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Marx torturé ? Et enfin retrouvé ?

Publie le jeudi 9 juillet 2009 par Open-Publishing
4 commentaires

Michel Peyret
9 juillet 2009

MARX TORTURE ? ET ENFIN RETROUVE ?

Il faut s’attendre à ouïr des mugissements dans les campagnes françaises car , là , il ne peut être question de rugissements , les lions n’existent que dans les cirques !
L’objet probable de ces manifestations sonores ! Un « hors-série » de 122 pages du journal LE POINT consacré à Marx !
Avec ces sous-titres :
 Ce qu’il a vraiment écrit ,
 Comment sa pensée a été détournée ,
 Son histoire ,
 Son héritage .
Et avec M. Aglietta , E. Balibar , J. Bidet , F. Fischbach , M. Godelier , A. Tosel...
Le comble sera certainement un texte de Jean Vioulac qui titre : « L’imposture soviétique » et se propose d’établir que « les révolutionnaires russes de 1917 ont torturé les concepts de Marx pour justifier une dictature bureaucratique et sanguinaire très éloignée des oeuvres du théoricien de la disparition de l’Etat . »

Je dis immédiatement le plaisir , l’intérêt , la satisfaction intellectuelle qui ont été les miens à la lecture de ces quelque 120 pages , et sans trop m’attarder sur quelques phrases qui forcent quelque peu le trait , tant l’ensemble a pour l’essentiel établi et confirmé l’opinion que je m’étais forgée à la lecture , ou relecture , de Marx ces dernières années , en essayant de trouver sous la gangue des idées reçues la pensée originale et précieuse de l’auteur , avec Engels , du Manifeste du parti communiste !

RETROUVER LA PENSEE ORIGINALE

J’avais ainsi fait le constat , qui m’interrogeait , de ce que des pans entiers , des thèmes capitaux de ces penseurs , semblaient avoir été ignorés , non seulement des dirigeants soviétiques de diverses époques , mais également par ceux des partis communistes de la 111eme Internationale poursuivie sous différentes formes après la deuxième guerre mondiale !

Et j’étais ainsi parvenu à l’idée , partagée avec d’autres , que le communisme qui là se réclamait de Marx ne pouvait avoir échoué puisque ce n’était pas lui qui avait été expérimenté ni en URSS ni ailleurs !

La conséquence de ce constat n’était pas moins importante : si le communisme d’un de ses principaux fondateurs n’avait pas été entaché par les caractéristiques du « bilan globalement positif » , il pouvait être de nouveau la perspective neuve et accueillante pour le genre humain , et ceux qui disaient vouloir y renoncer avaient de fortes probabilités de s’inscrire en réalité dans la gestion « à perpétuité » du capitalisme !

LA FIN DU PURGATOIRE

L’approfondissement de la crise du capitalisme « aidant » , capitalisme qu’il faut bien finir par appeler par son nom , et parvenir à considérer non sans résistances que la « crise » qui l’affecte est bien celle de ce système , Marx sort du purgatoire où l’avait entraîné l’échec du prétendu communisme .

Le « hors-série » du Point en est même une des preuves , a fortiori quand c’est lui-même qui met les points sur les « i » !
Ainsi , Catherine Golliau s’interroge-t-elle : « A quel Marx s’intéresse-t-on aujourd’hui ? »
Après avoir noté qu’il a une vision globale du monde , à la fois politique , économique et sociale , que dans son analyse du capitalisme il s’est montré à la fois historien , sociologue , philosophe et critique , elle considère aussi qu’il s’est beaucoup trompé :
« Tout n’est pas juste chez Marx , de même que tout n’est pas à garder chez Platon ou chez Aristote...
« Une certitude : l’auteur du Capital sort renforcé de son purgatoire . Mieux : nettoyé ! Tel un temple dégagé de sa gangue de lianes , sa pensée apparaît à vif , débarrassée des « embellissements » ajoutés par ceux qui s’étaient réclamés de son nom...
« Aujourd’hui , un vrai retour aux textes de Marx est possible , grâce au formidable travail d’édition et de réédition en cours , notamment en France .
« Distinguer entre pensée marxienne , celle de Marx , et pensée marxiste , celle qui l’a interprétée , c’est dorénavant possible.
« Et quel Marx apparaît alors ?
« Un théoricien qui défend le prolétariat mais admire le capitalisme et reconnaît le rôle historique de la bourgeoisie , un activiste politique confiant dans la démocratie parlementaire . Un Marx inédit . Le vrai ? »
L’interrogation me semble justifiée !

QUE SAIT-ON VRAIMENT DE MARX ?

C’est la question que soulève pour sa part Laurence Moreau qui considère que Marx était capable d’être aussi grand que petit :
« Marx est là , débraillé , excessif , curieux , méchant , touchant , insupportable et fascinant. »
Pourtant ce qui semble la préoccuper davantage , c’est de savoir si oui ou non on peut le comparer à Charles Darwin , le père de la théorie de l’évolution .
Elle lui donne la parole :
« Je suis surpris de voir Darwin redécouvrir chez les bêtes et les plantes les caractères de la société anglaise avec sa division du travail , sa concurrence , l’ouverture des marchés , l’innovation et la « lutte pour la vie » , écrit-il à Engels en 1861 , deux ans après la sortie de « L’origine des espèces ».
Darwin et lui , même combat ? , interroge Laurence Moreau qui restitue cet échange de correspondance :
« Quand sort la deuxième édition du premier livre du Capital , en 1873 , Marx en envoie à Darwin un exemplaire avec la dédicace : « Sincère admirateur. » Quelques mois plus tard , il reçoit la réponse suivante : « Cher Monsieur , je vous remercie de l’honneur que vous m’avez fait...et je souhaite ardemment avoir été plus digne de le recevoir en comprenant davantage le sujet , profond et important de l’économie politique... »
Simple mot de politesse : on retrouve chez Darwin l’exemplaire du Capital dont seules quelques pages ont été coupées...!
« Le jour de l’enterrement de Marx , poursuit et conclut Laurence Moreau , Engels n’en associe pas moins son ami au génie évolutionniste : « Tout comme Darwin découvrit la loi de l’évolution de la nature , Marx découvrit la loi de l’évolution dans l’histoire humaine . »
« Ainsi commença le « grand récit » de Marx ».

