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Plus de 400 anciens salariés d’Alcatel veulent être réintégrés

Publie le dimanche 19 décembre 2004 par Open-Publishing

de Michel Delberghe

Aux prud’hommes, la CGT fait le procès de l’externalisation.

Les laissés-pour-compte de "l’entreprise sans usine", selon la formule du PDG d’Alcatel, Serge Tchuruk, se retournent contre lui devant la justice. Alors qu’en trois ans l’effectif du groupe de télécommunications est passé de 35 000 à moins de 19 000 salariés en France, certains ont saisi les tribunaux pour contester les méthodes employées.

Le 9 novembre, la cour d’appel de Versailles avait obligé l’entreprise à réintégrer 171 ex-licenciés de l’unité de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) de la filiale Alcatel Câble France. En 2003, leur départ avait été négocié individuellement à des conditions moins avantageuses que celles prévues, peu après, dans la procédure collective d’un plan social. Le groupe a dû créer un "guichet" pour retrouver les salariés concernés. qui toucheront l’intégralité de leur salaire depuis leur licenciement.

C’est un procédé différent, mais tout aussi contestable selon la CGT, à l’origine des poursuites, qui a été examiné, vendredi 17 décembre, devant le conseil de prud’hommes de Paris. Quatre cent six salariés dépendant alors d’Alcatel réseaux d’entreprise (ARE) entendaient dénoncer les conditions dans lesquelles ils ont été "externalisés", en 1998, à Marine Consulting, filiale d’un groupe informatique. Déclarée en cessation de paiement en mai 2002, cette société a été reprise par un homme d’affaires, avant d’être mise en liquidation un an plus tard.

Sur 750 ex-Alcatel reclassés chez Marine et licenciés depuis, plus de 300 sont toujours au chômage. Ce sont ceux-là essentiellement qui demandent l’annulation de la vente initiale, ce qui rendrait caduques les conditions de leur départ. Et comme ceux de Conflans-Sainte-Honorine, ils espèrent être réintégrés. L’affaire est toutefois plus complexe. Leur société d’origine, Alcatel Réseaux d’entreprise, a été cédée, en janvier 2002, à un fonds américain, Platinum Equity, qui, via sa filiale européenne, NextiraOne, compte toujours 3 000 personnes en France. Au nom de la continuité de l’entreprise, c’est contre cette dernière que les salariés ont été contraints de se retourner.

"CESSION DE MAIN-D’ŒUVRE"

L’affaire a déjà été plaidée en diverses instances et notamment devant la cour d’appel de Marseille, où un salarié de Marine a eu gain de cause. A Paris, où sont regroupés les autres dossiers, Me Jacques Grinsnir, pour les salariés, a une nouvelle fois évoqué le lien de dépendance qui, via le sous-traitant Marine Consulting, les reliait à leur ancien employeur. "Marine n’avait aucune marge de manœuvre, a-t-il affirmé. Alcatel fixait ses tarifs, à des conditions inférieures à celles de la concurrence. Les agences régionales étaient hébergées dans les locaux d’Alcatel. Pour les clients, les salariés agissaient toujours pour le compte du groupe avec du matériel Alcatel. Ils devaient aussi participer aux formations dispensées par l’université d’entreprise." Et, lorsque le groupe a commencé de se désengager, ce fut une mort annoncée. Pour la CGT, cette externalisation ne fut pas une "cession d’activités", mais "une cession de main-d’œuvre". Et "si l’on transfère à tort dans des conditions frauduleuses, l’opération est nulle",a conclu Me Grinsnir en demandant la réintégration des salariés dans leur société d’origine.

Au nom de NextiraOne, Me Catherine Davico-Hoarau s’est ingéniée à dégager la responsabilité d’Alcatel qui "n’a jamais licencié aucun des salariés concernés". "Comment dans ces conditions peuvent-ils demander leur réintégration ?", a-t-elle demandé, s’étonnant qu’aucune procédure de contestation ne soit intervenue avant la mise en redressement de Marine Consulting, puis sa liquidation. Pour elle, lors de cette cession, les règles de transfert du personnel, définies par l’article 122-12 du code du travail, ont été respectées. Le tribunal rendra son jugement le 23 février 2005.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-391426,0.html