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Paris annonce un "pilotage politique" de l’opération libyenne

Publie le mardi 22 mars 2011 par Open-Publishing

La France a exclu mardi de déléguer à l’Otan le commandement de l’opération militaire en Libye, dont le "pilotage politique" fera l’objet d’une réunion des pays de la coalition dans les jours qui viennent.

Le ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a estimé que le débat en cours sur l’implication de l’Alliance atlantique après la première phase de l’intervention, qui a démarré dans l’urgence sur une base ad hoc face à l’avancée des troupes fidèles à Mouammar Kadhafi, n’avait pas lieu d’être.

"Il faut être cohérent", a-t-il dit mardi devant un groupe de journalistes diplomatiques. "Pour être légitime, on a besoin du soutien de la Ligue arabe. Qu’a dit la Ligue arabe ? Ne nous mettez pas l’Otan. Voilà, c’est tout."

De source diplomatique française, on souligne que le soutien de la Ligue arabe à une intervention militaire et, plus encore, la participation jugée indispensable des avions de certains de ses pays - ceux du Qatar et des Emirats arabes unis devraient entrer en action - avait été très difficile à obtenir.

Le soutien de la Ligue arabe est d’ailleurs fragile, comme le démontrent les critiques émises lundi par son président, Amr Moussa, après les premières frappes.

SOUTIEN ARABE INDISPENSABLE

La France estime avoir aplani les divergences de vues avec Amr Moussa en lui assurant qu’il était impossible d’imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye, comme demandé par la Ligue arabe et approuvé par le Conseil de sécurité des Nations unies dans sa résolution 1973, sans détruire les moyens de défense anti-aérienne de l’armée libyenne.

Mais il a fallu un entretien téléphonique lundi entre le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le président de la Ligue arabe pour calmer le jeu.

"Sa déclaration est très claire : il soutient les résolutions du Conseil de sécurité et n’a aucun problème avec leur mise en application", a dit le chef de la diplomatie française lors d’un débat à l’Assemblée nationale.

Arabes et Français sont d’ailleurs sur la même ligne.

"Le drapeau de l’Otan pour une opération dans un pays arabe, c’est provoquant", dit un diplomate français de haut rang.

En outre, accorder à l’Alliance atlantique le commandement de cette opération serait s’exposer à la paralysie ou, au moins à des débats sans fin sur les cibles à attaquer, comme cela s’est passé lors de la guerre du Kosovo en 1999.

Plusieurs pays membres de l’Otan, comme la Turquie et l’Allemagne, ont en effet fait connaître leurs réticences envers une action militaire en Libye et les débats au sein de l’Alliance sur une éventuelle implication dans la zone d’exclusion aérienne était toujours dans l’impasse mardi.

Pour Alain Juppé, les choses sont claires.

"Cette opération est d’abord une opération voulue par les Nations unies", a-t-il dit devant l’Assemblée nationale.

"Elle est conduite par une coalition d’Etats membres dont tous ne sont pas membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, ce n’est donc pas une opération de l’Otan, même si elle doit pouvoir s’appuyer sur les moyens militaires de planification et d’intervention de l’Alliance."

RÉUNIONS DE PILOTAGE "RÉGULIÈRES"

Le chef de la diplomatie française a précisé que la conduite des opérations serait menée par la coalition, qui se réunira une première fois dans les prochains jours à Londres, Paris ou Bruxelles avant de répéter "régulièrement" ces rencontres.

"Sur l’initiative du président de la République, j’ai proposé à nos collègues britanniques, qui en sont d’accord, de mettre sur pied une instance de pilotage politique de l’opération qui réunira les ministres des Affaires étrangères des Etats intervenants ainsi que ceux de la Ligue arabe", a-t-il dit. "Bien entendu, le monde arabe y aura toute sa place".

"A partir de ce pilotage politique (...) nous utiliserons bien sûr les capacités de planification et d’intervention de l’Otan", a-t-il précisé.

Selon un diplomate d’un autre pays de la coalition favorable à un rôle pour l’Alliance, il s’agit d’un compromis acceptable par tous et permettant à la France de soutenir que l’Otan n’est pas aux commandes, mais le résultat est similaire.

"Il y aura un conseil de participants qui se réunissent pour définir la stratégie politique mais l’Otan gèrerait concrètement l’opération", a-t-il estimé.

Avec Elizabeth Pineau, édité par Gilles Trequesser

http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE72L0QS20110322