LA PENSEE INCORPOREE DANS LE REEL

Que Marx doive quelque chose à Hegel , comme à d’autres penseurs d’ailleurs , est une évidence .
A la question : « Quelle serait selon vous la grande leçon philosophique que Marx a retenue de Hegel ? » , le philosophe Jean-François Kervégan répond :
« Le fait que dans l’organisation de la société des hommes il y a de la pensée qui s’exprime , et que cette pensée n’est pas le fait d’un individu , fut-il un grand philosophe , mais une réalité objective , incorporée dans le réel . A sa manière , malgré son génie propre et les critiques qu’il lui adresse , Marx est resté fidèle à cette idée de Hegel . Je serais même tenté de dire qu’il est le seul véritable « jeune-hégélien » .

LE MODE DE PRODUCTION

Pour Jacques Bidet , ce réel de la société , c’est avant tout celui du mode de production que Marx appréhende .
« Ne pas y voir un grossier matérialisme » , précise-t-il .
« Il entend par là que pour analyser une société , il ne faut justement pas partir de la technique , mais de la relation entre technique et social .
« Les forces productives ( les technologies , les compétences...) propres à une époque historique sont en effet inséparables de « rapports sociaux de production » bien définis , c’est-à-dire des formes toujours particulières d’appropriation ou de contrôle des moyens de production , de direction , d’organisation du travail et de répartition du produit .
« C’est ce couple qui forme la « base économique » .
« Et celle-ci est toujours liée à une « superstructure » politique , juridique et idéologique qui correspond aux rapports sociaux de production , qui les encadre et les justifie : soit les institutions de l’Etat et de la culture .
« La société tend toujours ainsi à se diviser en deux classes sociales , car ceux qui possèdent ou contrôlent les moyens de production et d’échanges sont en mesure de s’assurer une prééminence sociale et politique par rapport à ceux qui ne disposent que de leur « force de travail » .
« C’est là le fondement d’une « lutte des classes » qui durera tant qu’il y aura des classes .
« Mais il survient périodiquement des mutations technologiques .
« Elles tendent naturellement à bouleverser les rapports sociaux de production établis .
« Et donc aussi à révolutionner l’édifice social dans son ensemble .
« C’est « l’ère des révolutions » qui annoncent le passage à un autre mode de production .

BRISER LE MECANISME D’ETAT

Pour Marx lui-même , dans « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte » , le pouvoir exécutif , « avec son immense organisation bureaucratique et militaire , avec son mécanisme étatique complexe et artificiel , son armée de fonctionnaires d’un demi-million d’hommes et son autre armée de cinq cent mille soldats , effroyable corps parasite , qui recouvre comme une membrane le corps de la société française et en bouche tous les pores , se constitua à l’époque de la monarchie absolue , au déclin de la féodalité , qu’il aida à renverser...
« La première Révolution française , qui se donna pour tâche de briser tous les pouvoirs indépendants , locaux , territoriaux , municipaux et provinciaux , pour créer l’unité civique de la nation , devait nécessairement développer l’oeuvre commencée par la monarchie absolue : la centralisation , mais , en même temps aussi , l’étendue , les attributs et l’appareil du pouvoir gouvernemental .
« Napoléon acheva de perfectionner ce mécanisme d’Etat...
« La République parlementaire , enfin , se vit contrainte , dans sa lutte contre la Révolution , de renforcer par ses mesures de répression les moyens d’action et la centralisation du pouvoir gouvernemental .
« Toutes les révolutions politiques n’ont fait que perfectionner cette machine , au lieu de la briser . »

LA REVOLUTION REPOUSSANTE

C’est que , pour Marx , toutes les révolutions n’ont pas le même objectif .
Il y a celles qui , avec celle de 1789 , visent à consolider , à affermir le pouvoir de la bourgeoisie .
Et , « parce que la révolution de juin 1848 a , la première , menacé l’ordre bourgeois , elle a été écrasée dans le sang .
« La république tricolore n’arbore plus qu’une seule couleur , la couleur des vaincus , la couleur du sang , elle est devenue la république rouge...
« La révolution de février fut la belle révolution , la révolution de la sympathie générale , parce que les contradictions (entre la bourgeoisie et le peuple ) qui éclatèrent en elle contre la royauté , n’étaient pas encore développées et demeuraient en sommeil , unies , côte à côte , parce que la lutte sociale qui formait l’arrière-plan de cette révolution , n’avait atteint qu’une existence inconsistante , une existence purement verbale .
« La révolution de juin est laide ; c’est la révolution repoussante , parce que la réalité a pris la place des mots , parce que la République a démasqué la tête même du monstre en lui arrachant la couronne qui la protégeait et la cachait...
« Aucune des nombreuses révolutions de la bourgeoisie française depuis 1789 n’était un attentat contre l’Ordre , car toutes laissaient subsister la domination de classe , l’esclavage des ouvriers , l’ordre bourgeois , malgré le changement fréquent de la forme politique de cette domination et de cet esclavage .
« Juin a touché à cet ordre .
« Malheur à juin !

