Accueil > POUVOIR / CONTRE POUVOIR : UNE LONGUE HISTOIRE D’AMOUR
POUVOIR / CONTRE POUVOIR : UNE LONGUE HISTOIRE D’AMOUR
Publie le mardi 3 février 2004 par Open-PublishingRien n’est plus agaçant que de voir l’Histoire se répéter
inlassablement, rejouant pour la mille et unième reprise la comédie sans
surprises du "chef des insurgés" -meneur du jeu d’un moment- auquel ses
ennemis proposent avec toute la considération qui lui est due, la place
de "révolté-chef" permanent et patenté. Ému de tant de sollicitude,
flatté qu’enfin ses dons soient reconnus à leur juste valeur,
l’aspirant-Spartacus (d’opérette) -qui a souvent une longe carrière de
prétendant au tire derrière lui- accepte, rose de plaisir, la couronne
et le royaume qui, désormais, lui sont confiés par son généreux suzerain.
Sa fonction princière, bien sûr, est codifiée dans un cahier des charges
tout à fait précis : son rôle, c’est incarner une certaine révolte et
veiller à ce qu’elle reste dans les limites du raisonnable. En échange
de ses bons et loyaux services, le prince des contestataires se voit
allouer un crédit médiatique quasi-illimité : caméras et micros à gogo,
tribunes dans les journaux, conférences de presse, contre-sommets
internationaux et toujours en vedette. Car c’est bien ce genre de
gratifications qui comble au mieux les attentes des divers
saoûls-commandants d’ici et d’ailleurs. Autrefois, le pouvoir achetait
un ennemi en espèces sonnantes et trébuchantes, de nos jours il suffit
de le payer en images, de lui même en général (la modestie n’est pas son
fort), c’est infiniment moins onéreux et tellement plus efficace : qui
serait assez sottement suicidaire pour troubler durablement un spectacle
dont il est l’une des vedettes.
Qu’est-ce donc qui fait courir José, Dany, Marcos, Lula et les autres
(tous les autres, les obscurs, les petits chefaillons, les sous-off de
l’armée de la fausse contestation qui attendent éperdument que sonne
l’heure, que vienne le jour de gloire), si ce n’est l’irrépressible
besoin de reconnaissance, l’insatiable appétit de considération ?
Le pouvoir sait admirablement jouer de ce besoin de considération
universellement répandu, largement présent en chacun de nous et le
pervertir en une volonté de pouvoir.
Les individus narcissiques au charisme fort sont évidemment des proies
faciles pour le système qui transforme allégrement leur appétit de
considération en volonté de puissance. Dès lors leur destin de révolté
est clos, ils parleront, agiront en lieu et place des autres, défendront
le misérable strapontin de contre pouvoir qui leur a été octroyé, avec
toute leur énergie ; liés à jamais au trône qui les a adoubés, ils
finiront peut-être par s’y asseoir (comme l’ex-gaucho Lula) après avoir
donné suffisamment de gages d’assagissement, de renoncement. Les bancs
du contre pouvoir ne leur auront servi que de marchepied pour accéder au
pouvoir. Sans état d’âme, ils troqueront leur couronne de prince de la
contestation pour un portefeuille ministériel : le titre à peine remis
en jeu, les prétendants se mettent en rang, l’Histoire continue.
Jusques à quand, l’exercice du pouvoir gardera-t-il son aura de
jouissance pure, la domination des autres restera-t-elle synonyme de
bonheur suprême, la célébrité, la gloire seront-elle des biens
inestimables ? A quand enfin la vraie joie du partage, à quand en fin
l’anarchie ?