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Ne plus se faire insulter sur Internet, comment faire…

Publie le mercredi 18 mars 2009 par Open-Publishing
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Le maire de Lorient, Norbert Métairie, a déposé plainte la semaine dernière, pour « incitation publique à la haine et à la violence » à la suite de propos particulièrement virulents à l’égard des habitants de Lorient, publiés sur un groupe Facebook. Cette semaine, c’est Eric Raoult qui demandait la fermeture d’un groupe Facebook qui réclamait son « immolation ». La secrétaire d’Etat à la famille, Nadine Morano, a pour sa part déposé plainte à la suite de la publication de propos injurieux à son encontre sur le site Dailymotion

Ces trois affaires illustrent la diversité de situations que l’on peut rencontrer en matière de propos délictueux publiés sur Internet et nous interrogent non seulement sur les réponses juridiques qu’il est possible d’y apporter mais aussi sur les raisons qui peuvent inciter une personne à choisir l’une ou l’autre de ces ripostes.

Schématiquement, face à la publication d’un contenu illicite, les plaignants peuvent adopter deux attitudes :

 une attitude de protection, qui consiste simplement à faire supprimer les contenus, sans forcément chercher à connaître leur auteur ou à demander une quelconque sanction ;

 une attitude offensive, qui consiste à déposer plainte pour obtenir la sanction du responsable de la publication des propos (qu’il s’agisse de l’auteur ou du site sur lesquels ils sont publiés).

Bien entendu, il peut être tout à fait envisageable – voire même logique ! - d’adopter ces deux attitudes en même temps !

Et le choix de l’une ou l’autre de ces options par le plaignant est souvent significatif de ses motivations pour agir.

La protection de ses droits, une stratégie qui marche quasiment à tous les coups.

L’attitude de protection, qui consiste à demander à l’amiable au site qui publie des propos offensants de les retirer, est celle notamment adoptée par Eric Raoult. Elle vise à faire supprimer des contenus sans nécessairement chercher à aller plus loin.

Qu’il s’agisse de sites français ou étrangers, communautaires ou non, cette stratégie fonctionne généralement assez bien.

En effet, s’agissant des sites français, ces derniers ont l’obligation de retirer les contenus illicites qu’on leur signale et ce, quelque soit leur statut d’éditeur ou d’hébergeur.

S’agissant des sites étrangers, comme Facebook, ils ne sont pas soumis à la règlementation française et n’ont, à ce titre, pas d’obligation de retirer les contenus contraires à la loi française. Toutefois, la grande majorité de ces sites ont des conditions d’utilisation qui interdisent à leurs utilisateurs de publier certains contenus, tels que des contenus injurieux, diffamatoires ou portant atteinte aux droits de tiers.

Dès lors, quand bien même le site est étranger, il est possible de faire retirer des contenus injurieux en mettant en avant le fait que ces contenus sont contraires aux propres conditions d’utilisation du site…

Cette stratégie marche quasiment à tous les coups pour des propos injurieux ou diffamatoires et présente l’avantage d’être simple et efficace. Seul inconvénient, l’auteur de l’atteinte reste anonyme et impuni, tout comme le site qui a publié ces propos… C’est pourquoi certaines personnes préfèrent adopter une attitude plus offensive, visant à obtenir l’identification et la sanction du responsable.

L’attaque, une solution plus hasardeuse…

L’attitude offensive, choisie par Madame Morano ou par le maire de Lorient, consiste à déposer une plainte, voire à attaquer le site directement en justice. Mais le succès de cette action va dépendre de plusieurs facteurs :

- qui vise t-on ?
- où se trouve localisé le site ?
- quel est le statut juridique du site ?

* Attaquer l’auteur des propos ? Encore faut-il savoir de qui il s’agit…

Si l’on vise l’auteur des propos publiés et qu’il est identifiable, il n’y a pas de grande difficulté : même si les propos sont publiés sur un site étranger comme Facebook, rien ne s’opposera théoriquement à des poursuites en France contre cette personne.