LA DICTATURE DU PROLETARIAT

La Critique du programme de Gotha , où Marx « règle quelques comptes » avec la social-démocratie allemande , est également l’un des rares textes où il aborde cette notion de « dictature du prolétariat »
Encore fait-elle débat sur ce que Marx entend réellement par là !
Pour Sonia Dayan-Herzbrun , enseignante à Paris VII , la réponse de Marx a souvent été mal interprétée :
« Marx considère que la voie démocratique peut dans certains cas conduire à la société sans classes et que la révolution , en son sens littéral de transformation radicale , peut s’opérer sans violence .
« Mais pour cela , il faut que le parti ouvrier s’attaque aux fondements mêmes de la société bourgeoise et donc à l’Etat , pour instaurer la « dictature du prolétariat » .
« L’Etat est ainsi voué à disparaître , l’administration des choses remplaçant le gouvernement des hommes , selon la formule de Engels .
« A Gotha , toutefois , le conflit se concentre autour de l’Etat ouvrier , qui sera appelé plus tard Etat social : un Etat issu du vote des travailleurs et qui agit en leur faveur sans que ceux-ci exercent directement leur pouvoir .
« Conception que refuse évidemment Marx ».
Pour Isabelle Garo qui s’exprime également dans ce « hors-série » , Marx est cet auteur dont on parle sans jamais l’avoir lu :
« Beaucoup de textes de circonstance , des interventions politiques notamment , ont été arrachées au contexte historique qui leur donne sens .
« La tradition « marxiste-léniniste » a projeté ses propres choix théoriques .
« Mais c’est aussi le cas de la plupart des lectures libérales ou totalitaires . »
S’agissant de La Critique du programme de Gotha , « c’est l’un des rares textes de Marx où l’on voit apparaître la notion de « dictature du prolétariat » . L’expression a donné lieu à beaucoup de sur-interprétations , favorables ou hostiles , toutes très éloignées du sens que lui donna Marx , qui l’opposait à la « dictature bourgeoise » et l’empruntait à l’histoire romaine . « La dictature à Rome en effet était ce moment d’exception qui n’avait rien d’arbitraire : un homme seul s’y voyait conférer un pouvoir exceptionnel afin d’assurer la survie de la République .
« La fortune et les infortunes de l’expression ont occulté la vraie question qui est celle de l’Etat . »

CONTRE LES DOGMATISMES

Ces quelques thèmes qui , d’ailleurs , visent davantage à ouvrir le débat qu’à le conclure , mettent en évidence la richesse , qui est loin d’être épuisée , du contenu de ce « Hors-série » du Point qui semble s’inscrire dans une multitude de nouvelles publications ou articles qui témoignent tous de la vivacité de la pensée de Marx et de son actualité .
Je pense d’ailleurs que nous aurons l’occasion d’y revenir , tant la situation , les évènements que nous vivons me semblent avoir besoin d’une irrigation nouvelle permettant de saisir toutes les opportunités en les relaçant dans la dialectique et le mouvement de l’histoire ennemis de tous les dogmatismes et de toutes les scléroses de pensée .

Messages

  • Le comble sera certainement un texte de Jean Vioulac qui titre : « L’imposture soviétique » et se propose d’établir que « les révolutionnaires russes de 1917 ont torturé les concepts de Marx pour justifier une dictature bureaucratique et sanguinaire très éloignée des oeuvres du théoricien de la disparition de l’Etat . »

    Ah ben voilà....Ça y est !

    On va ENFIN se le faire le Lénine hein ?!? On n ’a pas eu les cojones de se farcir Staline et ses adorateurs "avant", mais, maintenant, on va se faire la vieille momie, tranquille...quel courage ! quelle "prise de conscience".

    Rien que là c’est crispant.. Avant de "le tuer" il faudra je pense prendre le même soin avec sa pensée que celle que vous prenez avec Marx et Engels désormais car s’il y en a une aussi qui a été déformée, révisée, au pire sens, par le Stalinisme et son prétendu "MARXISME LÉNINISME" c’est bien celle de Lénine....

    RETROUVER LA PENSEE ORIGINALE

    Ca fait toujours un peu sourire de voir les mêmes qui il y a 40 ans pensaienyt (sans doute de bonne foi)que "la pensée originale" de Marx et Engels sortait de la bouche des staliniens (qui ont tué à la fois Marx ET Lénine), qui jurent aujourd’hui que c’est désormais dans Le Point qu’on trouve la pensée originale de Marx et Engels...(et ne me dis pas que ce n’était pas ton cas Michel... Tu n’as sans doute jamais été un "dissident" au sens strict, ou alors, tardivement...tu n’aurais pas été député PCF en 86/88 sinon)...

    J’avais ainsi fait le constat , qui m’interrogeait , de ce que des pans entiers , des thèmes capitaux de ces penseurs , semblaient avoir été ignorés , non seulement des dirigeants soviétiques de diverses époques , mais également par ceux des partis communistes de la 111eme Internationale poursuivie sous différentes formes après la deuxième guerre mondiale !

    Ça par contre c’est un constat juste et malheureusement tous ceux qui dans le monde (en France et en Italie par exemple) ont émis cette hypothèse dans les années 60 (et ils n’étaient pas tous trotskistes ou "anticommunistes") étaient impitoyablement poursuivis de la vindicte des PCF et PCI...renvoyés au rang "de traîtres", de "gauchistes","d’ennemis du peuple" etc...Enfin mieux vaut tard que jamais....

    Et j’étais ainsi parvenu à l’idée , partagée avec d’autres , que le communisme qui là se réclamait de Marx ne pouvait avoir échoué puisque ce n’était pas lui qui avait été expérimenté ni en URSS ni ailleurs !

    Alleluiah ! Ça fait "juste" 7 ans qu’on le dit sur ce site (et plus longtemps encore qu’on le dit "ailleurs"). Si on ne l’a pas écrit sous diverses formes, 100 fois, on ne l’a jamais écrit ...Voici un bon point d’accord donc, et n’y revenons plus .

    La conséquence de ce constat n’était pas moins importante : si le communisme d’un de ses principaux fondateurs n’avait pas été entaché par les caractéristiques du « bilan globalement positif » , il pouvait être de nouveau la perspective neuve et accueillante pour le genre humain , et ceux qui disaient vouloir y renoncer avaient de fortes probabilités de s’inscrire en réalité dans la gestion « à perpétuité » du capitalisme !

