Accueil > Mazen DANA

Mazen DANA

Publie le jeudi 28 août 2003 par Open-Publishing

Quelques minutes avant de tomber sous les balles américaines, le caméraman de l’agence Reuters confiait à un collègue que travailler aussi près des opérations militaires de la coalition ne lui posait pas de problème "tant qu’ils ne me tirent pas dessus."

Mazen Dana, 41 ans, a été abattu par les forces américaines dimanche alors qu’il filmait devant la prison Abou Ghraïb, contrôlée par les Américains, à la périphérie de Bagdad.

Les images filmées par le journaliste montrent un char faisant mouvement vers lui. Six tirs sont entendus. Après la première détonation, la caméra bascule en avant et tombe à terre.

"Nous étions en position depuis une demi-heure environ. (Les soldats) savaient que nous étions journalistes. Après avoir tiré sur Mazen, ils ont dirigé leurs armes vers nous. Je ne pense pas que c’était un accident. Ils sont très tendus. Ils sont fous", raconte Stéphane Breitner, un journaliste de France-2, ajoutant que les soldats avaient essayé de réanimer Dana, mais en vain.

"Ce sont de très jeunes soldats. Ils ne comprennent pas ce qui se passe", explique encore Breitner.

Dans les locaux de Reuters à Bagdad, l’atmosphère était particulièrement lourde dimanche. En signe de deuil, la caméra de Dana y était posée sur le sol, au centre de la salle de rédaction. Des journalistes de différents organismes venaient exprimer leurs condoléances.

L’armée américaine a reconnu lundi avoir abattu un journaliste de l’agence de presse britannique. "Les forces de la coalition ont pris un civil à partie dans les environs de la prison Abou Ghraïb. Cet individu s’est avéré être un journaliste. Une enquête a été ouverte", précise le communiqué.

"C’est vraiment un nouvel incendie tragique, c’est extrêmement regrettable", a pour sa part commenté le porte-parole du Commandement central américain, le sergent-chef Lewis Matson.

Le chauffeur de Dana, Munzer Ahbas, explique que le journaliste est descendu de la voiture dès qu’il a vu les chars s’approcher. Après le drame, "un des soldats nous a dit qu’ils croyaient que Mazen portait un lance-grenade", a-t-il affirmé.

Le preneur de son, Nael al-Shyoukhi, accompagnait Mazen Dana sur le terrain. Les soldats américains "nous avaient vus et savaient qui nous étions et pourquoi nous étions là (...) Je suivais Mazen. Un soldat nous a tiré dessus depuis le tank. Je me suis couché à terre puis j’ai vu Mazen crier et se tenir la poitrine (...) Il est mort sous mes yeux", raconte-t-il.

"Mazen était l’un de nos meilleurs caméramen et nous sommes tous effondrés de l’avoir perdu. Il était courageux et avait été primé pour son travail sur de nombreux champs de bataille", a déclaré Stephen Jukes, le directeur de la rédaction de Reuters.

Mazen Dana était marié et père de quatre enfants. Sa mort porte à treize le nombre de journalistes tués en Irak depuis le début des hostilités, le 20 mars 2003.
"Les mots et les images font partie du domaine public. C’est pour cette raison que je continuerai à filmer malgré la dureté de ce métier, et même si je risque ma vie", avait-il dit alors qu’il recevait le Prix international de la liberté de la presse en novembre 2001 pour sa couverture des événements dans sa ville natale de Hébron, en Cisjordanie. BAGDAD (AP)