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POUR UN DROIT OUVRIER, LA CGT CONTRE LA RECODIFICATION

Publie le mardi 27 novembre 2007 par Open-Publishing
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Tract de Mai 2007, d’actualité !

POUR UN DROIT OUVRIER, LA CGT CONTRE LA RECODIFICATION :
LES FAITS :

Le droit du travail est l’ensemble des règles qui régissent :

1. l’exploitation du travail humain en régime capitaliste,

2. les instruments de la lutte ouvrière contre cette exploitation,

3. les résultats de cette lutte c’est-à-dire les modifications incessantes subies par le régime d’exploitation lui-même. (Gérard Lyon Caen dans la revue Droit Ouvrier dans un article : qu’est ce que le droit du travail)

Par Ordonnance du 12 mars 2007, le gouvernement a été habilité à promulguer la recodification de la partie législative du Code du Travail.

Il est affirmé dans le rapport au Président de la République (qui expose les motifs de l’ordonnance) que cette recodification s’opère à droit constant. L’argumentation employée pour justifier cette recodification repose essentiellement sur le fait que le code du travail (actuel, version codification de 1973) ne répond plus à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la Loi, piliers de la sécurité juridique nouveau principe général du droit impulsé par la Cour de Justice Européenne.

Les rédacteurs ont décidé de redéfinir le périmètre du Code : les dispositions jugées d’ordre général sont conservées dans le Code du travail, en revanche sont évacuées celles estimées particulières à certains secteurs d’activité, qui sont intégrées dans des Codes spécifiques : exemples, code de l’action sociale et des familles, code minier, code rural, code de la sécurité sociale. Il a été même prévu que les dispositions ayant vocation à figurer dans les futurs codes de l’énergie, des transports ne sont pas reprises dans le Code du travail et seront maintenues temporairement dans l’ancien code du travail. On ne peut s’empêcher ici de souligner une forte tendance à reprendre les projets du Medef qui tendent à définir des droits adaptés par branche d’activité ou problématique économique.

Sous couvert de la Commission Supérieure de Codification, le gouvernement s’est arrogé la mission de modifier les dispositions relevant de la Loi ou du règlement (articles 34 et 37 de la Constitution de 1958) : au prétexte « d’assurer le respect de la hiérarchie des normes », il a été procédé à des « reclassements ». En fait de « reclassements », il y a uniquement des déclassements d’articles législatifs en articles réglementaires. L’œuvre en cette matière a été considérable : plus de 500 articles ont été déclassés. La logique exposée est que ne sont conservées en partie législative que les dispositions générales, les principes et que sont renvoyées au règlement celles définissant les règles de procédure, de désignation des autorités compétentes, des juridictions compétentes. En excluant du champ de la loi des dispositions dites d’application ou de compétence, on renforce la capacité du pouvoir exécutif à modifier substantiellement l’ordonnancement du droit du travail et de son contrôle et, ce sans débat au Parlement. Déjà, par les circulaires dites réglementaires, le sens d’un texte législatif peut être orienté, mis en pratique de façon très sensiblement différente en fonction des objectifs politiques (au sens partisan du terme) du moment. Le décret a en outre l’avantage par rapport à une circulaire interprétative de s’imposer au juge judiciaire, seule la juridiction administrative étant compétente et en seule capacité, si elle en est saisie d’en prononcer l’illégalité.

Ainsi, par exemple l’existence de l’inspection particulière pour les transports et l’agriculture a été déclassée de la partie législative à la partie réglementaire favorisant ainsi toutes les opérations de restructurations de ces services et au-delà de l’inspection dite de droit commun (industrie et commerce).

Enfin il a été mis en exergue que la recodification avait pour but de simplifier ; or d’un code à 9 livres on aboutit à un code à 8 parties et des 271 subdivisions, on en arrive à 1890, de 1891 articles à 3652 !

Sur le fond :
Dès août 2005, à la seule lecture du plan détaillé du futur code, le Syndicat National CGT a alerté sur les dangers qui existaient pour les droits des millions de salariés contenus dans le code du travail. Dès ce moment elle a demandé, et l’a répété à plusieurs reprises, la publication des travaux de la commission de recodification, en vain. Les découpages d’articles en 2, 3, 4 éléments et intégrés dans des articles et des chapitres différents, les rapprochements, réaménagements sont loin, très loin, d’être sans contenu.

