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Pour un patriotisme de gauche.

Publie le jeudi 5 avril 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

On pense souvent qu’il existe deux manières de définir la nation. Une première conception, la conception française, s’opposerait à une seconde, la conception allemande. Lors de la seconde moitié du XIXème siècle, apogée des nationalismes, un débat a lieu entre l’allemand Theodor Mommsen et le français Fustel de Coulanges. Ces échanges ont donné naissance à deux conceptions opposées de la nation. Pour le premier, c’est la culture qui fait l’appartenance à la nation, tandis que pour le second, c’est la volonté de vivre en commun. Cette seconde moitié du XIXème siècle, c’est aussi la défaite française de 1870, la perte de l’Alsace et de la Lorraine.

C’est la haine nationaliste exacerbée. Fustel de Coulanges écrivit alors à Mommsen :
" Vous croyez avoir prouvé que l’Alsace est de nationalité allemande parce que sa population est de race germanique et parce que son langage est l’allemand. Mais je m’étonne qu’un historien comme vous affecte d’ignorer que ce n’est ni la race ni la langue qui fait la nationalité.

Ce qui distingue les nations, ce n’est ni la race, ni la langue. Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances. Voilà ce qui fait la patrie. Voilà pourquoi les hommes veulent marcher ensemble, ensemble travailler, ensemble combattre, vivre et mourir les uns pour les autres. La patrie, c’est ce qu’on aime. Il se peut que l’Alsace soit allemande par la race et par le langage ; mais par la nationalité et le sentiment de la patrie elle est française. Et savez-vous ce qui l’a rendue française ? Ce n’est pas Louis XIV, c’est notre Révolution de 1789. Depuis ce moment, l’Alsace a suivi toutes nos destinées, elle a vécu notre vie. Tout ce que nous pensions, elle le pensait ; tout ce que nous sentions, elle le sentait. Elle a partagé nos victoires et nos revers, notre gloire et nos fautes, toutes nos joies et toutes nos douleurs. La patrie, pour elle, c’est la France. L’étranger, pour elle, c’est l’Allemagne. "

La pensée française garde toujours des traces de cette conception républicaine. L’Histoire nous a montré que ce n’est apparament ni la race ni la langue qui fait la nation, ne serait-ce qu’aux Etats-Unis, en Belgique ou en Suisse. Et pourtant, elle nous a aussi montré à quel point des peuples de même culture, de mêmes croyances, peuvent être soudés entre eux. Dès lors, il semble difficile de trancher entre l’une et l’autre de ces affirmations. En vérité nous verrons qu’elles ne sont pas si contradictoires.
La nation allemande se fait par la culture et la race, la nation française par une sorte de contrat social. Mais à y regarder de plus près, ces deux théories sont parfaitement idéalistes. Mommsen met l’accent sur la "race" et la culture. Eloignons le concept de race, passé de mode aujourd’hui et qui mériterait bien des attentions, mais concentrons nous sur la culture. Si Mommsen nous dit que la nation se fait par la culture, il oublie de nous préciser par quoi se fait la culture. A première vue, sa conception est la moins idéaliste puisque nous avons affaire à des données concrètes comme la langue. Mais en même temps, nous savons bien que la langue est imprégnée d’une pensée. Et nous dirons même que la culture ne peut pas s’en détacher. Dès lors, Coulanges à peut-être bien raison de dire que c’est la communauté des idées qui fait la nation. Mais n’est-ce pas en même temps la culture qui fait cette communauté des idées ? Nous voyons bien qu’il est impossible de séparer la conception de Mommsen de celle de Coulanges. Elles sont intimement liées. On ne peut pas imaginer qu’une nation puisse se bâtir sur des sermons. Ce serait une forme complète d’idéalisme. La nation a toujours besoin d’une structure. Mais la culture n’y suffit pas.

