Michael Moore : les « Etats Stupides d’Amérique »

« Mon dieu, qu’avez-vous fait ? »

Pourquoi accordez-vous tant de place dans votre film à Lila Lipscomb, cette mère du Michigan qui a toute sa famille dans l’armée ? Je pense surtout à cette longue scène dans laquelle, après avoir perdu son fils en Irak, elle se rend devant la Maison Blanche, et pleure.

Michael Moore : Parce qu’elle ressemble à beaucoup d’Américains, chrétiens, qui se considèrent conservateurs. Elle est patriote, elle accroche le drapeau devant sa maison tous les jours, et le revirement qui s’opère en elle durant le film, jusqu’à cette scène de protestation silencieuse devant la Maison Blanche, est celui que j’espère pour beaucoup d’Américains.

Vous sentez-vous patriote ?

Michael Moore : Je n’emploie pas ce mot.. J’aime les valeurs que représente l’Amérique, ces mêmes valeurs que vous aimez ici en France, la liberté d’expression, le 5e amendement. Ce qui ne veut pas dire que ces valeurs soient toujours respectées. A l’heure où nous parlons, mon film va pouvoir être vu en France, en Angleterre, au Japon, mais il n’est toujours pas certain qu’il puisse être vu aux Etats-Unis.

Le jour de la présentation de votre film à Cannes, le New-York Times publiait des chiffres qui montraient pour la première fois Bush en sérieuse difficulté (42 % des intentions de vote). Ce n’était pas le cas quand vous avez commencé ce film.

Michael Moore : C’était déjà le cas il y a cinq mois. J’ai fait une grande tournée pour la promotion de mon livre et déjà , partout, la colère montait. Les gens réalisent qu’on leur a menti, et la colère bout. J’espère qu’elle va continuer à bouillir et que mon film contribuera au débordement final.

Propos recueillis par Laurent Rigoulet