Accueil > Nestlé filialise Perrier et évoque une cession

Nestlé filialise Perrier et évoque une cession

Publie le mercredi 15 septembre 2004 par Open-Publishing

de Anne Devailly

Le groupe Nestlé Waters France a annoncé mercredi lors d’un comité central d’entreprise extraordinaire à son siège d’Issy-les-Moulineaux le principe de la filialisation de tous ses établissements industriels ainsi que du siège social, étape préalable à une éventuelle vente d’un site. Tous les regards se tournent désormais vers Perrier, la direction ayant évoqué une cession de l’activité.

Du côté des salariés, c’est l’inquiétude.

Le groupe possède quatre usines en France (Contrex et Vittel dans les Vosges, Quézac en Lozère et Perrier à Vergèze dans le Gard), mais les décisions étaient surtout attendue par les salariés de Vergèze, en conflit avec la direction depuis neuf mois. La direction n’avait pas caché qu’elle était dans une impasse, depuis que la CGT (majoritaire sur le site, à plus de 80%), FO et la CFTC avaient rejeté l’accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences.

La direction proposait le départ de 1.047 personnes sur l’ensemble du groupe, dont 356 à Vergèze, avec en contrepartie 276 embauches négociées. Tous les départs se seraient faits sur la base du volontariat et l’accord ne comprenait aucun licenciement sec. Les deux parties n’ont pas pu trouver d’entente sur le nombre d’embauches négociées.

Avec 1.650 salariés, auquel il faut ajouter 520 salariés dans la verrerie liée au site, Perrier est le principal employeur privé du Languedoc. Nestlé a racheté le site en 1992, soit trois ans après l’affaire du benzène : on avait alors trouvé des traces microscopiques de benzène dans des bouteilles de Perrier aux Etats-Unis. La chose n’a jamais été prouvée, mais par mesure de sécurité, Perrier avait organisé le rappel de 280 millions de bouteilles.

Malgré cela, la confiance fut atteinte. La production chuta alors terriblement, passant d’un milliard de bouteilles produites en 1989 à 650 millions en 1990. Depuis, l’entreprise a bien remonté la pente et la production actuelle est de 830 millions de bouteilles avec, qui plus est, des lancements de nouveaux produits réussis : Perrier Fluo (boisson pétillante aromatisée, faiblement sucrée) et l’Eau de Perrier (moins gazeuse que l’originelle) ont trouvé leurs publics.

Malgré cette remontée, la direction de Nestlé a toujours affirmé que la rentabilité du site était nettement inférieure aux rentabilités de ses autres sites, qu’ils soient en France ou dans d’autres pays et que, dans ces conditions, les investissements sur le site de Vergèze étaient évidemment hypothétiques. En mars dernier, Peter Brabeck-Lethmathe, le patron du géant suisse de l’agroalimentaire, avait déjà menacé de vendre Perrier.

Bernard Marcy (CGC) pense que le désengagement a déjà commencé. « Le groupe Nestlé a sorti dernièrement une eau minérale appelée Aquarelle. Il était question de la décliner en une version gazeuse. Cela aurait pu se faire à Vergèze, mais cela va sans doute se faire sur le site italien de San Pellegrino ». La CGT, qui s’est refusée à tout commentaire dans l’immédiat, réunira ses membres de Vergèze jeudi à 9h.

La direction parle d’un « principe de filialisation », mais selon des syndicalistes présents à la réunion, elle a bien précisé que la procédure juridique n’était pas encore entamée. Pour filialiser ses sites, la direction devra alors en informer le CCE et consulter les salariés. Selon Bernard Marcy, « la direction veut encore donner un peu de temps à la CGT avant d’entamer les procédures ».

Le prochain CCE est prévu à l’automne. Plusieurs noms circulent déjà parmi les syndicats et dans la presse concernant les repreneurs éventuels du site : quelques concurrents ou entreprises déjà sur ce créneau (Coca-Cola, Carrefour, etc.) mais également des banques ou des fonds de pension, hypothèses qui inquiètent davantage les salariés. La vente pourrait intervenir, selon les syndicats, début 2005.

Pour l’heure, Nestlé n’a pas annoncé clairement son intention concernant la marque « Perrier ». Juridiquement en effet, le groupe peut produire du Perrier où bon lui semble. L’un des scénarii possibles serait donc la vente du site d’embouteillage de Vergèze, Nestlé Waters France gardant cependant la marque qu’elle irait produire ailleurs.

A Vergèze, où la source a été exploitée pour la première fois en 1863, il n’y a pas que les salariés de l’embouteillage qui attendent de voir ce qui va se passer. Deux autres structures sont inquiètes. D’une part, la Verrerie du Languedoc, dont le sort est donc intimement lié à celui du site d’embouteillage. D’autre part, la commune de Vergèze. Ce village de 3.600 habitants a de quoi s’inquiéter : les taxes apportées par Perrier constituent les deux tiers du budget communal. (AP)

http://permanent.nouvelobs.com/societe/20040915.FAP9799.html?1516