Ainsi et principalement :

1 – La durée du travail figurait jusqu’à présent dans le Livre II « règlementation du travail » relatif aux conditions de travail, c’est-à-dire comprise sous l’aspect du repos nécessaire pour les travailleurs. Désormais, elle est intégrée dans la partie consacrée au salaire c’est-à-dire qu’elle est appréhendée désormais sous l’angle de son coût (pour l’employeur), sous l’angle de la compétitivité ! Le MEDEF ne peut qu’en être satisfait.

2 – La partie salaire et tous les dispositifs d’intéressement et d’épargne salariale étaient séparés : le salaire figurait dans le Livre intitulé « conventions relatives au travail » et les dispositifs d’intéressement dans le livre relative à la représentation du personnel car il s’agissait de dispositifs jugés complémentaires liés à la bonne marche de l’entreprise et ne pouvant se substituer au salaire. Tout est maintenant unifié ; cela ne répond –t - il pas aux discours dominants qui pour des raisons de « compétitivité » veulent que l’on ne raisonne pas en terme de salaire mais en terme de revenu global, l’insécurité juridique et économique du salarié ne pouvant disposer d’un revenu stable et garanti étant ici renforcée par principe de construction et ce sans parler des conséquences en terme cotisations sociales.

3 – dans la partie hygiène et sécurité au titre "principes généraux de prévention" sont créés un chapitre 1 "obligation de l’employeur" et un nouveau chapitre 2 "obligations des travailleurs" qui reprend les dispositions d’un article du code actuel transposant un directive européenne (loi du 31/12/1991) qui avait introduit la responsabilité propre du salarié en matière de santé et de sécurité. En donnant à cet article (s’inscrivant déjà contre tout le cheminement historique construit depuis la fin du XIX° siècle qui a posé le principe de la responsabilité de l’employeur, de son obligation de garantir l’intégrité physique du salarié) la valeur d’un chapitre, les auteurs du nouveau code décident souverainement d’instituer le principe que le salarié est au même titre que l’employeur coresponsable de la sécurité dans l’entreprise. L’obligation de sécurité ne relèverait plus dorénavant de la seule obligation du chef d’entreprise (contrepartie rappelons – le, de son pouvoir de direction) mais d’une certaine logique contractuelle illustrée par les démarches actuelles impulsées au plan européen de bonnes pratiques, de normalisation et certification. En fin de compte, c’est aux travailleurs qu’il incombe par le respect des « procédures » de veiller à leur sécurité.

Cerise sur le gâteau, les sanctions pénales concernant cette partie se voient dotées d’une section 2, libellée "infraction commise par une personne autre que l’employeur ou son représentant". Il s’agit ici d’un choix déterminant et structurant des auteurs de la décodification dans la mesure où ils atténuent de fait la particularité du droit pénal du travail qui ne s’intéressait jusqu’à présent qu’au seul débiteur de l’obligation de sécurité : l’employeur, seul titulaire du pouvoir de direction. Si le Code Pénal, le droit pénal général pouvait avoir vocation à s’appliquer dans l’entreprise et en particulier à d’autres que l’employeur ou son représentant, cela ne visait que des situations où des faits dépassaient la relation de travail, s’en exonérait en quelque sorte. Dorénavant par parallélisme à la logique contractuelle, il y aurait un parallélisme des responsabilités pénales de l’employeur, des salariés et pourquoi pas des CHS-CT (notamment avec l’extension à la notion environnementale) et bien sûr des agents de contrôles qui peuvent voir leur attributions évoluer par les seuls décrets puisque dorénavant seule la logique réglementaire doit fixer les modalités d’application des principes. Dans ce dernier sens, le nouveau code sera très utile au renforcement des futures chartes de déontologie. Quant aux dispositifs de protections fonctionnelles des agents de contrôle de l’Etat …

