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Pour une procédure de chômage technique "étendu"

par Georges Pons

Publie le vendredi 5 septembre 2014 par Georges Pons - Open-Publishing

Proposition d’étude concernant
une procédure de chômage technique dit "étendu"

Simulation à chiffrer sur un dépôt de plan social

Prenons pour exemple une PMI, S.A. du secteur métallurgie, spécialisée dans l’équipement industriel pour l’agro-alimentaire.

Elle emploie 180 personnes et réalise un C.A. annuel de 110 millions de francs, en baisse régulière depuis cinq ans. Ses pertes cumulées depuis trois ans représentent près de 4 millions de F et son capital est entamé aux deux tiers.

Elle a perdu des marchés intérieurs devant des concurrents plus agressifs et n’a pas réussi ses percées à l’étranger.

Elle n’a pas réalisé en temps utile les renouvellements d’équipement de production et de gestion indispensables, préférant distribuer à ses actionnaires pendant toute une période de "vaches grasses".

Une direction autocratique a refusé de prendre en compte, au bénéfice de ses salariés, des mesures permettant aux PMI de s’adapter aux techniques nouvelles, notamment en matière de formation et de gestion prévisionnelle des emplois, laissant se dégrader un climat social fait d’inquiétude pour l’avenir.

Après avoir procédé à quelques mises en pré-retraite et cessé toute embauche correspondant aux départs naturels, l’entreprise dépose une demande de licenciement collectif portant sur :

2 cadres moyens pour une masse salariale annuelle de : 460.000
4 agents de maîtrise 380.000
35 ouvriers 2.520.000
5 employés administratifs 440.000

soit une masse salariale annuelle totale : 3.800.000

Avec les cotisations sociales correspondantes, l’entreprise réduirait ainsi ses charges de prés de 6 millions de francs et prétend pouvoir alors éviter un dépôt de bilan.

Dans l’hypothèse où une intervention publique s’appuyant à la fois sur l’Etat et les collectivités territoriales (tous ceux qui ont un intérêt, ne serait-ce qu’économique, à maintenir cette entreprise en plein emploi...) prendrait en charge, par exemple, 60 % de cette charge salariale, il en coûterait 3,6 millions de francs par an, 300.000 F par mois.

La simulation à réaliser consiste donc à mesurer l’incidence financière globale qu’aurait à l’inverse pour la collectivité un accord donné au plan soi-disant "social" recherché par l’entreprise :

- indemnités de licenciement à la charge de l’entreprise, intervention du FNE,
- indemnités de chômage,
- coût de la reconversion et des recherches de reclassement,
- coûts de la "mobilité" exigée des salariés licenciés,
- baisse sensible des revenus des nouveaux chômeurs entraînant :
- baisse de consommation = perte de TVA et effet de cascade...
- baisse du revenu imposable = perte d’IRPP
- pertes de cotisations sociales

pour ne citer que les effets les plus visibles se prêtant à un chiffrage réaliste.

L’hypothèse qui sous-tend ma proposition d’étude d’une procédure de "chômage technique étendu" (ainsi nommée par extension d’une procédure limitée actuellement à l’existence d’une cause extérieure indépendante de l’entreprise) est que, en restant seulement au niveau du "quantifiable", une telle mesure se justifierait déjà. Que dire alors des dommages psychologiques et physiologiques dont on connaît depuis longtemps l’importance catastrophique, mais qu’il est difficile de chiffrer sur un cas particulier tel que celui pris pour exemple et qui, soit dit au passage, est directement inspiré d’une situation vécue dans les années 90.

Bien entendu, le corollaire d’une telle procédure serait l’obligation pour l’entreprise bénéficiant de cette mesure de se donner les moyens, sous contrôle d’un certain nombre d’experts et des partenaires sociaux, d’un nouveau départ mettant en jeu des dispositions multiples portant sur :
- ses techniques de production,
- une démarche de certification qualité,
- la diversification ou l’actualisation de ses produits,
- ses méthodes de commercialisation et l’ouverture de nouveaux marchés,
- sa politique à l’égard des actionnaires,
- la rémunération des dirigeants,
- sa gestion en général.

L’expérience a prouvé, notamment à l’occasion de la reprise d’entreprises, supposées moribondes, par de nouveaux dirigeants éventuellement issus de l’effectif, qu’un redressement spectaculaire est souvent possible, les nombreuses procédures publiques d’accompagnement à la modernisation étant là pour faciliter les choses.

Il paraît difficile d’apercevoir un commencement de résultat à une telle démarche avant moins de six mois. Dans la plupart des cas, il ne faudra pas moins de deux ans pour confirmer le succès des efforts engagés.

C’est dans cette fourchette, avec éventuellement une intervention dégressive du "CTE", que devrait se mettre en place aux côtés de l’entreprise un "comité de rénovation" doté de pouvoirs étendus et de compétences à la fois internes et externes à l’entreprise, et qui ne s’effacerait qu’après constat d’une situation assainie.

Cette période de plein emploi "fictif", outre qu’elle permettrait de préparer par la voie de la formation professionnelle une requalification progressive des personnels menacés, maintiendrait en l’état la totalité des contributions sociales et fiscales, tant pour la part patronale que pour la part salariale.

Alors que la mise en redressement judiciaire après dépôt de bilan, souvent pratiquée par les tribunaux de commerce, ne profite généralement qu’aux dirigeants et aux auxiliaires de justice, la proposition faite ici placerait les actionnaires devant leurs responsabilités et associerait l’ensemble des salariés au sauvetage de l’outil de travail.

Qui financerait cette procédure de CTE ?

Au premier chef, le patronat, à la fois à travers les actionnaires de l’entreprise, mais aussi via un fonds d’intervention (de responsabilité) national constitué et alimenté par les syndicats patronaux.
Les collectivités locales et territoriales qui tirent une large partie de leurs ressources de l’activité économique.
L’Etat, exerçant son contrôle sur la bonne exécution des plans de redressement.

Georges Pons - Mai 97

Cette note, rédigée en 1997 (salaires exprimés en francs ...!) me fera ranger dans l’infâme catégorie des "réformistes". Mais en attendant .... j’ai pris vingt ans ou presque. Cà mériterait peut-être une évaluation par un de nos innombrables économistes, plus ou moins atterrés.