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Mort au travail ou par le travail ?

Publie le samedi 19 août 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

de Paule Masson

Patrick Darcy est mort au travail à quarante-quatre ans. Le travail l’a-t-il tué ? La police conclut à une « mort naturelle ». Arcelor, le donneur d’ordre, ne souhaite pas s’exprimer sur l’accident, se dédouanant à bon compte sur le dos de son sous-traitant. Le sous-traitant, la Semib, falsifie les horaires de son salarié pour ne pas être accusé de l’avoir tué à la tâche. Tout est étouffé, comme toujours lorsqu’il s’agit de révéler des faits terriblement accusateurs de la dégradation des conditions de travail. Pourtant, n’est-il pas justifié de se demander si cet intérimaire est mort par le travail ? Cela suppose de dérouler la pelote de tout un système, qui, depuis les années quatre-vingt, fait du travail non plus un objet de reconnaissance sociale mais une variable d’ajustement de la rentabilité du capital. Désincarné, déshumanisé, il n’est plus évoqué que comme un coût à réduire au nom de la compétitivité. Le monde de l’entreprise tourne à l’envers. Les objectifs de production sont déterminés en fonction des exigences de rendement des actionnaires et non des besoins. L’inverse devrait pourtant prévaloir.

Arcelor ne peut pas s’en tirer à si bon compte. Pour tirer les coûts, le géant sidérurgiste externalise à tour de bras. Le site de Dunkerque compte à lui seul plus de 100 sous-traitants, qui eux-mêmes rognent sur les prix de leurs prestations pour décrocher les marchés.

En haut de la pyramide, Arcelor multiplie les cadeaux à ses actionnaires pour, dans un premier temps, les dissuader d’accepter l’OPA hostile de Mittal et ensuite les encourager à abdiquer devant l’autre multinationale de l’acier. À l’autre bout de la chaîne triment ceux qui se tuent à la tâche et paient la note, flexibles, intérimaires, précaires. Sa dimension d’émancipation s’atténue : le travail est en train de devenir un calvaire.

La mondialisation de l’économie se traduit par une intensification des tâches qui touche tous les secteurs, y compris publics, et toutes les catégories de salariés, y compris les cadres. Dans l’entreprise, la chasse aux temps improductifs est ouverte, boire quand il fait chaud par exemple. Tout ce qui ne rapporte pas n’existe pas. Aux yeux des actionnaires, le collectif de travail est transparent. Le salarié moderne se doit d’être employable, disponible, apte aux changements, mobile, si possible formé par ses propres soins et non rémunéré en conséquence. L’entreprise n’existe plus qu’à travers ses performances financières ou, quand elle est cotée, boursières.

Toutes les réformes de la droite cherchent à adapter la législation française à ce monde-là. Les attaques incessantes contre le Code du travail visent à déplacer les risques de la collectivité sur l’individu. Les entreprises sont encouragées à se désintéresser de l’intégrité physique et mentale de leurs salariés. Les chômeurs sont sommés d’améliorer leur « employabilité » pour occuper les « emplois disponibles », en général dans des branches à métiers durs. Le gouvernement Villepin se targue de faire baisser les chiffres du chômage. Il se félicite des « bons chiffres de l’emploi » mais se garde bien d’évoquer la douloureuse problématique du contenu du travail. Aujourd’hui, toutes les formations politiques se fixent l’objectif du retour au plein-emploi. Mais quel type d’emplois, à quelles fins, pour quel épanouissement humain ? Là sont les différences...

http://www.humanite.fr/journal/2006-08-17/2006-08-17-835062

Messages

  • Tout à fait d’accord

     Arcelor Dunkerque est directement responsable de la mort de patrick Darcy. Même si comme d’habitude c’est la sous traitance qui a pour charge de faire le sale boulot.

     D’ailleurs, à Dunkerque, avant que ça ne s’appelle Arcelor, à "USINOR", l’usine détenait déjà le triste et abominable record des morts au travail.

     Et, comme par hasard, c’étaient presque toujours des intérimaires, des gars des boites de sous-traitance, pressurés, avec des conditions de travail démentes.

     On ne peut plus tolérer de tels agissements.

     Il est du devoir de tous de résister collectivement pour que le "travail" ne devienne pas ce qu’il est redevenu à grande vitesse ces dernières décennies, un lieu de souffrance...et parfois de mort !

    Bastien

  • UNE MORT NATURELLE !!!

    Cela me rappelle l’affaire Lucet... Vous vous souvenez, celui qui s’était suicidé de 2 balles dans la nuque... Une mort naturelle, quoi !

    Mort au travail, mort du travail.
    Les experts "sémanticiens" vont tout faire pour exonérer le patron de ses responsabilités, comme d’habitude. La réalité n’en demeurera pas moins.
    C’est comme les travailleurs pauvres...
    Dans ce règne où le travail ne libère pas mais aliène, on perd tous notre vie à essayer de la gagner.
    Certains de façon plus éclatante, plus caricaturale que d’autres.

    "Mais çà branle dans le manche,
    Ces mauvais jours là finiront...
    Et gare à la revanche
    Quand tous les pauvres s’y mettront"...

    NOSE

    • Dans son rapport annuel 2005, la direction d’Arcelor indique un taux de fréquence des accidents de 2,4 (nombre d’accidents par million d’heures travaillées) pour les salariés directs, et de 5,9 pour les sous-traitants. Ces taux seraient en baisse de 35% par rapport à 2004 pour le premier et 21% pour le second.

      De l’aveu même de la direction, il est donc près de 2,5 fois plus dangereux de travailler à Arcelor en tant que sous-traitant qu’en tant que salarié Arcelor. C’est vrai qu’il n’y a guère d’employés et encore moins de directeurs sous-traitants, professions moins exposées aux risques. Mais c’est surtout parce que les travaux les plus pénibles et les plus dangereux sont sous-traités, et souvent imposés par les sous-traitants à des intérimaires peu formés et peu informés des risques. Le cas du salarié de la Semib mort au travail en pleine canicule est là pour le rappeler.

      Les accidents mortels qui ont frappé les salariés Arcelor pouvaient paraître en baisse : 11 en 2002, 5 en 2003, 5 en 2004. Mais pour les sous-traitants ce n’est pas vraiment le cas : 13 en 2002, 6 en 2003, 10 en 2004. Ce qui faisait un total de 24 en 2002, 11 en 2003 et 15 en 2004.

      Dans son rapport pour 2005, la direction donne seulement « le nombre d’accidents mortels dus à nos risques spécifiques (employés et sous-traitants) » : ce nombre serait de 4 en 2002, 0 en 2003, 6 en 2004 et 0 en 2005. Ces « risques spécifiques » sont une astuce de la direction, qui exclut de la statistique un certain nombre d’accidents, dont sans doute les accidents de trajet, sans d’ailleurs que l’on connaisse le détail de cette sélection. Toujours est-il que cela permet de réduire fortement le nombre d’accidents mortels dans les statistiques et correspond sans doute à l’objectif « Atteinte du zéro accident à terme » défendu par la direction depuis des années. Mais dans les ateliers, cela ne fait pas revivre les morts non comptabilisés.

      Claude THIÉRAM

  • je voulais svoire si le pourcentage de mort ort le trvaille ou pour le travaille et élevé et si oui qu elle sont lé prosédure a suivre pour attaqué le patron merci d avance