    Bien sûr que ça a joué ! Mais c’est un peu simpliste de réduire le constat qu’aujourd’hui le communisme n’est plus l’espoir à cela. On attend tjs que les cadres qui furent dirigeants du PCF (ou qui le sont encore) fassent aussi leur analyse, sans verser dans la haine de soi, le reniement complet, ou le mea culpa judéo chrétien stérile...La France et l’ITalie ne faisaient pas partie de l’URSS...Il n’y a pas eu de sang versé comme en URSS... Et pourtant la participation active des PC de ces pays ( pour parler de ce que nous connaissons et qui nous occupe) à la 3ème internationale n’a pas été neutre...

    LA FIN DU PURGATOIRE

    L’approfondissement de la crise du capitalisme « aidant » , capitalisme qu’il faut bien finir par appeler par son nom , et parvenir à considérer non sans résistances que la « crise » qui l’affecte est bien celle de ce système , Marx sort du purgatoire où l’avait entraîné l’échec du prétendu communisme .

    Michel... Challenges a consacré un numéro à Marx il était même en couverture... Doit on considérer que le fait que Challenges et Le Point s’intéressent à Marx & Engels est vraiment une bonne nouvelle pour le communisme , le marxisme ? Doit on considérer que ainsi, ils sortent du purgatoire...??? Ou qu’ils y entrent ???Et que peut être l’enfer n’est pas loin ?

    Le « hors-série » du Point en est même une des preuves , a fortiori quand c’est lui-même qui met les points sur les « i » ! Ainsi , Catherine Golliau s’interroge-t-elle : « A quel Marx s’intéresse-t-on aujourd’hui ? » Après avoir noté qu’il a une vision globale du monde , à la fois politique , économique et sociale , que dans son analyse du capitalisme il s’est montré à la fois historien , sociologue , philosophe et critique , elle considère aussi qu’il s’est beaucoup trompé : « Tout n’est pas juste chez Marx , de même que tout n’est pas à garder chez Platon ou chez Aristote... « 

    Merci Mme Golliau... Sans blague ? Marx a écrit des conneries ? Mais fallait être salement atteint pour penser le contraire non ?

    Une certitude : l’auteur du Capital sort renforcé de son purgatoire . Mieux : nettoyé !

    Oulallaa... Marx "nettoyé" par le Point de Franz-olivier Giesbert ????

    Rappel :

    "Après la victoire de la gauche aux élections de 1981, Le Point quitte le groupe Hachette, menacé d’être nationalisé ; l’équipe dirigeante craint d’y perdre son autonomie. Le journal intègre le groupe de cinéma Gaumont, présidé par le richissime Nicolas Seydoux, très libéral au sens le plus noble. En 1992, souhaitant se désengager, Nicolas Seydoux cède ses parts à la Générale Occidentale (fondée par Jimmy Goldsmith et cédée en 1987 à la Compagnie générale d’électricité CGE, qui possède aussi L’Express). Un GIE L’Express-Le Point prend alors naissance pour gérer en particulier la publicité, source importante de revenus.

    En octobre 1995, la CGE, devenue Alcatel-Alsthom, fait apport de ses activités de presse à CEP communication, une filiale d’Havas, groupe dont Alcatel (Pdg : Serge Tchuruk) devient l’actionnaire principal.

    En 1997, l’homme d’affaire François Pinault, PDG de la holding Artémis proche de Jacques Chirac, prend le contrôle du Point. Claude Imbert (qui est par ailleurs membre du club "Le Siècle", en garant de la continuité du journal et de sa ligne, demeure l’un des éditorialistes principaux."

    Je ne dis pas que c’est forcément illisible ou faux, qu’il ne faut pas le lire etc.. mais à mon avis la parution d’un dossier "Marx" dans "Le Point" doit susciter quand même une légère méfiance, ce que sa lecture a d’ailleurs renforcé, pour diverses raisons : certains auteurs, certaines interprétations, l’agencement général du numéro spécial etc... Je préfère de loin le travail conséquent fourni depuis des années par l’université marxiste ou "Sémimarx"...

    Tel un temple dégagé de sa gangue de lianes , sa pensée apparaît à vif , débarrassée des « embellissements » ajoutés par ceux qui s’étaient réclamés de son nom...

    A qui et à quoi songes tu en disant cela ? Perso il a toujours été clair pour moi que Lénine par exemple n’était qu’un interprète de Marx parmi d’autres ! L’interprétation, tout comme la traduction d’ailleurs, est toujours une forme de trahison ,c’est une oeuvre à part entière... Qui a jamais cru que Lénine était le seul et meilleur lecteur de Marx & Engels ? De là à jeter le "bébé Vlad" avec l’eau du bain stalinien....

    « Aujourd’hui , un vrai retour aux textes de Marx est possible , grâce au formidable travail d’édition et de réédition en cours , notamment en France . « Distinguer entre pensée marxienne , celle de Marx , et pensée marxiste , celle qui l’a interprétée , c’est dorénavant possible. « 

    Franchement je m’interroge sur des scientifiques qui n’oint jamais pu faire avant aujourd’hui la différence entre l’auteur et les interprètes..on serait méchant on dirait que ça les disqualifie légèrement non ?

    Et quel Marx apparaît alors ? « Un théoricien qui défend le prolétariat mais admire le capitalisme et reconnaît le rôle historique de la bourgeoisie , un activiste politique confiant dans la démocratie parlementaire . Un Marx inédit . Le vrai ? » L’interrogation me semble justifiée !

    Alors là... Là... Je suis réellement en désaccord complet avec cette affirmation (et je ne suis pas la seule) notamment sur la partie relative à la "confiance dans la démocratie parlementaire" !!!! Sauf si bien sûr on parle de démocratie parlementaire au sens "absolu" en la dégageant de son cadre bourgeois...

    Pour le reste sans doute, encore une fois, y a t il des choses intéressantes..

