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Nous, lesbiennes, gays, trans et bisexuels, aspirant à une Europe solidaire, rejetons ce traité

Publie le jeudi 26 mai 2005 par Open-Publishing

Warning est une communauté de pédé qui n’aime pas le sida

Les « associations homosexuelles », par les voix de l’ILGA* et de
l’inter-LGBT*, seraient pour l’adoption du "traité établissant une
constitution pour l’Europe". Pourtant, nous, lesbiennes, gays, trans et bisexuels, aspirant à une Europe solidaire, rejetons ce traité.

Comment pouvons-nous accepter un tel texte quand nous savons que les
malades du sida comptent parmi les oubliés de ce traité inscrivant le
dogme ultralibéral et sécuritaire comme fondement constitutif de
l’Europe. Le droit à la liberté et la sûreté est assorti d’une
exception, selon les voies légales, s’il s’agit de détention
régulière d’une personne susceptible de propager une maladie
contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un
vagabond. (Partie II art. 66 et acte final - art. 6 ). Alors qu’en
France, il n’existe pas de loi pénalisant la transmission du VIH,
c’est là, non seulement la confirmation des politiques
discriminatoires qui sévissent dans plusieurs pays européens, mais
également une véritable invitation à la pénalisation de personnes
séropositives.

Cet exemple montre qu’avec ce traité, les Etats membres peuvent
concevoir leur réglementation avec une obsession de la sécurité, y
compris sanitaire, pouvant aller jusqu’à l’enfermement des populations
les plus précaires.

Protection sociale et santé : un traité sans contrainte et sans
engagement formel de l’Union

C’est dans la partie III, à l’article 278 qu’est traité le domaine de
la santé publique. La norme européenne affiche une perspective
ambitieuse : un niveau élevé de protection de la santé est assuré dans
la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions
de l’Union.

Mais avec des compétences partagées, les politiques dans ce domaine
restent sous la responsabilité des États membres qui coopèrent, se
coordonnent et favorisent la coopération avec les pays tiers et les
organisations internationales compétentes... Comme la constitution
n’impose pas d’harmonisation des politiques sociales au plus haut
niveau existant de protection dans l’Union européenne, c’est le
dumping social, tourné vers l’alignement de tous les pays de l’UE sur
le moins disant en matière de protection qui l’emportera.

Avec cette constitution, l’Union n’engage pas collectivement les États
dans la prise en charge des pathologies lourdes. Au contraire, ce sera
le recours à des assurances privées, à la médecine à plusieurs
vitesses et à la paupérisation accélérée des malades.

Lutte contre les discriminations : se contenter d’un souhait ?

Pire, cette constitution n’est pas contraignante en ce qui concerne la
lutte contre les discriminations dont celles fondées sur l’orientation
sexuelle.

Le texte prévoit qu’une loi ou une loi cadre du conseil des ministres
peut établir les mesures nécessaires pour combattre toute
discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la
religion ou les convictions, un handicap ou l’orientation sexuelle
(art. 124-partie III). Le peut renforce le caractère aléatoire de la
préconisation et le Conseil des ministres doit statuer à l’unanimité
après approbation du Parlement européen. De plus, les droits afférents
ne relèvent pas des compétences exclusives de l’Union.

Pour ceux qui n’ont pas encore compris, une annexe de l’acte final est
très claire. Elle explicite l’article 81 sur la non-discrimination de
la partie. Celui-ci ne confère aucune compétence pour adopter des
lois antidiscrimination dans ces domaines de l’action des États
membres ou des particuliers. En fait, il ne concerne que les
discriminations qui sont le fait des institutions et organes de
l’Union (...), et des États membres, uniquement lorsqu’ils mettent en
œuvre le droit de l’Union. (annexe 12 de l’acte final, art. 21).

Cerise sur le gâteau, ceux qui espèrent obtenir par la constitution
une possibilité de faire avancer l’accès au mariage pour les gays et
lesbiennes resteront sur leur faim : le droit de se marier est
strictement encadré puisque l’article afférent n’interdit ni n’impose
l’octroi du statut de mariage à des unions entre personnes du même
sexe (art. 69 partie II et art. II-9 de l’annexe 12, Acte final).

Est-ce là l’avancée qui justifie l’engagement pour le « oui » de
quelques agitateurs LGBT ? Qui soit dit en passant acceptent aussi que
les droits de l’Homme ne soient pas un domaine de compétence de
l’Union européenne, ni exclusive, ni partagée !

Pour les rédacteurs du traité, laïcité et fraternité ne sont pas des
valeurs...

Comment peut-on accepter le déni de laïcité ? Et l’invitation faite
aux États membres au « respect du statut des organisations
philosophiques et non confessionnelles » et au maintien d’« un
dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et
organisations », alors que les rédacteurs ont (sciemment ?) omis la
référence à la libre disposition de son corps, le droit au divorce, à
l’avortement, les droits des transgenres ? Ce projet de constitution
répond aux sirènes les plus réactionnaires, celles des lobbies
religieux et aux groupes opposés aux droits des femmes et des
minorités sexuelles.

... et l’UE ne garantit pas l’égalité d’accès aux droits !

Le traité n’engage pas les États membres dans une responsabilité
collective mais plutôt renvoie les citoyennes et citoyens à
l’individualisme. Le droit au travail, institué dans la constitution
française, devient dans le traité « le droit à travailler » et « la
liberté de chercher un emploi » ! Celui au logement à une « aide au
logement » ! Ce texte est inspiré de la logique de l’assistanat et de
la culpabilité individuelle, et le terme de fraternité n’y est pas
inscrit une seule fois !

Ce texte ne peut être accepté par toutes celles et ceux qui, depuis
vingt ans, en France et en Europe, s’engagent dans la lutte contre les
discriminations. Ce texte ne peut être accepté par toutes celles et
ceux qui s’organisent en associations, en réseaux, et dont le modèle
d’engagement civique et social n’est pas reconnu pendant que les
sectes et l’Opus Dei pourront prétendre au dialogue avec les
institutions politiques. Cette constitution ne reconnaît pas
l’évolution sociale et culturelle de l’Europe marquée par la lutte
pour les droits des femmes et qui continue toujours avec l’émergence
de l’homoparentalité, de dynamiques d’auto-support, de vigilance
citoyenne, d’échange des savoirs et de mixité sociale.

Rejeter ce texte, qui n’a de constitutionnel que le nom, qui fonde
l’Europe sur un modèle rétrograde et non durable, qui conforte
l’émergence des intégrismes moraux, c’est refuser la fatalité d’une
Europe réactionnaire et ultralibérale ! Nous ne sommes pas contre une
constitution européenne. Nous sommes pour l’Europe de la répartition
des richesses et de l’égalité d’accès aux droits, pour une Europe
clairement démocratique, de solidarités effectives et de
responsabilité collective.

C’est pourquoi, nous, LGTB, voterons NON le 29 mai 2005 et sommes
disposés à contribuer à l’élaboration d’un traité alternatif et
contraignant, qui garantit la démocratie, les libertés et les droits
fondamentaux pour toutes et tous et ouvre la voie à un Monde
solidaire.

* ILGA : International Lebian & Gay Association ; Inter-LGBT :
collectif d’associations lesbiennes, gays, bissexuel(le)s et
transgenres. cf Libération du 28 mars

http://www.thewarning.info/