La situation se complique si l’auteur est anonyme puisque dans ce cas, les enquêteurs ou le plaignant doivent pouvoir disposer de l’adresse IP de l’auteur des propos, ce qui s’avèrera quasiment impossible lorsque le site est étranger… En revanche, si le site est français, il ne sera pas trop difficile de disposer de l’adresse IP de l’auteur des propos : il suffira de la demander au site concerné en suivant une procédure particulière. Reste alors pour le plaignant à espérer que cette adresse ne soit pas celle d’un cybercafé ou d’une borne wifi publique !

* Attaquer directement le site ? Une perspective assez théorique…

Si l’on souhaite carrément attaquer le site sur lequel sont publiés les propos, de nouvelles difficultés se dressent sur la route du plaignant.

Si le site est étranger, il est nécessaire d’utiliser les procédures civiles du pays dans lequel se trouve le site, ce qui peut s’avérer extrêmement compliqué et onéreux. Il est certes possible de déposer une plainte pénale en France contre un site étranger, mais les chances de la voir aboutir semblent vraiment infimes, surtout pour des faits d’une assez faible gravité…

Si le site est français, tout dépendra de son statut juridique : s’il est qualifiable d’éditeur, alors il sera tout à fait envisageable de l’attaquer. S’il est qualifiable d’hébergeur, l’attaque sera opportune à la seule condition que les contenus illicites lui aient été préalablement notifiés et qu’il ait refusé de les retirer. Et au vu de la jurisprudence actuelle dans ce domaine, il n’est vraiment pas évident de déterminer de façon certaine si un site communautaire a le statut d’hébergeur ou d’éditeur !

Conclusion : tout dépend de ce qu’on l’on souhaite réellement…

Attaquer directement un site pour des propos publiés par ses utilisateurs relève donc du parcours du combattant, avec beaucoup de « si » et d’incertitudes.

Quand l’auteur est identifiable, il peut donc sembler préférable de s’attaquer à lui directement.

Et s’il ne l’est pas, la solution la plus simple serait de se contenter de faire supprimer les propos litigieux, à l’amiable.

Bien évidemment, tout dépend ensuite des motivations du plaignant.

L’on peut imaginer que, s’agissant de Madame Morano, sa démarche ne soit pas uniquement motivée par le désir de faire cesser le trouble la concernant mais aussi par le souhait de faire passer un message politique.

La secrétaire d’Etat à la Famille ne s’en cache d’ailleurs pas, puisqu’elle a déclaré à L’Express : « Un site comme Dailymotion qui se fait beaucoup d’argent sur notre dos ne peut pas laisser insulter un ministre de la République sans réagir. Ils ont des modérateurs, qu’ils fassent leur boulot ! Et s’il faut renforcer la loi, je m’y emploierai. La liberté d’expression n’est pas la liberté d’insulter. »

De même la démarche du maire de Lorient s’inscrit dans ses fonctions politiques et par le souhait de protéger l’image de se ville et de ses habitants.

Il est dans ces cas peut-être plus opportun d’adopter une attitude offensive pour faire porter haut et fort son message, et quand bien même l’issue de la procédure est incertain.

A contrario, la démarche d’Eric Raoult est celle qui semble la plus personnelle et la plus pragmatique ; c’est d’ailleurs le seul qui ait choisi la voie amiable et le seul qui ait eu gain de cause !

La procédure utilisée par une personne publique face à une atteinte sur Internet semble ainsi assez révélatrice de l’effet qu’elle cherche à obtenir. Passées les contraintes juridiques, le choix d’une action est donc une décision éminemment stratégique et politique. Pour un particulier, la situation peut s’avérer assez différente et le choix le plus pragmatique sera certainement le plus pertinent.

Vincent Dufief, avocat.

 http://loi.blogs.liberation.fr/dufi...

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