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Pourquoi les bombes tuent, à Damas et dans d’autres villes syriennes
par Emilio Marín
Publie le vendredi 15 juin 2012 par Emilio Marín - Open-PublishingLe plan de paix de l’ONU est entré en vigueur le 12 avril dernier. Cependant les décès continuent en Syrie. Pour les États-Unis et leurs alliés, seul tue le gouvernement d’al Assad. C’est ce qui disent ceux qui s’intéressent au gaz du pays arabe.
Commencée le 15 mars 2011, la rébellion contre le président syrien Bashar al Assad continue d’arroser de sang cet important pays arabe. On supposait que le plan de paix en 6 points de l’ONU, conçu et négocié par l’ex-secrétaire de l’organisme, Kofi Annan, permettrait un arrêt des affrontements armés, à partir du 12 avril dernier. Mais quelques faits survenus durant ce mois de mai ont jeté par dessus bord de telles attentes.
Tamer Sarkis Fernández, Conseiller de Quotidien Unité pour la Syrie, a publié cette chronique le 10 mai. « Aujourd’hui à 7:56 heure du matin, heure de Damas, un conducteur suicide faisait éclater une voiture bombe dans quartier populaire de Damasque, Kazaaz (à côté de la Rotonde Sud), et à peine une minute plus tard (7:57) un deuxième véhicule le faisait aussi. C’est la réponse que « l’opposition » armée et ses Mécènes extérieurs donnent aux élections démocratiques au Parlement de la Syrie célébrées le 7 [mai] dernier ».
Les détails furent ceux-ci : « La Tonne d’explosifs sur deux voitures laisse 55 morts, 372 blessés de gravité diverse et 15 groupes de restes corporels non identifiés. Il faut craindre le décès d’au moins plusieurs personnes parmi celles qui présentent de graves blessures. Parmi les victimes et les blessés, on compte les personnes affectées dans leurs maisons par l’onde de choc qui a secoué les édifices limitrophes. 21 voitures et véhicules de travail carbonisés, 105 détruits et 78 endommagés, des données qui rendent compte de la magnitude des charges. La cavité provoquée par chaque voiture-bombe est, respectivement, de 2.5 mètres de long x 3.3 de large x 1 mètre de profondeur et de 8.5 mètres de long x 2.5 de profondeur ».
Le bras armé
Comme cela semble évident, de tels attentats et leur séquelle de morts n’ont pas été l’œuvre du gouvernement syrien, mais selon - tous les indices - de l’opposition du Conseil et de son bras armé, la soi-disant « Armée Libre de la Syrie », et peut-être des groupes d’al Qaeda. Les opposants syriens sont appuyés par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN qui comme avant en Libye, les considèrent comme les représentants du peuple de cette nation.
D’autres massacres, que le journalisme international de CNN et de chaînes semblables attribuent exclusivement au président syrien, se sont produits dans la dernière semaine de mai dans les localités de Houla [une région et non une ville] et de Homa. Dans la première sont mortes 108 personnes, dont au moins 32 étaient des enfants.
Comme dans toute guerre la première victime est la vérité, Hilary Clinton et les porte-paroles du Département de l’État ont attribué ces crimes à Al Assad, pendant qu’une commission d’enquête désignée par le gouvernement de celui-ci a assuré que c’était l’œuvre de terroristes étrangers. Ce qui est certain, c’est qu’avec la vérité, là il y a eu plus d’une centaine de victimes. Le Patriarche d’Antioche, de tout le Moyen-Orient, d’Alexandrie et de Jérusalem, Gregorio III, a déclaré à Luis Beaton, de Prensa Latina, que les Syriens ont besoin de l’arrêt de l’ingérence étrangère pour résoudre l’actuelle crise et pour obtenir la paix.
Chiffres différents
La quantité de morts est un autre point où il n’y a pas de similitude entre les parties qui s’affrontent. Pour Prensa Latina et l’agence russe Ria Novosti, « les affrontements armés entre les forces loyales au président Bashar Assad et l’opposition ont causé plus de 9 000 morts, selon des estimations de l’ONU. Pour leur part, les autorités rapportent plus de 2 500 morts parmi les militaires et agents de l’ordre public et au moins 3 200 morts parmi la population civile ».
En revanche le journaliste Robert Fisk, qui écrit pour le quotidien anglais The Independent, a soutenu un chiffre énorme. Le 30 mai, il a écrit (« The West is horrified by children’s slaughter now. Soon we’ll forget »), en comparant avec l’Algérie, que « le FLN (un algérien) est sorti indemne après 200 000 morts, comparés avec à peine 100 000 faits jusqu’à présent par la guerre en Syrie ». La différence d’appréciation est substantielle : pour l’ONU moins de 10 000 ; pour Fisk dix fois plus.
La caractérisation de qui sont les assassins diffère remarquablement, donc pour l’administration Obama et ses alliés, en particulier ceux de la zone qui intègrent l’OTAN, comme la Turquie, il n’y a pas de doute. Il s’agit d’un génocide du « dictateur » el-Assad. Mettre le gouvernant de Damas sous la loupe et le sanctionner est quelque chose que partagent les pays arabes les plus pro-USA, comme l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Bahreïn et d’autres émirs du Golfe.
