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MARX ATTACKS : LA DETTE PUBLIQUE
Publie le mercredi 26 septembre 2007 par Open-Publishing2 commentaires
Ou : quand relire Papy Karl devrait nous inciter à plus de modération dans l’emploi de certains concepts et à retrouver le chemin de la raison....
Extrait de "Le Capital - Livre premier, Le développement de la production capitaliste ; 8ème section, L’accumulation primitive ; chapitre 31 Genèse du capitalisme industriel".
"(...) Le système du crédit public, c’est-à-dire des dettes publiques, dont Venise et Gênes avaient, au moyen âge, posé les premiers jalons, envahit l’Europe définitivement pendant l’époque manufacturière.
Le régime colonial, avec son commerce maritime et ses guerres commerciales, lui servant de serre chaude, il s’installa d’abord en Hollande.
La dette publique, en d’autres termes l’aliénation de l’État, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l’ère capitaliste.
La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique .
Il n’y a donc pas à s’étonner de la doctrine moderne que plus un peuple s’endette, plus il s’enrichit.
Le crédit public, voilà le credo du capital.
Aussi le manque de foi en la dette publique vient-il, dès l’incubation de celle-ci, prendre la place du péché contre le Saint-Esprit, jadis le seul impardonnables.
La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive.
Par un coup de baguette, elle doue l’argent improductif de la vertu reproductive et le convertit ainsi en capital, sans qu’il ait pour cela à subir les risques, les troubles inséparables de son emploi industriel et même de l’usure privée.
Les créditeurs publics, à vrai dire, ne donnent rien, car leur principal, métamorphosé en effets publics d’un transfert facile, continue à fonctionner entre leurs mains comme autant de numéraire.
Mais, à part la classe de rentiers oisifs ainsi créée, à part la fortune improvisée des financiers intermédiaires entre le gouvernement et la nation - de même que celle des traitants, marchands, manufacturiers particuliers, auxquels une bonne partie de tout emprunt rend le service d’un capital tombé du ciel - la dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l’agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne.
Dès leur naissance les grandes banques, affublées de titres nationaux, n’étaient que des associations de spéculateurs privés s’établissant à côté des gouvernements et, grâce aux privilèges qu’ils en obtenaient, à même de leur prêter l’argent du public.
Aussi l’accumulation de la dette publique n’a-t-elle pas de gradimètre plus infaillible que la hausse successive des actions de ces banques, dont le développement intégral date de la fondation de la Banque d’Angleterre, en 1694.
Celle-ci commença par prêter tout son capital argent au gouvernement à un intérêt de 8 %, en même temps elle était autorisée par le Parlement à battre monnaie du même capital en le prêtant de nouveau au public sous forme de billets qu’on lui permit de jeter en circulation, en escomptant avec eux des billets d’échange, en les avançant sur des marchandises et en les employant à l’achat de métaux précieux.
Bientôt après, cette monnaie de crédit de sa propre fabrique devint l’argent avec lequel la Banque d’Angleterre effectua ses prêts à l’État et paya pour lui les intérêts de la dette publique.
Elle donnait d’une main, non seulement pour recevoir davantage, mais, tout en recevant, elle restait créancière de la nation à perpétuité, jusqu’à concurrence du dernier liard donné.
Peu à peu elle devint nécessairement le réceptacle des trésors métalliques du pays et le grand centre autour duquel gravita dès lors le crédit commercial.
Dans le même temps qu’on cessait en Angleterre de brûler les sorcières, on commença à y pendre les falsificateurs de billets de banque.
Il faut avoir parcouru les écrits de ce temps-là, ceux de Bolingbroke, par exemple, pour comprendre tout l’effet que produisit sur les contemporains l’apparition soudaine de cette engeance de bancocrates, financiers, rentiers, courtiers, agents de change, brasseurs d’affaires et loups-cerviers.
Avec les dettes publiques naquit un système de crédit international qui cache souvent une des sources de l’accumulation primitive chez tel ou tel peuple.
C’est ainsi, par exemple, que les rapines et les violences vénitiennes forment une des bases de la richesse en capital de la Hollande, à qui Venise en décadence prêtait des sommes considérables.
A son tour, la Hollande, déchue vers la fin du XVII° siècle de sa suprématie industrielle et commerciale, se vit contrainte à faire valoir des capitaux énormes en les prêtant à l’étranger et, de 1701 à 1776, spécialement à l’Angleterre, sa rivale victorieuse.
Et il en est de même à présent de l’Angleterre et des États-Unis.
Maint capital qui fait aujourd’hui son apparition aux États-Unis sans extrait de naissance n’est que du sang d’enfants de fabrique capitalisé hier en Angleterre.
