Accueil > Missak Manouchian Poète et résistant (1906 - 1944) fusillé le 21 Février 1944

Missak Manouchian Poète et résistant (1906 - 1944) fusillé le 21 Février 1944

Publie le dimanche 22 février 2004 par Open-Publishing


L’appel
aux immigrés

La
dernière lettre à sa femme

Poème
de Ruben Melik

Le
poème de Louis Aragon

Missak Manouchian a 19 ans lorsqu’il arrive en France en 1925. Il est né le ler
septembre 1906 dans une famille de paysans arméniens du petit village d’Adyaman,
en Turquie. Il a huit ans lorsque son père est tué par des militaires turcs au
cours d’un massacre . Sa mère mourra de maladie, aggravée par la famine qui frappait
la population arménienne. Les atrocités du génocide marquent Missak Manouchian
pour la vie. De nature renfermée, il deviendra encore plus taciturne ce qui le
conduira, vers l’âge de douze ou treize ans, à exprimer ses états d’âme en vers
 :

" Un charmant petit enfant
A songé toute une nuit durant
Qu’il fera à l’aube pourpre et douce
Des bouquets de roses".

Orphelin, il est recueilli par une famille Kurde puis par une institution chrétienne.
A son arrivé en France, il apprend la menuiserie, mais acceptera toutes les tâches
qu’on lui proposera. Parallèlement il fonde 2 revues littéraires, Tchank (Effort)
puis Machagouyt (Culture). Missak Manouchian fréquente les "universités ouvrières" créées
par les syndicats ouvriers (CGT), et en 1934, il adhère au Parti communiste et
intègre le groupe arménien de la MOI (Main d’Œuvre immigré). En 1937, on le trouvera
en même temps à la tête du Comité de secours à l’Arménie, et rédacteur de son
journal, Zangou (nom d’un fleuve en Arménie).
Après la défaite de 1940, il redevient ouvrier puis responsable de la section
arménienne de la MOI clandestine. En 1943, il est versé dans les FTP de la MOI
parisienne dont il prend la direction militaire en août, sous le commandement
de Joseph Epstein. Missak dirige donc ce réseau de 22 hommes et une femme. Depuis
fin 1942, ces hommes ont mené dans Paris une guérilla incessante contre les Allemands
 : ils ont réalisé en moyenne une opération armée tous les deux jours : attentats,
sabotages, déraillements de trains, pose de bombes. Leur grand coup d’éclat a
lieu le 28 septembre 1943 lorsqu’ils abattent Julius Ritter, responsable du S.T.O.
en France et général S.S.

Le 16 novembre 1943 Missak Manouchian doit rencontrer Joseph Epstein sur les
berges de la Seine à Evry. il ignore qu’il est suivi depuis son domicile parisien
lorsqu’ils sont arrétés sur la rive gauche par des policiers français en civils.
en fait ce sont toutes les unités combattantes de la MOI parisienne qui seront
démantelées ce jour là ou les jours suivants. S’agit-il d’un travail de police
bien mené ou d’une dénonciation ?.... Certains historiens pensent que les circonstances
dans lesquelles eut lieu l’arrestation du groupe Manouchian demeurent obscures
et relèvent de la dénonciation. Il semblerait que le groupe ait été utilisé dans
des actions trop périlleuses pour ses moyens et qu’il n’ait pas été suffisamment
prévenu par la direction de la Résistance communiste des risques qu’il encourait.
Les Allemands donnent une publicité inhabituelle à leur procès. La presse est
invitée : une trentaine de journaux français et étrangers sont représentés. Les
services de la propagande allemande envoient une équipe cinématographique. C’est
un procès de 3 jours à grand spectacle. Son but est évident, le président de
la cour martiale le précise : il faut " faire savoir à l’opinion française à quel
point leur patrie est en danger ". Pensez-vous, des étrangers.... De fait, le
groupe est essentiellement composé d’étrangers : huit Polonais, cinq Italiens,
trois Hongrois, deux Arméniens, un Espagnol, une Roumaine et trois Français seulement.
Parmi eux, neuf sont juifs et tous sont communistes ou proches du P.C. Leur chef
est l’Arménien Missak Manouchian.

Dans
le même temps les murs de France se couvrent d’une affiche les désignant comme
des criminels : l’Affiche Rouge. La propagande allemande veut montrer que ces
hommes ne sont pas des libérateurs mais des criminels, des terroristes, des droits
communs. Les auteurs de l’affiche ont essayé de réaliser une composition apte à marquer
les esprits :

1 / Le choix de la couleur : le rouge, couleur du sang, le sang
des meurtres
perpétrés par " l’armée du crime ".

2 / En haut de l’affiche, une question : " Des libérateurs ? ".
En bas, la réponse : Non, ce sont des criminels. Et entre les deux, des preuves
(caches d’armes,
sabotages, morts et blessés).

3 / Sous le mot de libérateur , telle une légende, les dix visages
mals rasés
présentés dans des médaillons cerclés de noir et répartis symétriquement. Sous
chacun de ces visages, un nom à consonnance étrangère, et juif pour sept d’entre
eux. Bien entendu, aucun des Français du groupe n’y figure. Missak Manouchian
y est qualifié de " chef de bande ". Ce n’est pas un résistant, ce n’est pas
un libérateur, mais un criminel de droit commun.

Les 10 médaillons s’intègrent à une flèche dont Manouchiant forme la pointe et
qui met le focus sur les "crimes" Lorsque l’affiche rouge est diffusée sous forme
de tracts, c’est pour rajouter au verso le commentaire suivant : " Si des Français
volent, sabotent et tuent, ce sont toujours des étrangers qui les commandent
 ; ce sont toujours des chômeurs et des criminels professionnels qui exécutent
 ; ce sont toujours des Juifs qui les inspirent. "

Les Allemands et Vichy ont voulu transformer ce procès en propagande contre la
Résistance. Ils veulent montrer que la Résistance n’est que du banditisme et
un complot étranger contre la France et les Français. Ils misent sur la xénophobie,
l’antisémitisme et l’anticommunisme supposés de l’opinion publique. La radio
et les journaux de Vichy reprennent le thème du " judéo- bolchevisme, agent du
banditisme ". Il s’agit de déstabiliser la Résistance à un moment où elle est
organisée et pose des problèmes de plus en plus importants aux forces de répression.
Missak Manouchian tombera au Mont-Valérien, avec vingt-et-un de ses camarades,
sous les balles de l’ennemi, le 21 février 1944. La femme fut décapitée à Stuttgart
ultérieurement. Joseph Epstein et vingt-huit autres partisans français seront
fusillés le 11 avril 1944.

En savoir plus :

Henri
Noguères, Histoire de la Résistance en France, de 1940 à 1945, Paris, R. Laffont,
1967-1981, 5 vol., t. 4, pp. 373-375.
Jacques
Ravine, La Résistance organisée des Juifs en France, 1940-1944, préf. de Vladimir
Pozner, Paris, Julliard, 1973, 316 p.
Philippe
Garnier Raymond, L’Affiche rouge, Paris, Arthème Fayard, 1975.

Photo : Archive de la Mairie de Lyon

http://www.netarmenie.com/histoire/dossiers/missak/index.php

21.02.2004
Collectif Bellaciao