4- Le licenciement économique est désormais intégré dans la partie « contrat de travail » alors qu’il figurait avant dans le livre « placement et emploi ». Cela signifie l’abandon public de toute politique visant à prévenir les licenciements et surtout l’abandon de l’idée que les licenciements économiques ne peuvent se concevoir sans contrôle et contestation de leur légitimité par la collectivité des salariés voire du salarié individuellement dans un système de « flexisécurité » où sous couvert de « sécurisation des parcours professionnels » on sécurise en fait le processus du licenciement, on le rend, moins cher moins risqué pour l’entreprise, charge aux salariés de s’adapter et de rentrer dans le jeu des chaises musicales du marché du travail sous l’œil attentif d’un Service Public de l’Emploi reconfiguré par la toute puissance de l’assureur gestionnaire des fonds de l’assurance chômage. Le rapport contractuel domine ici encore en le sécurisant pour l’entreprise et en plaçant le salarié en situation de déroulement de carrière professionnelle hachée.

5- Le code contenait un Livre consacré aux conflits du travail et qui se décomposait en 2 Titres : les conflits individuels et les conflits collectifs (la grève). Cela consacrait que "naturellement" les relations de travail entre employeurs et travailleurs contenaient le conflit, latent et parfois ouvert. Ce Livre a été supprimé et les dispositions ont été intégrées soit dans la partie relative au contrat de travail (pour les conflits individuels c’est à dire la partie consacré aux prud’hommes, mais on parle beaucoup d’une réforme des prud’hommes, exception française, et cette partie peut aussi préparer la promotion des procédures dites d’arbitrages, internes à l’entreprise sur le modèle des Etats-Unis), soit dans la partie relative à la négociation collective pour la partie « conflits collectifs ». C’est ouvrir la voie à ce que dans les conflits, la grève soit limitée, encadrés par de multiples procédures ; n’est ce pas d’ailleurs le programme qu’a annoncé le nouveau président de la république mais également la préoccupation de Bruxelles qui souhaite sur ce plan aussi, en finir avec la grève comme mode de règlement des litiges. On renforce nettement une tendance jurisprudentielle actuelle qui consiste à lier les conditions d’exercice du droit de grève à la négociation collective notamment en se faisant juge de la proportionnalité. Déjà une partie de la doctrine considère que le droit de grève, si cette tendance jurisprudentielle se confirmait, s’exercerait dorénavant par défaut et donc par exception par rapport à la règle des rapports policés. C’est l’encadrer par un nouveau droit de la négociation collective où la légitimité des syndicats représentatifs est mise en concurrence avec d’autres acteurs de négociation et où le service minimum s’imposerait. Les auteurs de la « décodification » modifient ainsi l’ordonnancement juridique du droit de grève.

6- Toutes les dispositions concernant le travail illégal, qui avant étaient intégrées dans le cœur du code du travail, ont été supprimées et curieusement ont été intégrées dans la partie relative au contrôle, c’est à dire dans la partie Inspection du Travail et ce contradictoirement à toute la logique affichée de la « recodification ».

C’est faire de la lutte contre le travail illégal non pas un problème de droit mais un problème de modalité de contrôle, aujourd’hui assuré par l’inspection du travail, mais qui demain s’agissant d’une simple modalité de contrôle pourrait être assurée par des unités spécialisées, par des services complètement séparés.
C’est passer du contrôle des formes les plus extrêmes de l’exploitation des travailleurs au contrôle des travailleurs eux-mêmes (contrôle des flux migratoires en particulier) au nom de la régulation du marché du travail.
Dans cette même partie, a été créé de toutes pièces un titre intitulé « système d’inspection du travail » avec 2 chapitres : « échelon central » et « services déconcentrés » vides de contenu. Mais nul doute que ces vides seront rapidement comblés, il s’agit là de préparer l’encadrement de l’inspection du travail.

7 – Le nouveau code commence par les dispositions relatives aux discriminations (première partie, livre premier, titre III) puis lui succède un chapitre "différences de traitements autorisées". Cette partie concerne notamment les jeunes et justifie les multiples contrats précaires pour les jeunes que les gouvernements mettaient en place au nom de « la lutte pour l’insertion des jeunes », provisoirement, mais qu’ils ne fondaient pas en droit. Le nouveau code du travail ne va-t-il pas plus loin en « légitimant » en quelque sorte, cette situation de précarité que subissent les jeunes aujourd’hui et demain peut être d’autres ?