Une intégrité territoriale
Dans une position bien différente, l’Iran, le Liban et d’autres nations de la région défendent d’une forme ou d’autre l’intégrité territoriale de la Syrie, menacée par cette escalade militaire à son encontre. Même en Irak, où se maintient l’occupation militaire US, el-Assad compte avec beaucoup de sympathies.
Et dans cette même posture, d’amitié avec la Syrie, se trouvent deux « poids lourds » du Conseil de Sécurité, la Russie et la Chine. Ces deux puissances se sont déjà opposées, en octobre 2011 et février de cette année, à des projets de résolutions du Conseil de Sécurité inspirées par Washington qui cherchaient à préparer le chemin à une intervention militaire d’une force multinationale.
Maintenant, après les massacres de Houla et de Homa, le chancelier russe Sergei Lavrov, a réitéré le point de vue selon lequel il n’y a pas un seul coupable. « Nous faisons face à une situation dans laquelle, évidemment, les deux parties sont intervenues dans la mort de personnes innocentes », a dit dans une déclaration le Ministre des Relations Extérieures russe. Il a demandé qu’avant que ne soit pris aucune résolution défavorable à Damas, on écoute le général norvégien Robert Mood, qui est à la tête de la mission d’observateurs militaires envoyée en Syrie.
En revanche les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, le Canada et l’Australie ont décidé d’expulser les diplomates syriens de leurs capitales respectives. Ils ont argué ceci du massacre de Houla, sans attendre les conclusions de Mood ou de l’envoyé spécial Kofi Annan.
Du sang et du gaz
Pourquoi tant de belligérance de l’empire et de ses ouvriers de l’échiquier du Moyen-Orient en vue de renverser Bashar el-Assad ? Comme il a été consigné dans la note précédente (« En Syrie, avec auspices de l’ONU, un plan de paix commencerait », La Arena du 5 avril), on ne peut pas croire la version des Etats-Unis selon laquelle le président syrien est un dictateur et les monarques du Golfe Persique quelques parfaits démocrates. Encore plus, après deux plébiscites et l’élection législative du 7 mai, Assad brille comme plus démocratique que le saoudien Abdalá bin Abdulaziz.
L’ingérence politique et militaire de l’impérialisme dans le pays arabe a des points de contact avec ses campagnes en Irak, en Afghanistan et en Libye. Les Etats-Unis cherchent là des gouvernements fidèles qu’il n’avait pas avant d’envoyer ses marines, ses missiles et avant de bombarder massivement. Ils veulent sucer de ces nations le pétrole et le gaz. Et, finalement, mais non moins important, ils désirent installer des bases militaires qui raccourcissent la logistique de futures agressions contre Moscou et Beijing.
Agresser militairement l’Iran, d’une part, et contrecarrer les plans russes (d’alliance avec les chinois) en matière gazifière, sont des nécessités de première importance qui expliquent la politique d’Obama envers la Syrie.
Et les deux sujets sont intimement liés, d’après la teneur d’un expos » très fondé du professeur et analyste politique Imad Fawzi Shueibi, publié sous le titre « De la géopolitique du pétrole jusqu’à celle du gaz ».
Désespérés
Là on lit que les étasuniens sont désespérés parce que leur projet gazifière dans la zone, appelé « Nabucco », avec l’appui de la Turquie et de l’Azerbaidjan, risque de perdre face aux deux gazoducs russes de Gazprom, baptisés « North Stream » et « South Stream ».
« Le projet « North Stream » connecte directement la Russie avec l’Allemagne à travers de la Mer Baltique, jusqu’à Weinberg et Sassnitz, sans passer par la Biélorussie. Le projet « South Stream » commence en Russie, traverse la Mer Noire jusqu’à la Bulgarie et se divise en passant par la Grèce et le sud de l’Italie, d’un côté, et par laHongrie et l’Autriche, par l’autre côté », détaille Shueibi.
Selon l’expert, Obama prétendait que le gaz iranien s’incorporait au projet « Nabucco » en le connectant au point de stockage d’Erzurum, en Turquie. Il a échoué. En juillet 2011, le président Mahmud Ahmadinejad a décidé que le transport de son gaz se ferait à travers l’Irak et la Syrie, assemblé au projet russe.
La conclusion de Shueibi est sans appel : « La Syrie se convertit ainsi en principal centre de stockage et de production, lié de plus avec les réserves du Liban. On ouvre ainsi un espace géographique, stratégique et énergétique complètement nouveau qui comprend l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban. Les obstacles auxquels ce nouveau projet est confronté depuis plus d’un an donnent une idée du degré d’intensité de la lutte qui se développe par le contrôle de la Syrie et du Liban ».
Qu’ajouter de plus à cet exposé ? Très peu. En général dans ces conflits le sang a l’odeur de pétrole. Dans le cas de la Syrie les massacres sont liés au gaz..
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
http://www.elcorreo.eu.org/Pourquoi-les-bombes-tuent-a-Damas-et-dans-d-autres-villes-syriennes