Accueil > « On n’est plus clochard par choix »

« On n’est plus clochard par choix »

Publie le mardi 24 janvier 2006 par Open-Publishing

Portrait de Jacob, quarante-sept ans, à la rue depuis deux ans.

Face à l’opéra Bastille, Jacob applaudit les interventions de Médecins du monde qui distribuaient symboliquement, hier, une toile de tente aux personnes qui vivent dans la rue. « C’est bien, ce qu’ils font. C’est fini l’époque de Boudu où on était clochard par choix », souligne cet homme de quarante-sept ans, sa tente sous le bras. Depuis plus de deux ans, il a rejoint ceux que l’on nomme si froidement des SDF. « Si on m’avait dit que je finirais un jour dans la rue, j’aurais éclaté de rire », raconte-t-il, sans vouloir s’étendre sur les raisons qui l’ont jeté dehors. « C’est compliqué et cela prendrait des heures de tout expliquer », confie-t-il simplement.

Sur les dispositifs d’aide aux sans-abri, Jacob, qui ne fréquente désormais que rarement les centres d’hébergement d’urgence, est plus disert. « J’y ai dormi avec des rats. Là où je vais, c’est plus propre. Quand une porte d’immeuble est entrouverte, je m’installe dans l’entrée. Quand les gens voient que j’ai un cendrier sur moi, ils sont surpris. Mais, je ne suis pas là pour dégueulasser leur immeuble », explique-t-il sans aigreur. Jacob est surtout fatigué par le cercle vicieux de l’exclusion : « Si vous dites à votre employeur que vous vivez en centre d’hébergement, il va s’imaginer que vous arriverez en retard ou saoul au travail », soupire-t-il, tout en s’étonnant de la solidarité si souvent rencontrée sur son chemin. « On dit que les gens sont égoïstes, mais on ne voit pas tous les petits gestes. Quand une vieille dame de quatre-vingt-dix ans s’excuse de me donner si peu alors qu’elle ne touche qu’une petite pension, c’est moi qui suis gêné », avoue-t-il.

En 2003, Jacob a perdu un compagnon de route, un Écossais, mort de froid. Aujourd’hui, pour éviter de se laisser surprendre par la température, Jacob et son ami dorment à tour de rôle, une heure ou deux. Mais le changement de saison ne change rien aux difficultés, bien au contraire. « L’été, on n’a plus le droit de se laver ou de manger, tout est fermé. Même en septembre, on n’arrive pas à trouver un duvet. Il ne fait soi-disant pas assez froid », déplore-t-il. Pour s’alimenter, Jacob fait comme il peut : « Ils sont gentils aux Restos du coeur, mais ils font avec ce qu’ils ont. Alors, de temps en temps, je bois un Yop, parce que je manque de calcium. Et je mange des fruits aussi. » Quoi qu’il arrive, Jacob garde espoir : « J’en ai connu qui s’en sont sortis », se rassure-t-il.

L. T.

 http://www.humanite.presse.fr/journ...