Comme la dette publique est assise sur le revenu public, qui en doit payer les redevances annuelles, le système moderne des impôts était le corollaire obligé des emprunts nationaux.
Les emprunts, qui mettent les gouvernements à même de faire face aux dépenses extraordinaires sans que les contribuables s’en ressentent sur-le-champ, entraînent à leur suite un surcroît d’impôts ; de l’autre côté, la surcharge d’impôts causée par l’accumulation des dettes successivement contractées contraint les gouvernements, en cas de nouvelles dépenses extraordinaires, d’avoir recours à de nouveaux emprunts.
La fiscalité moderne, dont les impôts sur les objets de première nécessité et, partant, l’enchérissement, de ceux-ci, formaient de prime abord le pivot, renferme donc en soi un germe de progression automatique.
La surcharge des taxes n’en est pas un incident, mais le principe.
Aussi en Hollande, où ce système a été d’abord inauguré, le grand patriote de Witt l’a-t-il exalté dans ses Maximes comme le plus propre à rendre le salarié soumis, frugal, industrieux, et... exténué de travail.
Mais l’influence délétère qu’il exerce sur la situation de la classe ouvrière doit moins nous occuper ici que l’expropriation forcée qu’il implique du paysan, de l’artisan, et des autres éléments de la petite classe moyenne. Là-dessus, il n’y a pas deux opinions, même parmi les économistes bourgeois.
Et son action expropriatrice est encore renforcée par le système protectionniste, qui constitue une de ses parties intégrantes.
La grande part qui revient à la dette publique et au système de fiscalité correspondant, dans la capitalisation de la richesse et l’expropriation des masses, a induit une foule d’écrivains, tels que William Cobbett, Doubleday et autres, à y chercher à tort la cause première de la misère des peuples modernes.
Le système protectionniste fut un moyen artificiel de fabriquer des fabricants, d’exproprier des travailleurs indépendants, de convertir en capital les instruments et conditions matérielles du travail, d’abréger de vive force la transition du mode traditionnel de production au mode moderne.
Les États européens se disputèrent la palme du protectionnisme et, une fois entrés au service des faiseurs de plus-value, ils ne se contentèrent pas de saigner à blanc leur propre peuple, indirectement par les droits protecteurs, directement par les primes d’exportation, les monopoles de vente à l’intérieur, etc.
Dans les pays voisins placés sous leur dépendance, ils extirpèrent violemment toute espèce d’industrie ; c’est ainsi que l’Angleterre tua la manufacture de laine en Irlande à coups d’oukases parlementaires.
Le procédé de fabrication des fabricants fut encore simplifié sur le continent, où Colbert avait fait école.
La source enchantée d’où le capital primitif arrivait tout droit aux faiseurs, sous forme d’avance et même de don gratuit, y fut souvent le trésor public.
Mais pourquoi, s’écrie Mirabeau, pourquoi aller chercher si loin la cause de la population et de l’éclat manufacturier de la Saxe avant la guerre ! Cent quatre-vingt millions de dettes faites par les souverains". (...)
Quel pied ;-)
Messages
1. MARX ATTACKS : LA DETTE PUBLIQUE, 26 septembre 2007, 15:17
Hé oui, la dette publique alimente le capital, tant pour les montants soumis à la charge de l’état en lieu et place des charges que devraient supporter les financiers mais aussi pour ce qui concerne l’intérêt que verse l’Etat à ceux auprès desquels le capital est emprunté.
Il faut donc voir cette dette comme vicieuse car elle profite en dernier ressort au capital. Le trou est donc bien intentionnel, la preuve en est que l’on préfère (voir le "paquet" fiscal) reverser aux héritiers des sommes qui auraient pu être destinées au remboursement de la dette et qui auraient dès lors pour le coup minimisé le rendement des obligations détenus par ces mêmes héritiers.
La dette est une manne pour la bourgeoisie (ceux qui détiennent capital et moyens de production) et le payement des intérêts des obligations en est le surplus.
Les prolétaires n’en voient évidemment que du feu.
2. MARX ATTACKS : LA DETTE PUBLIQUE, 2 octobre 2007, 14:02
On trouve, dans le site de Janpier Dutrieux [Fragments Diffusion =>http://fragments-diffusion.chez-alice.fr/ ] ces perles extraordinaires, à méditer et à diffuser largement. Il faut aussi se demander pourquoi nos grands argentiers ne réfléchissent pas à ces questions ?
David Ricardo, Principes d’économie politique. « Dans le cas de la création monétaire l’avantage serait toujours pour ceux qui émettraient la monnaie de crédit ; et comme le gouvernement représente la nation, la nation aurait épargné l’impôt, si elle, et non la banque, avait fait elle-même l’émission de cette monnaie... Le public aurait un intérêt direct à ce que ce fût l’État, et non une compagnie de marchands ou de banquiers, qui fit cette émission ».
