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Nouveaux chefs d’Etat décomplexés. Danger !
CLAUDE MONNIER | 11 Décembre 2007 | 00h00
Nous assistons, me semble-t-il, au surgissement, ici et là, de chefs politiques d’une nouvelle variété : vigousses, parlant plus vite que leur ombre, assez imprudents, mais historiquement utiles, parce que déterminés à rompre avec un passé arrivé à bout de souffle, si j’ose dire.
Je pense à Nicolas Sarkozy, à Tony Blair lorsqu’il était encore premier ministre, à Vladimir Poutine, à Hugo Chavez, à Mahmoud Ahmadinejad, et je me demande même si l’on ne devrait pas inclure dans cette liste George W. Bush. A ces personnalités d’idéologies souvent ennemies , j’oppose les leaders plus ternes et ancrés dans le passé qui, aujourd’hui encore, dirigent la plupart des Etats du monde.
Si cette impression tient la route, ce dont le lecteur reste juge, deux questions se posent.
Première question : pourquoi aujourd’hui, cette floraison ? Cela est sans doute lié à la désorganisation du monde depuis la fin du duumvirat américano-soviétique. Les décennies de guerre froide ont été une époque d’ordre tendu, dangereux, souvent insupportable mais d’ordre. Le monde était alors divisé en deux blocs à l’intérieur desquels les chefs d’Etats, surveillés de près par leur supergrand de tutelle, jouaient le rôle de superpréfets, privés de la possibilité de rien entreprendre d’inattendu, de pétillant et, a fortiori, de vraiment neuf. En revanche, aujourd’hui, dans un monde frappé d’anarchie, chaque pays, chaque chef d’Etat, peut prendre le risque de jouer une partition originale. Pas surprenant dès lors qu’au hasard des échéances électorales, surgissent, ici ou là, des leaders un peu plus déjantés, prêts à risquer le changement, à indisposer, à provoquer, cela dans l’intérêt supérieur, jugent-ils, de l’Etat dont ils ont la charge.
Seconde question : si cette floraison de leaders décomplexés est réelle, quels effets pourrait-elle avoir ? Les nouveaux chefs, par leurs comportements inattendus, parfois intempestifs, s’adaptent en somme à un monde devenu chaotique, en tirent profit, et garantissent ainsi à leurs pays respectifs une sorte de stabilité. Dans un trafic routier complètement fou, vous et moi ne serions-nous pas rassurés si, au volant de notre voiture, se trouvait un conducteur lui-même hardi, voire légèrement tête brûlée ? C’est sans doute la raison pour laquelle la majorité des Russes semble faire confiance à Vladimir Poutine, quand bien même les récentes élections semblent avoir été un peu trafiquées ; pour laquelle Hugo Chavez rassure encore près de la moitié des Vénézuéliens, même s’il a perdu son pari d’établir une dictature constitutionnelle ; pour laquelle Nicolas Sarkozy obtient encore près de 50% de confiance dans les sondages, malgré son activisme haletant 24/24. Mahmoud Ahmadinejad, quant à lui, a réussi à réinstaller l’Iran sur la carte du monde, même s’il est détesté par beaucoup de ses concitoyens. George W. Bush, en revanche, semble être arrivé, lui, à un point de renversement où sa folle politique étrangère, ayant cessé de stupéfier les Américains et le monde, ne fait plus que les exaspérer.
Au vrai, ces leaders nouveau style, parce qu’ils prennent beaucoup plus de risques que leurs prédécesseurs, risquent par définition, un jour ou l’autre, d’exploser en vol.