qui intéressent les Italiens".

"L’espoir d’une campagne électorale normale s’est évanoui après la visite de Berlusconi au palais de justice, écrit le Corriere della Sera, mardi 17 janvier. Ayant compris qu’il ne parviendrait pas à convaincre les Italiens que son gouvernement a été parmi les meilleurs, le président du conseil a changé de stratégie. Pour réussir à faire voter le peuple de droite, un seul moyen : transformer la campagne électorale en une bataille sanglante. Il quitte ses habits de président du conseil pour devenir un phénomène médiatique, c’est un mauvais signal pour la démocratie italienne." Selon un sondage de l’institut Ipso publié mardi, l’écart entre la gauche (51 % des intentions de vote) et la droite (45 %) reste stable.

Jean-Jacques Bozonnet

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