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M. Raffarin révise à la baisse ses ambitions sociales

Publie le lundi 28 juin 2004 par Open-Publishing

de Claire Guélaud et Christophe Jakubyszyn

Le débat sur le projet de réforme de l’assurance-maladie commencera mardi 29 juin à l’Assemblée. Le lendemain, Jean-Louis Borloo présentera en conseil des ministres son plan de "cohésion sociale". 1,5 milliard d’euros devrait lui être consacré en 2005.

L’heure de vérité. C’est cette semaine que le gouvernement Raffarin III révélera le principal dispositif du virage social du second mandat de Jacques Chirac. Mercredi 30 juin, Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, doit présenter en conseil des ministres le plan de "cohésion sociale" annoncé, le 1er avril, par le chef de l’Etat. Au lendemain de la défaite électorale de mars 2004, M. Chirac avait demandé au gouvernement de garder "plus que jamais à l’esprit une exigence fondamentale qui est la justice sociale", en faisant même le "passage obligé" de son action.

La réalité de cette inflexion politique est pourtant largement contestée par l’opposition et jusque dans le camp du président de la République. Les ambitions du plan Borloo ont, en effet, été revues à la baisse. Dès le 6 mai sur France 2, le premier ministre avait dû trancher le conflit opposant M. Borloo à Nicolas Sarkozy, ministre de l’économie et des finances, sur les priorités de l’action gouvernementale. Donnant raison à M. Sarkozy sur la politique de rigueur prônée pour l’année 2004 - et reportant de facto la mise en œuvre du plan -, il avait indiqué que ce dernier constituerait bien la priorité des années 2005 et 2006.

Mais le plan n’est pas sorti indemne des allers-retours entre le ministère de la cohésion sociale et celui de l’économie, ni des divergences d’appréciation, au sein du cabinet de M. Raffarin, sur la nécessité même du tournant social.

BORLOO "INQUIET" POUR 2006

M. Borloo tablait sur une dizaine de milliards d’euros au total sur trois ans, dont environ 3 milliards en 2005. Il n’a réussi à conserver qu’un milliard à la veille du week-end. Et il mise sur un ultime arbitrage de Matignon pour obtenir 1,5 milliard d’euros, un chiffre confirmé dimanche sur Europe 1 par Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat au budget. "Mais pour 2006, je suis très inquiet", confie M. Borloo.

Que restera-t-il du plan présenté mercredi ? Outre un volet logement, comportant un objectif de doublement des constructions de HLM sur les cinq années à venir - soit 100 000 logements sociaux par an -, il prévoit de s’attaquer à deux maux très français : le niveau exceptionnellement élevé du chômage des jeunes et la persistance, malgré près de 30 ans d’efforts, d’un noyau dur de chômage de longue durée. C’est justement mercredi que seront connus les chiffres du chômage du mois de mai. Il y a peu de chances qu’ils soient bons.

Après deux années de priorité donnée à l’emploi marchand, la principale innovation du plan Borloo sera le retour au traitement social du chômage. Le "contrat d’activité" sera ouvert dans les communes et les associations aux titulaires de certain minima sociaux (RMI, ASS, API). L’accent devrait être mis sur l’insertion professionnelle des jeunes avec une revalorisation de l’apprentissage (Le Monde du 25 juin).

La semaine qui s’ouvre est symbolique à bien d’autres titres. Lundi, la hausse de 5,8 % du Smic au 1er juillet devait être officiellement annoncée aux partenaires sociaux. Mardi, les députés seront invités à voter solennellement sur le changement de statut d’EDF et GDF, sur fond d’"action coordonnée de grande ampleur", a averti la CGT. Enfin, le même jour, l’Assemblée nationale commencera l’examen du projet de loi sur la réforme de l’assurance-maladie. Après les retraites, ce devait être "la" deuxième grande réforme sociale du quinquennat, celle à l’aune de laquelle sera mesurée la capacité du gouvernement à faire des réformes structurelles et à respecter ses engagements européens.

Mais ce qui devait être une promenade de santé pour un Philippe Douste-Blazy arc-bouté sur la doctrine présidentielle - "ni privatisation ni étatisation" de la Sécurité sociale - s’annonce finalement difficile. Outre "des manifestations et des rassemblements" mardi à l’appel de quatre syndicats (FO, CGT, FSU, G10-Solidaires), la réforme fait l’objet de vives critiques au sein de la majorité et du gouvernement. Malgré la fermeté des propos tenus, dimanche 27 juin, par le ministre de la santé, qui a défendu une "réforme de 15 milliards d’euros", les doutes subsistent, après la divulgation d’une note de Bercy prévoyant encore 15 milliards de déficit en 2007. "Si ce plan échoue (...), on entrera dans une logique de dureté et il faudra des déremboursements", a prévenu M. Bussereau. "C’est une espèce de plan Canada Dry. (...) ça n’est pas une réforme de fond", a déclaré, dès le 24 juin, le président du groupe UDF de l’Assemblée, Hervé Morin. Une semaine plus tôt, le président de l’UDF, François Bayrou, avait prévenu qu’il n’avait "pas l’intention d’approuver" un projet qui n’apporte que des "réformettes".

UNE SORTE DE "PSCHITT"

Alors même que le bilan social de son gouvernement apparaît encore fragile, le premier ministre semble pressé de passer à l’étape suivante. Il a rappelé, dimanche 27 juin, lors du conseil national élargi de l’UMP, que "l’école, la recherche et l’environnement" constitueraient les priorités de son action dans les prochains mois. Dans le même temps, M. Sarkozy, conscient des réticences de la majorité à centrer son action sur le social, invite lui à s’occuper "d’abord des classes moyennes" et martèle que "si les 35 heures sont mauvaises, il faut les réformer". Comme si les deux rivaux pour la présidence de l’UMP s’employaient à ce que le virage social du second mandat de M. Chirac fasse "pschitt".

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