8 – En matière de droit syndical, le code garantit jusqu’alors le droit de tout salarié indépendamment de son sexe, de son âge et de sa nationalité, à adhérer à un syndicat. Le nouveau code y a ajouté toute une série de critères qui s’appliquent normalement aux employeurs en matière de discrimination à l’embauche, c’est-à-dire « sa religion ou ses convictions, son handicap, son orientation sexuelle, son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou un rac e ». Est-il neutre d’imposer les mêmes obligations aux syndicats qu’aux employeurs, à ceux qui sont une association libre de travailleurs, appuyés sur le principe posé par la loi de 1884 que les syndicats s’administrent librement, et les employeurs pour lesquels des obligations ont justement été institués car la liberté du travailleur face à son patron était toute relative ?

Des dizaines de nouveaux chapitres apparaissent, certains avec 1, 2 voire aucun article. Ainsi 6 chapitres du nouveau Titre 1 du Livre II de la quatrième partie Santé et Sécurité Au Travail ne comportent aucun article, il s’agit en fait de structures d’accueil.
L’un des juristes « experts » de la commission de recodification ne dévoile-t-il pas une part de la vérité lorsque dans le dernier numéro de la revue Droit Social dans un article d’une rare violence contre un des critiques de la recodification, il écrit : « Le plan de la partie législative doit se penser dans la perspective de la partie réglementaire et des réformes à intégrer dans les prochaines années. »

Quelles réformes ? Décidées par qui ? Et depuis quand une commission d’experts anticipe-t-elle des réformes ? Une partie de la réponse n’est-elle pas dans le rapport présentant l’ordonnance où on peut lire qu’il s’agit : « dans une perspective de long terme d’accueillir de nouvelles dispositions » et cela en référence « au droit communautaire ».
Liaisons Sociales Europe de mars 2007 (numéro 171) rend compte du rapport sur l’emploi remis à la commission européenne le 22 février 2007 dans la foulée du livre Vert présenté à l’automne. Ce rapport note que pour bâtir un marché de travail flexible « la révision des codes du travail constitue de loin l’initiative la plus répandue ». Quant au contrat de travail unique, projet phare du premier ministre on peut lire dans un rapport du Comité d’orientation pour l’emploi (mars 2007) :
« En cas de licenciement les exigences juridiques pesant sur l’entreprise seraient allégées notamment en matière économique : elle n’aurait pas d’obligation de reclassement en interne ou en externe et le juge ne pourrait vérifier l’existence d’un motif économique ».
L’enjeu de la recodification n’est-il pas de se voir imposer un code du travail bâti pour accueillir tout ce qui va contribuer à démolir un droit du travail protecteur des travailleurs ?

Aussi loin de n’être qu’un simple travail de mise à jour, de simplification au service des usagers perdus dans le dédale des lois (que ne pourrait-on, d’ailleurs, dire du code civil, du code des impôts si importants pour la vie quotidienne des citoyens) la recodification est faite pour faciliter une réorganisation complète du droit social et du droit du travail pour faire en sorte qu’il cesse d’être un domaine juridique particulier justifié par l’objectif de protéger les salariés et qu’il devienne un droit comme les autres au service de l’économie, un droit accessoire, assujetti à d’autres logiques que la logique de protection des salariés.

Le syndicat national C.G.T SETE alerte les agents de l’Inspection du Travail, les travailleurs et leurs organisations, tous les praticiens du droit du travail et en particulier les conseillers prud’hommes dont on connaît l’attachement au code du travail, et elle appuie toutes les démarches, les recours, les mobilisations qui vont dans le sens de réaffirmer : Non à la casse du code du travail, Retrait de l’ordonnance, Non au contrat unique, Défense du Contrat de travail à durée indéterminée bénéficiant des protections légales et conventionnelles, Défense de l’Inspection du Travail.

recodification DEF 29 mai

Messages

  • oui, les tracts, il y en a eu des tats

    Mais on n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

    Notre confédération, tout ce qu’elle propose, c’est une pétition, et une "adresse aux élus et mandatés" : combien d’entre nous l’ont signée ?

    Depuis plusieurs mois, plus rien, comme si l’affaire était "pliée". A l’évidence, elle l’est !

    On fait plus revendicatif, non ?

    Misère du militantisme !

    P. Bardet