Le véritable problème se situe donc du côté de la structure. Celle que nous cherchons doit pouvoir donner naissance à la fois à la culture et à la communauté des idées, et non l’inverse. Nous devons considérer en effet que la langue et la culture en général, ainsi que la communauté des idées, font partie de la "conscience" des individus. Et comme le disait si bien Marx, " Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être, c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience ". Ce qui donne naissance à la culture, à la langue et à la communauté des idées, c’est donc l’être social. Inconsciement, c’est bien ce que fait remarquer Coulanges dans sa lettre à Mommsen lorsqu’il place la communauté "d’intérêts" à côté de la communauté des idées. Il aurait fallu simplement dire que la communauté d’intérêts précède la communauté des idées. Car des individus égaux materiellement, ont nécéssairement de mêmes intérêts. Et par là se forme ce que Marx appellait une "classe sociale". Or, ni la France, ni l’Allemagne ne formaient et ne forment une unité d’intérêts. Il a toujours éxisté un conflit entre classes sociales. Partout ou règne l’inégalité, partout ou le nouveau s’oppose à l’ancien, partout ou les mouvements contraires se rencontrent, ces conflits existent. Comment concevoir alors l’unité de la nation ? Il a toujours existé une idée de la nation, brandie par l’idéologie dominante. Ce fut l’idée de Rome, l’idée de la France éternelle, l’idée de la Grande Allemagne. Bref, ce sont les classes au pouvoir qui envoyèrent de 1914 à 1918 des paysans arriérés, des ouvriers socialistes et des hommes des colonies, mourir, apparament, pour l’idée d’une nation.

L’idée bourgeoise de la nation, est née simplement de la domination de la bourgeoisie. Et cette domination s’est particulèrement exprimée au travers de l’Etat. L’Etat, c’est le meilleur symbole de l’existence de la nation. L’Etat, c’est la structure que nous cherchions. Parce qu’il ne peut pas longtemps exister des intérêts divergents sans qu’une structure se forme pour appuyer par tous les moyens la lutte. Tantôt du côté des plus faibles, tantôt du côté des plus forts. Mais au final, l’Etat-Nation est toujours créé par ceux qui dominent. Et cet Etat, c’est lui qui contribuait à enseigner aux fils d’ouvriers et de paysans qu’ils appartenaient à la France. C’est lui qui poussait les hommes à donner leur sang, non pour une idée républicaine et juste de la nation, mais pour les intérêts de la classe dominante. Intérêts qui deviennent grâce à l’existence de l’Etat, l’intérêt "général", l’intérêt de la nation. Ce n’est donc ni la culture ni une prétendue communauté des idées qui font l’existence de la nation. Puisque l’une comme l’autre ont été créées par l’emprise de l’Etat. C’est ainsi que l’on forme des nations qui n’ont jamais existé. Par un Etat, comme Israël. C’est ainsi que la nation irakienne s’est fondée. Par l’Etat, par la force, par la violence, en oppositon au panarabisme religieux. La nation est donc périssable.

Il en résulte que l’existence de la nation est liée à l’opposition des intérêts, à ce que les marxistes appellent la lutte des classes, et donc en dernier lieu, à l’Histoire. Marx et Engels disaient donc que le prolétariat n’a pas de nation. Il n’a pas de nation parce que le prolétariat du monde entier forme une unité. Dans la misère commune, il y a un intérêt commun en contradiction avec l’intérêt de toutes les bourgeoisies. C’est cette égalité qui dépasse les nations bourgeoises. Mais c’est également la force de l’Etat bourgeois, et non la force de l’idée de nation, qui mena les travailleurs à la folie de s’entretuer, en les aliénant, en leur demandant de combattre pour les intérêts de leur bourgeoisie nationale. Mais en même temps, Marx nous enseignait que le prolétariat avait une nation. Parce que ce prolétariat a été formé par l’action du Capital, et grâce à l’Etat bourgeois. Si bien que partout ou il existe une bourgeoisie nationale, il existe un prolétariat national. Et c’est ce qui fait que les prolétaires ont une nation, dans le sang, la colère qu’engendre l’Etat. Autrement qu’une nation, mot trop attaché à la haine engendrée par les nationalismes, il s’agit d’une patrie. En voulant se libérer de la dictature de leur bourgeoisie nationale, les révolutionnaires se font patriotes.