Abraham Lincoln « La puissance d’argent fait sa proie de la nation en temps de paix et conspire contre elle en temps d’adversité. Elle est plus despotique que la monarchie, plus insolente que l’autocratie, plus égoïste que la bureaucratie. (...) Les groupes financiers et industriels sont devenus tout puissants, il s’ensuivra une ère de corruption aux postes élevés et la puissance d’argent du pays cherchera à prolonger son règne en utilisant les préjugés du peuple jusqu’à ce que la fortune soit concentrée en un petit nombre de mains et la république détruite. »
Clément Juglar, Les crises commerciales. « Qu’est-ce que le crédit, sinon le simple pouvoir d’acheter en échange d’une promesse de payer ? La fonction d’une banque ou d’un banquier est d’acheter des dettes avec des promesses à payer.... La pratique seule du crédit amène ainsi par l’abus qu’on est porté à en faire, aux crises commerciales.... Le crédit est le principal moteur, il donne l’impulsion ; c’est lui qui, par la signature d’un simple effet de commerce, d’une lettre de change, donne une puissance d’achat qui parait illimitée. »
Irving Fisher, 100 % money « Le fait de faire revivre maintenant l’ancien système de couverture intégrale des dépôts (...) empêcherait effectivement l’inflation et la déflation suscitées par notre système actuel, c’est-à-dire stopperait effectivement la création et la destruction irresponsables de monnaie par nos milliers de banques commerciales qui agissent aujourd’hui comme autant d’instituts privés d’émission (...).L’essence du plan 100 % monnaie est de rendre la monnaie indépendante des prêts, c’est à dire de séparer le processus de création et de destruction de monnaie du prêt aux affaires »
Maurice Allais, Prix Nobel d’économie 1988, La réforme monétaire 1976 « Le jugement éthique porté sur le mécanisme du crédit bancaire s’est profondément modifié au cours des siècles. (...) À l’origine, le principe du crédit reposait sur une couverture intégrale des dépôts. (...) Ce n’est que vers le XVII e siècle, avec l’apparition des billets de banque, que les banques abandonnèrent progressivement ce principe. Mais ce fut dans le plus grand secret et à l’insu du public » (...) « En abandonnant au secteur bancaire le droit de créer de la monnaie, l’État s’est privé en moyenne d’un pouvoir d’achat annuel représentant environ 5,2 % du revenu national »
Jean-Marcel Jeanneney, Fondateur de l’OFCE, Écoute la France qui gronde - 1995 : « Je prétends que, dans la conjoncture actuelle, à condition d’entourer l’opération de garde-fous, l’émission de monnaie ex nihilo par la Banque de France, sans qu’existe aucune créance en contrepartie, est indispensable pour sortir notre économie de son anémie. (...) Il s’agirait de fournir aux ménages un pouvoir d’achat supplémentaire, qui n’alourdisse en rien les coûts de production. (...) Cette monnaie ne pourrait être remise au Trésor, ce que les accords européens interdisent. (...) C’est donc directement aux habitants du territoire français que la monnaie créée devra aller. (...) Le mot capitation désignant un impôt uniforme prélevé par tête d’habitant, l’allocation versée serait une capitation inversée. (...) 1000 ou 2000 frs. seraient versés à toute personne résidente, quel que soient son âge et ses revenus. La Banque (centrale) réserverait le droit de renouveler ou non l’opération si la conjoncture le demande »
Jacques Méraud, Fondateur du CERC, Le Monde du 5/08/1997 et du 02/09/97 :« On pourrait avoir une productivité plus grande des secteurs tertiaires, et générer en aval du pouvoir d’achat, si l’on avait plus de demande en amont. Mais la dite demande suppose déjà du pouvoir d’achat. Il faut donc qu’intervienne une demande exogène pour que reprenne la croissance, et que (...) lorsqu’une injection de monnaie de la Banque centrale paraît opportune au Conseil de la Politique Monétaire, que les modalités en soient étudiées entre ce dernier et le Gouvernement, étant entendu qu’elles pourraient viser à stimuler la demande privée aussi bien que la demande publique »
Maurice Allais, Nobel d’économie 1988 (L’impôt sur le capital et la réforme monétaire, 1976) « Il est aujourd’hui, pour le moins paradoxal de constater que, lorsque pendant des siècles l’Ancien Régime avait préservé jalousement le droit de l’État de battre monnaie et le privilège exclusif d’en garder le bénéfice, la République démocratique a abandonné pour une grande part ce droit et ce privilège à des intérêts privés »
Voir également [le site des faux monnayeurs =>http://www.fauxmonnayeurs.org]