    LA REVOLUTION REPOUSSANTE

    C’est que , pour Marx , toutes les révolutions n’ont pas le même objectif . Il y a celles qui , avec celle de 1789 , visent à consolider , à affermir le pouvoir de la bourgeoisie . Et , « parce que la révolution de juin 1848 a , la première , menacé l’ordre bourgeois , elle a été écrasée dans le sang . « La république tricolore n’arbore plus qu’une seule couleur , la couleur des vaincus , la couleur du sang , elle est devenue la république rouge... « La révolution de février fut la belle révolution , la révolution de la sympathie générale , parce que les contradictions (entre la bourgeoisie et le peuple ) qui éclatèrent en elle contre la royauté , n’étaient pas encore développées et demeuraient en sommeil , unies , côte à côte , parce que la lutte sociale qui formait l’arrière-plan de cette révolution , n’avait atteint qu’une existence inconsistante , une existence purement verbale . « La révolution de juin est laide ; c’est la révolution repoussante , parce que la réalité a pris la place des mots , parce que la République a démasqué la tête même du monstre en lui arrachant la couronne qui la protégeait et la cachait... « Aucune des nombreuses révolutions de la bourgeoisie française depuis 1789 n’était un attentat contre l’Ordre , car toutes laissaient subsister la domination de classe , l’esclavage des ouvriers , l’ordre bourgeois , malgré le changement fréquent de la forme politique de cette domination et de cet esclavage . « Juin a touché à cet ordre . « Malheur à juin !

    Encore faudrait il pour valider l’interprétation que tu sembles donner à ce mot de MArx "révolution repoussante", pouvoir lire l’intégralité de la lettre du 29 juin... Et en la relisant, sincèrement ,je ne vois vraiment pas la même interprétation que la tienne.

    Je la mets ci dessous in extenso :

    La révolution de juin

    n° 29, 29 juin 1848

    Les ouvriers de Paris ont été écrasés par des forces supérieures ; ils n’ont pas succombé. Ils sont battus mais leurs adversaires sont vaincus. Le triomphe momentané de la force brutale est payé par l’anéantissement de toutes les illusions et chimères de la révolution de février, par la désagrégation de tout le parti des vieux républicains, par la scission de la nation française en deux nations, la nation des possédants et la nation des travailleurs. La république tricolore n’arbore plus qu’une seule couleur, la couleur des vaincus, la couleur du sang, elle est devenue la république rouge.

    Aux côtés du peuple, aucune voix réputée républicaine, ni du National [1] ni de La Réforme [2] ! Sans autres chefs, sans autres moyens que l’indignation elle-même, il a résisté à la bourgeoisie et à la soldatesque coalisées plus longtemps qu’aucune dynastie française, pourvue de tout l’appareil militaire, ne résista à une fraction de la bourgeoisie coalisée avec le peuple. Pour faire disparaître la dernière illusion du peuple, pour rompre complètement avec le passé, il fallait aussi que les auxiliaires habituels et poétiques de l’émeute française, la jeunesse bourgeoise enthousiaste, les élèves de l’École polytechnique, les tricornes fussent du côté des oppresseurs. Il fallait que les élèves de la Faculté de médecine refusent aux plébéiens blessés le secours de la science. La science n’est pas là pour le plébéien qui a commis l’indicible, l’inexprimable crime de tout risquer pour sa propre existence, et non pour Louis-Philippe ou M. Marrast.

    Le dernier vestige officiel de la révolution de février, la Commission exécutive [3], s’est évanouie, comme la brume, devant la gravité des événements. Les feux d’artifice de Lamartine se sont transformés en fusées incendiaires de Cavaignac.

    La fraternité, cette fraternité des classes opposées dont l’une exploite l’autre, cette fraternité proclamée en février, écrite en majuscules, sur le front de Paris, sur chaque prison, sur chaque caserne - son expression véritable, authentique, prosaïque, c’est la guerre civile, la guerre civile sous sa forme la plus effroyable, la guerre du travail et du capital. Cette fraternité a flambé devant toutes les fenêtres de Paris le soir du 25 juin, alors que le Paris de la bourgeoisie illuminait, tandis que le Paris du prolétariat brûlait, saignait, gémissait jusqu’à l’épuisement.

    La fraternité a duré juste le temps que l’intérêt de la bourgeoisie a été frère de l’intérêt du prolétariat. Des pédants de la vieille tradition révolutionnaire de 1793, des socialistes à l’esprit de système qui mendiaient pour le peuple auprès de la bourgeoisie et qui furent autorisés à tenir de longs sermons et à se compromettre aussi longtemps que le lion prolétarien avait besoin d’être endormi par des berceuses, des républicains qui réclamaient intégralement le vieil ordre bourgeois mais sans tête couronnée, des opposant dynastiques [4] pour qui le hasard avait substitué la chute de la dynastie à un changement de ministre, des légitimistes [5] qui voulaient non pas dépouiller la livrée mais en modifier la coupe, voilà les alliés avec qui le peuple fit février. Ce que d’instinct il haïssait en Louis-Philippe, ce n’était pas Louis-Philippe, c’était la domination couronnée d’une classe, c’était le capital sur le trône. Mais, magnanime comme toujours, il crut avoir anéanti son ennemi après avoir renversé l’ennemi de ses ennemis, l’ennemi commun.

    La révolution de février fut la belle révolution, la révolution de la sympathie générale, parce que les contradictions (entre la bourgeoisie et le peuple) qui éclatèrent en elle contre la royauté, n’étaient pas encore développées et demeuraient en sommeil, unies, côte à côte, parce que la lutte sociale qui formait l’arrière-plan de cette révolution, n’avait atteint qu’une existence inconsistante, une existence purement verbale. La révolution de juin est laide ; c’est la révolution repoussante, parce que la réalité a pris la place des mots, parce que la République a démasqué la tête même du monstre en lui arrachant la couronne qui la protégeait et la cachait.

    L’Ordre ! tel fut le cri de guerre de Guizot. L’Ordre ! cria Sébastiani le guizotin, quand Varsovie devint russe. L’Ordre ! crie Cavaignac, écho brutal de l’Assemblée nationale française et de la bourgeoisie républicaine.

    L’Ordre ! gronda sa mitraille en déchirant le corps du prolétariat.