Nous dirons donc, que c’est le mouvement entier de l’Histoire qui fait la nation, et plus encore, la patrie. Que si notre patrie est la France aujourd’hui, elle devient chaque jour le monde entier, à mesure que l’impérialisme étend les bras du capitalisme sur la planète, en brisant les barrières nationales. Rejetons les fétiches nationalistes de la bourgeoisie. N’écoutons pas ceux qui prétendent faire de nous des Français en nous imposant le drapeau national, car c’était le vrai étendard tricolore qu’arboraient les communards et le PCF d’antan. Notre patrie, ce n’est ni le passé, ni le futur, c’est le présent. C’est ce qui nous forge à l’instant.

C’est pure folie que de renier sa patrie, et de ne pas vouloir mener avec elle le combat de l’Histoire.

Messages

  • Les communards n’ont jamais brandis le drapeau tricolore... Lors de la Commune de Paris c’était bien le contraire : la drapeau rouge était dressé faisant face aux versaillais qui brandissaient le drapeau tricolore....

    Nico

    • Les images nous montrent au contraire que les communards portaient l’étendard français. Mais c’est vrai que le drapeau tricolore a surtout été associé à la répression.

    • si le patriotisme etait de jouer au foot et de rester copain avec l´autre ca irait, moi je suis eduquer francais j´ai un passeport francais et allemand , mais je suis international, et je suis contre la nationalite, cela fait des guerres , si on est dans ce camp on est pas dans l´autre, aucune personne est illegale. Il n´y a pas de palestiniens et d´israeliens alors que font ils ? je ne suis ni allemand ni francais je suis moi , je ne suis pas francais je suis juste ne en france, comme au foot si troyes joue contre strasbourg, pareil la france joue contre l´allemagne, alors si j´habite a stuttgart je joue contre la france ou est le probleme ? la nationalite je suis contre ; imagine bush et almedijad ; bush dit aux americains les iraniens sont mauvais MAIS IL N´Y A PAS D´IRANIENS. LES PALESTINIENS ET ISRAELIENS NE PEUVENT REVENDIQUER UNE TERRE mais doivent vivre ensemble, PARDON JE DIS LES ISRAELIENS ET LES PALESTINIENS C´EST UNE FAUTE DE MOI CAR DANS MON IDEE IL N´Y A PAS DE NATIONALITE (je suis encore par mon education influencee) ; LES NOMADES VIVENT et se deplacent et sans probleme (a part les racistes qui sont contre les romanichels helas) ; LA OU JE VIS JE VIS . Je suis un terrien Salut jean-francois dieux

    • Léon Trotski :« Défense de la patrie ? »

      http://www.utopie-critique.fr

      « Sous cette abstraction, la bourgeoisie entend la défense de ses profits et de ses pillages. Nous sommes prêts à défendre la patrie contre les capitalistes étrangers, si nous garrottons nos propres capitalistes et les empêchons de s’attaquer à la patrie d’autrui ; si les ouvriers et les paysans de notre pays deviennent ses véritables maîtres ; si les richesses du pays passent des mains d’une infime minorité aux mains du peuple ; si l’armée, d’un instrument des exploiteurs devient un instrument des exploités.(...) Quand le petit paysan ou l’ouvrier parlent de la défense de la patrie, ils se représentent la défense de leur maison, de leur famille et de la famille d’autrui contre l’invasion de l’ennemi, contre les bombes, contre les gaz asphyxiants. Le capitaliste et son journaliste entendent par défense de la patrie la conquête de colonies et de marchés, l’extension par le pillage de la part « nationale » dans le revenu mondial. Le pacifisme et le patriotisme bourgeois sont des mensonges complets. Dans le pacifisme et même le patriotisme des opprimés, il y a des éléments qui reflètent d’une part la haine contre la guerre destructrice et d’autre part l’attachement à ce qu’ils croient être leur bien, qu’il faut savoir saisir pour en tirer les conclusions révolutionnaires nécessaires. Il faut savoir opposer hostilement l’une à l’autre ces deux formes de pacifisme et de patriotisme. »/*

      (Le programme de transition. 1938)

    • Si je ne me trompe pas, Lénine lui-même n’était pas contre le fait de parler de patrie. En conséquence, Léon Trotsky a une appréciation très limitée du concept. Mais bien entendu, il ne faut pas oublier que la "patrie" peut se mettre facilement au service de telle ou telle idéologie. Sur ce point, il a raison.