    Aucune des nombreuses révolutions de la bourgeoisie française depuis 1789 n’était un attentat contre l’Ordre, car toutes laissaient subsister la domination de classe, l’esclavage des ouvriers, l’ordre bourgeois, malgré le changement fréquent de la forme politique de cette domination et de cet esclavage. Juin a touché à cet ordre. Malheur à juin !

    Sous le gouvernement provisoire, on fit imprimer sur des milliers d’affiches officielles que les ouvriers au grand cœur « mettaient trois mois de misère à la disposition de la République » ; il était donc décent, mieux : nécessaire, c’était à la fois de la politique et de la sentimentalité, de leur prêcher que la révolution de février avait été faite dans leur propre intérêt et que, dans cette révolution, il s’agissait avant tout des intérêts des ouvriers. Depuis que siégeait l’Assemblée nationale - on devenait prosaïque. Il ne s’agissait plus alors que de ramener le travail à ses anciennes conditions, comme le disait le ministre Trélat. Les ouvriers s’étaient donc battus en février pour être jetés dans une crise industrielle.

    La besogne de l’Assemblée nationale consiste à faire en sorte que février n’ait pas existé, tout au moins pour les ouvriers qu’il s’agit de replonger dans leur ancienne condition. Et même cela ne s’est pas réalisé, car une assemblée, pas plus qu’un roi, n’a le pouvoir de dire à une crise industrielle de caractère universel : Halte-là ! L’Assemblée nationale, dans son désir zélé et brutal d’en finir avec les irritantes formules de février, ne prit même pas les mesures qui étaient encore possibles dans le cadre de l’ancien état de choses. Les ouvriers parisiens de 17 à 25 ans, elle les enrôle de force dans l’armée ou les jette sur le pavé ; les provinciaux, elle les renvoie de Paris en Sologne, sans même leur donner avec le laisser-passer l’argent du voyage ; aux Parisiens adultes, elle assure provisoirement de quoi ne pas mourir de faim dans des ateliers organisés militairement, à condition qu’ils ne participent à aucune réunion populaire, c’est-à-dire à condition qu’ils cessent d’être des républicains. La rhétorique sentimentale d’après février ne suffisait pas, la législation brutale d’après le 15 mai [6] non plus. Dans les faits, en pratique, il fallait trancher. Avez-vous fait, canailles, la révolution de février pour vous ou bien pour nous ? La bourgeoisie posa la question de telle façon, qu’il devait y être répondu en juin - avec des balles et par des barricades.

    Et pourtant, ainsi que le dit le 25 juin un représentant du peuple, la stupeur frappe l’Assemblée nationale tout entière. Elle est abasourdie quand question et réponse noient dans le sang le pavé de Paris ; les uns sont abasourdis parce que leurs illusions s’évanouissent dans la fumée de la poudre, les autres parce qu’ils ne saisissent pas comment le peuple peut oser prendre lui-même en main la défense de ses intérêts les plus personnels. Pour rendre cet événement étrange accessible à leur entendement, ils l’expliquent par l’argent russe, l’argent anglais, l’aigle bonapartiste, le lys et des amulettes de toutes sortes. Mais les deux fractions de l’Assemblée sentent qu’un immense abîme les sépare toutes deux du peuple. Aucune n’ose prendre le parti du peuple.

    À peine la stupeur passée, la furie éclate, et c’est à juste titre que la majorité siffle ces misérables utopistes et tartufes qui commettent un anachronisme en ayant toujours à la bouche ce grand mot de Fraternité. Il s’agissait bien en effet de supprimer ce grand mot et les illusions que recèlent ses multiples sens. Lorsque Larochejaquelein, le légitimiste, le rêveur chevaleresque, fulmine contre l’infamie qui consiste à crier « Vae victis ! Malheur aux vaincus ! [7] » la majorité de l’Assemblée est prise de la danse de Saint-Guy comme si la tarentule l’avait piquée. Elle crie : Malheur ! aux ouvriers pour dissimuler que le « vaincu » c’est elle. Ou bien c’est elle qui doit maintenant disparaître, ou c’est la République. C’est pourquoi elle hurle convulsivement : Vive la République !

    Le gouffre profond qui s’est ouvert à nos pieds, peut-il égarer les démocrates, peut-il nous faire accroire que les luttes pour la forme de l’État sont vides, illusoires, nulles ?

    Seuls des esprits faibles et lâches peuvent soulever pareille question. Les conflits qui naissent des conditions de la société bourgeoise elle-même, il faut les mener jusqu’au bout ; on ne peut les éliminer en imagination. La meilleure forme d’État est celle où les contradictions sociales ne sont pas estompées, ne sont pas jugulées par la force, c’est-à-dire artificiellement et donc en apparence seulement. La meilleure forme de gouvernement est celle où ces contradictions entrent en lutte ouverte, et trouvent ainsi leur solution.

    On nous demandera si nous n’avons pas une larme, pas un soupir, pas un mot pour les victimes de la fureur du peuple, pour la garde nationale, la garde mobile, la garde républicaine, les troupes de ligne ?

    L’État prendra soin de leurs veuves et de leurs orphelins, des décrets les glorifieront, de solennels cortèges funèbres conduiront leurs dépouilles à leur dernière demeure, la presse officielle les déclarera immortels, la réaction européenne leur rendra hommage, de l’Est à l’Ouest.

    Quant aux plébéiens, déchirés par la faim, vilipendés par la presse, abandonnés par les médecins, traités par les « gens bien » de voleurs, d’incendiaires, de galériens, leurs femmes et leurs enfants précipités dans une misère encore plus incommensurable, les meilleurs des survivants déportés outre-mer, c’est le privilège, c’est le droit de la presse démocratique de tresser des lauriers sur leur front assombri de menaces.

    Alors tu vois, quand Marx parle de "révolution repoussante " dans cette lettre de juin, moi je n’en tire pas du tout la même interprétation que celui qui écrit avant : "Marx confiant dans la démocratie parlementaire"... comme ça ex abrupto, Non ça vraiment.. C’est n’importe quoi...

    Je préfère vraiment renvoyer (entre autre car il n’y a pas que lui il faut le lire aussi le Marx politique de S Kouvelakis et bien d’autres)à un texte de Lenoir "Marx penseur de la démocratie" http://bellaciao.org/fr/spip.php?article80056.

    Et comment ne pas citer aussi l’ouvrage hallucinant de Tronti ’la politique au crépuscule"...La Liste serait très longue...d’interprétations et analyses opposées (ou complémentaires parfois) à celles que tu cites comme des références aujourd’hui...

    Bon, passons à "la suite" (de ce qui m’interpelle -quand je ne cite pas o n va dire que c’est parce que je suis globalement d’accord avec toi ou avec le texte)

    LA DICTATURE DU PROLETARIAT

    La Critique du programme de Gotha , où Marx « règle quelques comptes » avec la social-démocratie allemande , est également l’un des rares textes où il aborde cette notion de « dictature du prolétariat » Encore fait-elle débat sur ce que Marx entend réellement par là ! Pour Sonia Dayan-Herzbrun , enseignante à Paris VII , la réponse de Marx a souvent été mal interprétée : « Marx considère que la voie démocratique peut dans certains cas conduire à la société sans classes et que la révolution , en son sens littéral de transformation radicale , peut s’opérer sans violence . « Mais pour cela , il faut que le parti ouvrier s’attaque aux fondements mêmes de la société bourgeoise et donc à l’Etat , pour instaurer la « dictature du prolétariat » . « L’Etat est ainsi voué à disparaître , l’administration des choses remplaçant le gouvernement des hommes , selon la formule de Engels . « A Gotha , toutefois , le conflit se concentre autour de l’Etat ouvrier , qui sera appelé plus tard Etat social : un Etat issu du vote des travailleurs et qui agit en leur faveur sans que ceux-ci exercent directement leur pouvoir . « Conception que refuse évidemment Marx ». Pour Isabelle Garo qui s’exprime également dans ce « hors-série » , Marx est cet auteur dont on parle sans jamais l’avoir lu : « Beaucoup de textes de circonstance , des interventions politiques notamment , ont été arrachées au contexte historique qui leur donne sens . « La tradition « marxiste-léniniste » a projeté ses propres choix théoriques . « Mais c’est aussi le cas de la plupart des lectures libérales ou totalitaires . » S’agissant de La Critique du programme de Gotha , « c’est l’un des rares textes de Marx où l’on voit apparaître la notion de « dictature du prolétariat » . L’expression a donné lieu à beaucoup de sur-interprétations , favorables ou hostiles , toutes très éloignées du sens que lui donna Marx , qui l’opposait à la « dictature bourgeoise » et l’empruntait à l’histoire romaine . « La dictature à Rome en effet était ce moment d’exception qui n’avait rien d’arbitraire : un homme seul s’y voyait conférer un pouvoir exceptionnel afin d’assurer la survie de la République . « La fortune et les infortunes de l’expression ont occulté la vraie question qui est celle de l’Etat . »

    Mais bien sûr qu’il y a un Marx politique pour qui on ne peut pas être "vrai révolutionnaire" (raccourci) sans savoir AUSSI proposer de bonnes réformes dans le cadre institutionnel bourgeois, sans lutter partout et par tous moyens MAIS (et seulement si "MAIS") sans perdre de vue LA perspective : la fin de l’État.

    C’est bien que Isabelle Garo finisse par reprendre ce que nous disons ici et là depuis des lustres sur la fameuse notion de "dictature du prolétariat" , qu’elle rappelle le sens originaire de cette figure chez Marx, et qu’on appelle aussi, avec le courant communiste non-PCI italien des années 70 la "démocratie prolétarienne" par OPPOSITION à la démocratie bourgeoise...mais bon, elle a pas inventé l’eau chaude là...Enfin encore une fois "mieux vaut tard que jamais" - c’est dommage qu’il te faille Le point pour acquiescer et que quand ce sont des camarades qui le disent ça semble te rentrer par une oreille et te sortir par l’autre...

    CONTRE LES DOGMATISMES

    Ces quelques thèmes qui , d’ailleurs , visent davantage à ouvrir le débat qu’à le conclure , mettent en évidence la richesse , qui est loin d’être épuisée , du contenu de ce « Hors-série » du Point qui semble s’inscrire dans une multitude de nouvelles publications ou articles qui témoignent tous de la vivacité de la pensée de Marx et de son actualité .

    Oui c’est bien de toute façon de parler de MArx et Engels et SURTOUT de les lire et de les relire. Si on sait garder recul, lucidité et perspective révolutionnaire....Et si on n’oublie pas que pour chasser un dogmatisme on en trouve souvent un autre qui prétend ne pas l’être...

    Je pense d’ailleurs que nous aurons l’occasion d’y revenir , tant la situation , les évènements que nous vivons me semblent avoir besoin d’une irrigation nouvelle permettant de saisir toutes les opportunités en les relaçant dans la dialectique et le mouvement de l’histoire ennemis de tous les dogmatismes et de toutes les scléroses de pensée .

    Attention aussi avec ce genre de raisonnement on finit souvent négriste et c’est pas forcément la bonne solution....

    Reste que de mon point de vue , avec ce numéro spécial, s’il y a des choses intéressantes, on est là encore dans un conflit d"héritiers,on est encore trop souvent dans la gestion petit-bourgeois de l’œuvre de Marx et Engels "c’est -ta- moi et pas-ta-toi"...Marx au fond je dirais que, pour la politique, et même pour la philosophie qui ne devrait pas être une langue morte, ça se vit, ça se poursuit,ça se CONTINUE de façon ACTIVE, c’est comme ça qu’on lui rend le meilleur "hommage" et c’est comme ça qu’on le découvre le mieux sans doute...Peut être même qu’aujourd’hui ce que Marx appelait "communisme" il faudrait le dénommer autrement pour lui être vraiment "fidèle", j’en sais rien c’est une hypothèse... mais par exemple, excuse moi, "remplacer" Lénine par Gramsci, ce que tente de supposer ce dossier en plaçant l’article de Tosel sur Gramsci à la fin du numéro comme une sorte de conclusion, c’est vraiment aussi con l’un que l’autre...(et ce n ’est pas la faute de Tosel car je ne sais pas s’il approuvait que son texte intéressant soit placé là comme ça après tout cela..)

    Ce qui confirme aussi mon a priori négatif - c’est une rédaction pas seulement un dossier "scientifique objectif". Et c’est une rédaction du Point...Le moins qu’on puisse dire c’est donc "ok mais à prendre avec des pincettes"... Comme le numéro de Challenges, comme la bio d’Attali etc et en gardant à l’esprit comme valable pour tout le monde y compris dans ce numéro que comme Marx, chacun y a peut être été de sa connerie sur Marx...


    « (...)Si de temps à autre les travailleurs sont victorieux, leur triomphe est éphémère. Le vrai résultat de leurs luttes [n’est pas la conquête du pouvoir], mais l’organisation et l’union de plus en plus étendue des travailleurs. [...] Dans toutes ces luttes, la bourgeoisie se voit forcée de faire appel au prolétariat, de réclamer son aide et de l’entraîner dans le mouvement politique. Elle fournit ainsi aux prolétaires les éléments de leur formation [intellectuelle et politique] : elle met dans leurs mains des armes contre elle-même » (Manifeste, chap. l)

    "(...)Si l’ « hebdomadaire » - l’organe du parti - devait néanmoins procéder comme on a commencé de le faire dans le Jahrbuch de Höchberg, nous serions obligés d’intervenir publiquement contre une telle dépravation du parti et, de la théorie ! Engels a rédigé une lettre circulaire à Bebel etc. (naturellement uniquement pour la circulation privée parmi les chefs du parti allemand). Il y explique notre position sans ménagement. Ces messieurs sont donc déjà prévenus et ils nous connaissent aussi suffisamment pour savoir qu’il s’agit ici de plier ou de rompre ! S’ils veulent se compromettre., tant pis ! Nous ne leur permettront en aucun cas de nous compromettre. On peut voir à quel point le parlementarisme les a déjà rendus bourriques dans le fait, entre autres, qu’ils ont imputé à Hirsch un crime - devine lequel ? Dans la Laterne, il avait quelque peu malmené cette chiffe de Kayser, en raison de son discours éhonté sur la législation douanière de Bismarck. Mais, dit-on à présent, le parti, c’est-à-dire la poignée de représentants du parti avait chargé Kayser de parler de la sorte ! La honte est d’autant plus grande pour ces gaillards ! Mais cela même n’est qu’une échappatoire misérable. Effectivement ils furent assez niais pour permettre à Kayser de parler pour lui et au nom de ses mandants, mais il parla au nom du parti. Quoi qu’il en soit, ils sont déjà si atteints de crétinisme parlementaire qu’ils croient être au-dessus de toute critique et foudroyent quiconque les critique comme s’il commettait un crime de lèse-majesté !(...)"
    in, Lettre de K MArx à F A Sorge 1879, "Pettis bourgeois socialistes de droite et de gauche"....

    Je ne crois pas ni ne vois où on peut lire de façon CLAIRE et indubitable, sans INTERPRETER à son tour, que pour Marx et Engels le parlementarisme bourgeois a jamais été autre chose qu’un moyen de faire sa propagande et de compter ses forces, ni ne vois comment on peut affirmer avec une telle assurance un Marx "confiant dans la démocratie parlementaire"....ou alors, il fallait poursuivre "confiant dans la démocratie parlementaire pour faire jaillir les antagonismes de classe et mettre fin à la démocratie bourgeoise" ????

    Sinon, non, je ne vois pas....

    Et ce qui m’a agacée , mais sans doute ai je mauvais esprit, sans doute suis je paranoïaque, c’est que j’y vois moi un numéro destiné à lever une nouvelle fois le drapeau du renoncement , où tout est fait plus ou moins ouvertement pour nous faire dire, "la révolution la violence révolutionnaire" ne sont pas "marxistes", "ayez confiance dans le fonctionnement normal des institutions bourgeoises" et ça je ne suis pas d’accord.

    Tu comprendras que pour moi ce numéro du Point n’est rien d’autre qu’une façon de piège tendu à l’attention d’une catégorie bien spécifique de personne (et je ne dis pas que chaque auteur publié là y participe consciemment et en ayant cette interprétation que je fais moi).

    Mais MICHEL, le jour où tu trouveras un numéro du POINT faisant REELLEMENT l’apologie d’une révolution "marxiste" (ou un patron distribuer ses bénéfices à TOUS ses salariés), je me ferais BONNE SOEUR.

    Fraternellement

    LL

    • Et on verra aussi le truc le plus drôle -.... ce numéro (dans lequel encore une fois tu as qq textes intéressants) fait totalement l’impasse sur un texte en particulier - et ça fait sourire tellement c’est grossier....

      ....LE MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE !!!

      Pscchhiitt disparu, envolé, rien du tout...

      Ce numéro spécial, il est là pour essayer de nous faire gober que Marx N’ETAIT PAS COMMUNISTE, ni surtout militant contre le capitalisme, et qu’il était "simplement "philosophe sociologue historien et économiste..

      Mais "militant communiste" à ça non alors, JAMAIS !!!

       ;-)

      LL

    • Merci ma soeur !

      Très drôle mais ...

      ...Je ne vois ni marxisme dans ce dossier du Point (je vois l’inverse à partir du moment où il essaie de faire paraître Marx pour un non -politique et surtout , un non-communiste) même si je ne suis pas spécialiste, ni patron distribuer tous ses bénéfices, donc c’ets pas encore maintenant que je prendrai le voile, désolée.

      Enfin si toi tu décides que Le point soit ton nouveau Manifeste c’est ton droit bien sûr.